Virgule
Politique

Les partis belges fourbissent leurs armes électorales

Le retour au pouvoir des nationalistes flamands de la N-VA est une des clés de la campagne qui aboutira aux législatives du 9 juin 2024.

Les législatives se tiendront l'année prochaine en Belgique, mais les partis commencent déjà leurs manœuvres.

Les législatives se tiendront l'année prochaine en Belgique, mais les partis commencent déjà leurs manœuvres. © PHOTO: Shutterstock

Max Helleff

C’est le 9 juin 2024 que les Belges se rendront aux urnes. Prévu d’abord en mai de la même année, le rendez-vous électoral s’est aligné en définitive sur la date du prochain scrutin européen - auquel les jeunes Belges âgés d’au moins 16 ans pourront participer.

Lire aussi :Le Parlement wallon assis entre deux chaises (de luxe)

La Constitution prévoit que les citoyens désignent, simultanément, leurs élus à la région ou à l’Europe. Dans un pays où le vote est obligatoire, ce choix a le mérite d’alléger la pression sur les électeurs tout en limitant les dépenses.

La Belgique est un Etat fédéral et un nombre important de décisions se prennent désormais à l’échelon des régions et des communautés. Mais la mère des élections reste sans conteste la législative qui doit renouveler les sièges de la Chambre et du Sénat, avant que ne soit formée une incontournable coalition gouvernementale.

Dans les faits, la campagne électorale a été lancée à la mi-mai par Bart De Wever, le président de la N-VA, ouvrant une brèche où s’est immédiatement engouffrée la droite flamande. Pour revenir au pouvoir, le nationaliste est à nouveau prêt à tendre la main au parti socialiste francophone de Paul Magnette.

Lire aussi :Vent de suspicion sur les députés belges

Il lui propose de former un mini-cabinet au lendemain des élections afin, dit-il en substance, de transformer la Belgique en un Etat confédéral, d’assainir les comptes publics et de sauver par ricochet la Flandre du naufrage qu’il annonce au vu de la situation des finances du pays. Bart De Wever a par la même occasion rejeté toute alliance avec le Vlaams Belang (extrême droite). Enfin, il craint la reconduction de la Vivaldi, l’actuel gouvernement du Premier ministre Alexander De Croo, coalition qui réunit pas moins de sept partis allant de la gauche socialiste à la droite libérale.

«Pourrissement et immobilisme»

Bien au contraire, pour Alexander De Croo, une alliance PS - N-VA après les élections signifierait le blocage du pays. «Derrière ce nouvel appel (de Bart De Wever) à une grande réforme de l'État, il y a une stratégie et un objectif: à nouveau paralyser notre pays pendant 500 jours et plus. C'est la stratégie du pourrissement et de l'immobilisme», a lancé le libéral flamand lors du récent congrès de son parti, l’Open VLD. Il a ainsi rappelé les longues, très longues tractations qui, au terme de 541 jours, avaient finalement mené en 2011 à la formation du gouvernement Di Rupo.

En dépit des critiques, l’actuel Premier ministre refuse d’être taxé de stagnation. «Nous sommes en pleine ascension. Ce n'est pas le moment de pousser sur le frein, mais au contraire c'est là que l'on passe à la vitesse supérieure». A l’entendre, face au blocage, «à chaque fois, on a besoin des libéraux pour briser cet immobilisme».

Lire aussi :Bart De Wever tend la main au PS

Au pouvoir depuis octobre 2020, la Vivaldi n’a pourtant pas brillé par son agilité. Si on lui prête une gestion estimable de la crise du covid, bien des réformes ambitieuses n’ont pas abouti à ce jour. Le travail, la fiscalité, la santé, les pensions… les changements se sont faits le plus souvent à la marge. Le caractère hétéroclite de la coalition n’aide pas au lancement de chantiers qui transformeraient le pays en profondeur. 

La reconduction de la Vivaldi est une option à prendre au sérieux, bien que le président de l'Open VLD, Egbert Lachaert, estime qu'«un accord est parfaitement possible avec la N-VA ou d'autres partis». Les libéraux appartiennent d’ailleurs à la coalition régionale qui gouverne en ce moment la Flandre, précisément avec la N-VA et les démocrates-chrétiens du CD&V.

Les enjeux d’un retour au pouvoir de la N-VA

Le retour des nationalistes flamands au pouvoir après cinq années d’opposition présenterait un bénéfice évident en termes de représentativité. Presque un Flamand sur deux adhère aux thèses nationalistes défendues par la N-VA - et plus radicalement par le Vlaams Belang (extrême droite) - sans être représenté au gouvernement.

Le retour aux affaires de Bart De Wever et de son parti calmerait ceux qui voient dans cette absence un déni de démocratie. Mais attention: il pourrait valoir aux autres formations de la droite flamande de disparaître dans l’ombre de la N-VA.

Lire aussi :La descente aux enfers d’une écolo belge

Côté francophone, le PS, le principal parti de la coalition gouvernementale, est sur la défensive. Dans son discours du 1er mai, son président Paul Magnette s’en est pris à son allié Alexander De Croo, accusé de «diviser» les Belges.

Magnette n’a jamais avalé le fait d’avoir dû lâcher le poste de Premier ministre au profit du libéral flamand afin de calmer le nord, la partie la plus peuplée du pays. D’un autre côté, il doit donner des gages à son aile gauche face aux sirènes du PTB communiste. Il faut donc s’attendre à ce qu’il mène une campagne particulièrement ambigüe, dénonçant d’un côté le «passif» de la Vivaldi tout en continuant de l’autre à faire partie de la coalition.

La solution socialiste flamande

Quoi qu’il en soit, au lendemain du scrutin, il faudra se mettre autour de la table de négociations. Les partis belges sont capables d’un troc impressionnant qui les amène à mettre en sourdine leurs promesses électorales contre l’un ou l’autre portefeuille, la condition sine qua non étant jusqu’ici que l’extrême droite reste bannie du pouvoir.

Il conviendra comme chaque fois de mettre du baume sur les plaies. Si Bart De Wever vient de déclarer qu’il n’aimait «pas vraiment» Georges-Louis Bouchez, le président des libéraux francophones (Mouvement réformateur), ce dernier a prudemment rétorqué qu'«on s’en fout de savoir qui aime qui»… Demain, il faudra peut-être négocier ensemble.

Lire aussi :Ludivine Dedonder, l’arme fatale du PS belge

Un homme pourrait arriver à mettre tout le monde d’accord: Conner Rousseau. Le président des socialistes flamands (Vooruit) affecte de «dégauchiser» son parti, notamment en prônant la limitation des allocations de chômage dans le temps. Il en devient fréquentable pour la droite flamande. Paradoxe suprême, Conner Rousseau serait à même dès lors de briguer le poste de Premier ministre, au grand dam du «camarade» Paul Magnette.

Enfin, le 9 juin 2024, tous les partis démocratiques auront un ennemi commun: l’abstention (11,62% en 2019, soit près d’un million de citoyens). Le rejet de la politique que manifestent toujours plus de Belges sape sa légitimité. Et ce n’est pas bon pour la démocratie.

Sur le même sujet