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Metz

Les friches militaires, opportunité ou cadeau empoisonné

Si la caserne d'Albi est devenue un agréable campus universitaire, l'ancienne base aérienne de Metz-Frescaty est encore une immense cité fantôme: pour les collectivités, réhabiliter des friches militaires peut être une chance comme un cadeau empoisonné.

Photo prise le 17 octobre 2014 sur l'ancienne base aérienne 128 de Metz-Frescaty, fermée en 2011

Photo prise le 17 octobre 2014 sur l'ancienne base aérienne 128 de Metz-Frescaty, fermée en 2011 © PHOTO: AFP

(AFP) - Si la caserne d'Albi est devenue un agréable campus universitaire, l'ancienne base aérienne de Metz-Frescaty est encore une immense cité fantôme: pour les collectivités, réhabiliter des friches militaires peut être une chance comme un cadeau empoisonné.

"Tiens, il y a deux semaines elle n'était pas encore là cette fuite", observe Stéphane Gérard, responsable de la planification territoriale à la communauté d'agglomération de Metz Métropole, sur la terrasse moussue de l'ancien mess de la base aérienne 128 de Metz-Frescaty.

Le mess, grosse rotonde en béton, évoque un palais soviétique à l'abandon, avec escaliers en marbre blanc et salles vides démesurées.

Près de 2.500 personnes, militaires et civils, travaillaient encore sur la "BA 128" en 2008 quand l'Etat a annoncé sa dissolution pour 2012. Un coup dur pour l'agglomération messine, également touchée par d'autres restructurations militaires et qui ne s'en est pas encore vraiment remise.

Le mirage d'Ecomouv'

Etendue sur 400 hectares, la base générait "140 millions d'euros de recettes par an" pour l'économie locale, alors que les compensations financières de l'Etat n'ont totalisé que 32 millions d'euros, s'indigne M. Gérard.

Le North American F-100D Super Sabre 42131/11-MP a été depuis déposé et transporté au musée de l'ancienne base de Toul-Rosière

Le North American F-100D Super Sabre 42131/11-MP a été depuis déposé et transporté au musée de l'ancienne base de Toul-Rosière

Pour contenter les élus locaux, l'Etat avait aussi décidé d'implanter Ecomouv', la société chargée de collecter l'écotaxe, sur l'ancienne base. Mais depuis l'enterrement de l'écotaxe par le gouvernement, les 157 salariés de la société sont dans le flou total.

Quelques-uns continuent de fréquenter leurs locaux discrets de la base aérienne, fermés au public: "On enregistre toujours des redevables, on fait des formations pour maintenir nos compétences", explique Eric Bouthier, délégué CFDT des salariés d'Ecomouv', cachant difficilement son désarroi.

Une base vendue un euro symbolique

Metz Métropole, qui doit prochainement devenir propriétaire de la base par le biais d'une vente à un euro symbolique au terme de négociations compliquées avec la Défense, imagine de nombreux autres projets pour la base: zone agricole périurbaine, installation d'entreprises de travaux publics, pôle d'excellence sportive...

D'autres projets paraissent déjà compromis, comme une ferme solaire ou un pôle de formation vétérinaire, voire farfelus comme celui d'un parc d'attractions privé autour du cinéma et des cascades en voiture, proposé par l'ancien cascadeur Rémy Julienne.

Vue de l'ancienne BA 128 de Metz-Frescaty

Vue de l'ancienne BA 128 de Metz-Frescaty

Mais avant tout projet "il y aura un énorme travail de remise à niveau aux normes civiles, de mise en conformité des réseaux de l'eau, de l'électricité, de télécommunications. Et il y aura des coûts de dépollution, notamment en hydrocarbures", énumère M. Gérard.

Par ailleurs, Metz Métropole s'attend à 600.000 à 700.000 euros de frais de gardiennage du site par an, auxquels s'ajouteront des frais d'entretien et des taxes.

Toutes ces contraintes devraient inciter les élus locaux à avancer au coup par coup et à sélectionner les projets les plus rentables et les moins gourmands en termes de fonctionnement. Les aménagements vont probablement s'étaler sur plusieurs décennies.

A Albi, une caserne revit

Des exemples de réhabilitations réussies de friches militaires, comme à Albi dans le Tarn, peuvent toutefois donner de l'espoir à Metz.

Après la dissolution de son régiment de parachutistes en 1992, la caserne Lapérouse, une série de bâtiments du 19e siècle formant un grand "U", était devenue un poids pour Albi.

Mais le pari de la ville de la transformer en campus universitaire s'est avéré payant: aujourd'hui, ses bâtiments restaurés de couleur ocre accueillent 2.800 étudiants, dont les premiers sont arrivés dès 1995.

"On a un campus à proximité de l'avenue culturelle avec la médiathèque, les cinémas, le centre-ville, c'est agréable", estime Lucas, en deuxième année de géographie à Albi, qui apprécie aussi les nouveaux espaces verts et le gymnase à proximité.

"L'université de Toulouse saturait et mon ambition était de transférer une partie sur Albi", se rappelle Michel Castel, maire de la ville de 1977 à 1995.

"Transformer une caserne militaire en université c'est tout de même un beau changement! Même mes élus pensaient que je rêvais... Cela a contribué à démocratiser l'enseignement supérieur car toutes les familles humbles ne pouvaient pas envoyer leurs enfants sur Toulouse", ajoute-t-il.

"Toutes les villes qui sont confrontées à des départs de régiments ne doivent pas se lamenter, des solutions existent!", selon l'ancien maire.

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