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Allemagne

Le projet controversé de péage automobile adopté

Le Parlement allemand a adopté un projet décrié de péage automobile, qui pénalisera en premier lieu les usagers étrangers et contre lequel Bruxelles et plusieurs voisins de l'Allemagne pestent déjà.

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Le Parlement allemand a adopté vendredi un projet décrié de péage automobile, qui pénalisera en premier lieu les usagers étrangers et contre lequel Bruxelles et plusieurs voisins de l'Allemagne pestent déjà.

Le Bundesrat, la chambre haute du Parlement, a donné son feu vert au texte déjà validé par le Bundestag (chambre basse) et qui prévoit d'instaurer courant 2016 sur les autoroutes et routes nationales allemandes une vignette annuelle dont le montant, défini par l'âge de la voiture, la cylindrée du moteur et certains critères environnementaux, peut atteindre 130 euros.

Ce projet était le cheval de bataille du CSU, petit frère bavarois du parti conservateur d'Angela Merkel et membre de la coalition au pouvoir. Le CSU avait fait miroiter à ses électeurs l'introduction d'un péage pour les étrangers, promesse porteuse dans une région où de nombreux habitants paient pour utiliser les autoroutes de l'Autriche et la Suisse voisines.

Comme un péage applicable aux seuls étrangers contreviendrait aux règles européennes, le projet retenu est celui d'une vignette électronique à payer par tous. Mais pour s'assurer que les étrangers seront effectivement les seuls à payer en plus, la taxe dont s'acquitte déjà tout propriétaire de voiture en Allemagne sera minorée pour éviter une double charge.

Les automobilistes étrangers devront s'acquitter de 5, 10 ou 15 euros pour une vignette valable dix jours, et de 16 à 30 euros pour une vignette valable deux mois.

Pour le moment, en Allemagne, seuls les poids lourds paient un péage.

"Le péage (automobile) garantit sur le long terme le développement de nos infrastructures", a défendu devant le Bundesrat le ministre des Transports Alexander Dobrindt, selon qui le mécanisme doit rapporter 500 millions d'euros supplémentaires par an.

Avant même son adoption, le projet a fait l'objet de nombreuses critiques des pays voisins, notamment l'Autriche, les Pays-Bas et la France, où l'Alsace et la Lorraine comptent de nombreux frontaliers, mais aussi de la Commission européenne, qui s'inquiète d'une discrimination des automobilistes étrangers.

"L'Allemagne est la première destination touristique des Néerlandais. Ils y dépensent de l'argent, notamment en carburant, et contribuent donc déjà aux coûts du réseau routier", a plaidé vendredi Ad Vonk, porte-parole de la Fédération néerlandaise du Tourisme (ANWB).

"Ce projet pénalise les Néerlandais", a regretté dans un communiqué la ministre néerlandaise des Infrastructures et de l'Environnement, en charge des transports, Melanie Schultz van Haegen.

"Nous attendons de pied ferme la réaction du commissaire européen (aux Transports, Violeta) Bulc. Sa position est importante pour l'action que nous pourrons mener, conjointement avec d'autres pays voisins de l'Allemagne, afin d'empêcher la création de ce péage", a-t-elle ajouté.

Les Pays-Bas devraient pouvoir compter sur le soutien de l'Autriche, qui "considère toujours que la décision allemande est contraire au droit européen", selon une porte-parole du ministère autrichien des Transports. "Une fois que la loi sera promulguée en Allemagne, en juin ou en juillet, nous porterons plainte auprès de la Commission européenne, qui aura trois mois pour répondre", a-t-elle indiqué à l'AFP.

D'après un document de travail de la Commission européenne consulté par le quotidien allemand Die Welt, des experts jugent "inefficaces" les vignettes dans la mesure où elles ne sont pas liées au nombre de kilomètres parcourus, et critiquent le "caractère discriminatoire" du projet allemand.

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