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Les pharmacies belges tombent le masque

Alors qu'au Luxembourg, l'État a tablé sur l'armée, la police, puis le CGDIS et les communes pour la distribution gratuite de protections buccales à la population, le ministère belge de la Défense a confié cette mission aux officines. Une action repoussée au 15 juin.

Le ministère belge de la Défense a commandé 18 millions de masques début mai. Mais les retards se sont accumulés depuis...

Le ministère belge de la Défense a commandé 18 millions de masques début mai. Mais les retards se sont accumulés depuis... © PHOTO: AFP

Jean-François Colin

A quelques jours de distribuer gratuitement aux 11,5 millions de Belges les stocks de masques commandés par l'État fédéral, les 4.800 pharmacies réparties sur le territoire sont en ordre de bataille. Ou pas... «Je ne suis officiellement au courant de rien, les seules informations dont je dispose sont celles parues dans la presse», confiait jeudi une pharmacienne de Martelange, à la frontière grand-ducale. Manifestement, la communication passe mal.

Fin avril, le ministère de la Défense était chargé de commander un stock de 18 millions de masques auprès des sociétés luxembourgeoise Avrox (15 millions) et flamande Tweeds & Cottons (3 millions). Depuis les commandes passées le 6 mai, les retards se sont accumulés, si bien que l'ensemble, qui était censé être écoulé via les officines, d'abord à partir du 6 juin, puis du 9, ne le sera finalement que pour le milieu du mois. Les dernières caisses de masques Avrox n'arriveront en effet que ce week-end.

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Philippe Goffin (MR), le ministre de la Défense en charge de l'opération, devrait mettre un épilogue à cette cacophonie gouvernementale lors d'une conférence de presse prévue lundi sur le sujet. Mais dans l'attente de ces éclaircissements, Lieven Zwaenepoel, président de l'Association pharmaceutique belge (APB), considère que la distribution via le réseau privé des pharmacies est «le canal logistique le plus performant».

A cela il avance une triple raison, «le maillage géographique», mais aussi «la présence d'un acteur de soins qualifié et avec une approche scientifique susceptible de s'occuper de l'accompagnement pour le bon usage» et enfin, le fait de «l'enregistrement systématique et (du) partage des données pour chaque pièce écoulée».

Priorité aux seniors

«La distribution commencera le 15 juin via les 27 dépôts des grossistes répartiteurs, certifie le président de l'APB. Avec un lot initial de 1.000 masques pour chaque pharmacie». Soit un peu moins de cinq millions de pièces en tout. A charge pour chaque officine de recommander un nouveau stock en cas d'épuisement du premier lot.

Si les personnes âgées (nées avant 1953) constituent un groupe cible prioritaire, le principe est bien que chaque citoyen dispose de son propre masque attribué par l'Etat fédéral. «Chaque fois qu'une personne en reçoit un ou plusieurs pour elle-même et sa famille, le pharmacien doit l'enregistrer dans son dossier pharmaceutique partagé digital», explique Lieven Zwaenepoel. Ainsi, la traçabilité est assurée dans toutes les pharmacies de Belgique.

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Sur la qualité des protections buccales, le président de l'APB se veut rassurant: «Ces masques en tissu importés de Chine affichent une garantie testée et uniforme». Mais, comme pour ajouter encore un peu plus de confusion, le représentant des pharmaciens précise qu'«en parallèle, une distribution de filtres à ajuster sur ces masques sera assurée par les communes et le ministère de la Justice».

Dans toute cette organisation, le timing belge a de quoi étonner. «Ces masques de l'État fédéral arrivent un peu comme les carabiniers d'Offenbach», ironise Christiane Noël, pharmacienne à Tenneville, entre Bastogne et Marche. Depuis le début de la crise, de nombreuses communes ont en effet assuré une distribution aux citoyens, en plus de multiples initiatives privées qui ont vu le jour, et bien sûr de la vente de ces protections buccales, tant en pharmacies que dans les grandes surfaces.

Des stocks entiers de masques invendus lors de la fameuse épidémie de grippe en 2017 ont été détruits

Bref, «chaque Belge est déjà fourni et je ne suis pas sûre que les gens soient encore tellement demandeurs de masques», poursuit-elle. A cela s'ajoutent les quelque 49.000 travailleurs frontaliers belges qui ont reçu un lot gratuit de 50 masques de la part de l'État luxembourgeois.

«Au départ, c'était la pénurie, et puis tout à coup maintenant, il y en a partout. On dirait qu'ils tombent du ciel», s'étonne la pharmacienne de Tenneville. La même s'indigne lorsqu'elle avoue que «des stocks entiers de masques invendus datant de la fameuse épidémie de grippe en 2017 ont été détruits ou écoulés gratuitement». Clairement, la gestion de l'approvisionnement en masques et surtout l'énorme retard accumulé depuis le début de la pandémie à la mi-mars posent question dans un pays qui déplore à ce jour plus de 9.500 décès et près de 60.000 cas positifs au covid-19.

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