Les accusés boudent le procès des attentats de Bruxelles
Les box sont restés vides alors que se poursuivait la lecture de l’acte d’accusation.
«Il ne faut pas confondre le procès de Paris avec celui de Bruxelles», a expliqué aux jurés l'avocate de Salah Abdeslam, Me Delphine Paci. © PHOTO: AFP
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles).
Une question : parleront-ils ? Les revendications des accusés qui émaillent les débuts du procès des attentats de Bruxelles laissent planer un doute sur leur intention de s'exprimer à l'avenir devant les juges. Plusieurs d'entre eux ont de nouveau protesté ces derniers jours contre leurs conditions de détention et de transfert, comme ils l'avaient fait la semaine dernière déjà.
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Lundi et mardi, la chaise de Salah Abdeslam est ainsi restée vide. Le seul kamikaze survivant des attentats de Paris s'est dit souffrant. Mais il n'y a pas eu de certificat médical en ce qui le concerne. Un autre accusé, Bilal El Makhoukhi, a refusé d’être extrait de la prison de Haren pour se rendre au procès.
La présidente Laurence Massart n'a pas le pouvoir de modifier les conditions de transfert et de détention que plusieurs accusés et leurs avocats qualifient d'«humiliantes». Mais elle invite les policiers à faire preuve de «psychologie». Ces derniers sont observés de près depuis que le médecin légiste a constaté des lésions sur l’accusé Ali El Haddad Asufi, lequel s'est plaint d'avoir subi une clé de bras trop appuyée qui lui a fait perdre connaissance.
«Adopter la psychologie»
La présidente dit encore avoir été interpellée par la police pour savoir ce qu'il y a lieu de faire. «J'ai donné pour instruction d'adopter la psychologie à l'égard des accusés. Il s'agit de leur procès, ils doivent pouvoir venir s'expliquer. J'ai donc dit à la police de dire aux accusés qu'il était important qu'ils viennent», explique la magistrate.
Mais, au bout du compte, elle a bien dû constater que «la psychologie n'a pas fonctionné». Salah Abdeslam, a-t-elle confirmé en lisant le procès-verbal de la police, «a refusé de sortir de sa cellule. Il était couché sur son lit. Après avoir tenté la psychologie et la diplomatie, il s'est tourné vers nous et a déclaré : ''Je ne viens pas''».
Puis est venu le moment de reprendre la lecture de l'acte d’accusation. La présidente a demandé aux accusés s'ils désiraient assister à l’audience. Tous ont alors quitté la salle. La lecture s'est de nouveau déroulée devant un box vide. Seuls sont restés les frères Smaïl et Ibrahim Farisi, qui comparaissent libres.
«Un chantage à la parole»
Cette attitude est diversement appréciée par les parties civiles. Agacé, Me Guillaume Lys, l'un des avocats de l’association de victimes V-Europe, pointe pour sa part «un chantage à la parole» et rappelle que ce ne serait pas le premier procès à se dérouler sans accusé présent.
Il est toutefois trop tôt pour dire que le procès des attentats de Bruxelles court à l'échec. Mais l'acte d’accusation a beau faire 467 pages, une foule de questions demeurent sur le rôle et l'attitude des accusés dans les opérations kamikazes. Pour l'instant, trop de conjectures restent de mise.
Les avocats de Salah Abdeslam ont tenté pour leur part de trouver le ton juste devant les jurés. «Ces attentats ont causé un traumatisme sociétal qui fait peser un poids énorme sur ce procès et sur notre État de droit», a affirmé Delphine Paci, avant de qualifier l'acte d’accusation de «subjectif».
Une thèse contestée
Selon l'avocate, il présente Salah Abdeslam et Sofien Ayari (l'homme qui fut arrêté avec lui quatre jours avant les attentats) comme impliqués dans la mise en œuvre des tueries bruxelloises. «Cette thèse est contestée», a rappelé l'avocate, avant d'inviter les jurés à se souvenir que la présomption d'innocence prime jusqu'au prononcé du jugement. Et de poursuivre : «Salah Abdeslam est présenté comme l’ennemi public numéro 1. Ses moindres faits et gestes sont scrutés comme s'il était le grand organisateur de ces attentats, mais nous rappelons qu'il n’est pas poursuivi comme dirigeant d’une organisation terroriste».
Le personnage de Salah Abdeslam a fait couler beaucoup d'encre, son nom peut faire peur, mais vous entendrez le rapport des experts, il est loin d'être un psychopathe.
Et de conclure : «Il ne faut pas confondre le procès de Paris avec celui de Bruxelles. Il ne faudrait pas que Salah Abdeslam soit condamné pour ce qu'il n'a pas fait. Son personnage a fait couler beaucoup d'encre, son nom peut faire peur, mais vous entendrez le rapport des experts, il est loin d'être un psychopathe».
Le procès a marqué trois jours d'interruption pour cause de sommet européen. La semaine prochaine, les accusés seront en principe entendus sur le fond de l'affaire. L'audition particulièrement attendue de Mohamed Abrini aura lieu mercredi. L'homme au chapeau fera-t-il des révélations sur la préparation et la mise en œuvre de l'attentat qui a fait 18 morts à Brussels Airport le 22 mars 2016 ? Dira-t-il pourquoi il a tourné les talons juste avant que les bombes n'explosent ? Donnera-t-il des éléments sur l’autre attentat, celui de la station de métro Maelbeek ? Et, bien sûr, sera-t-il seulement présent à l'audience ? La justice belge et les victimes croisent les doigts...