Les prisons belges condensent bien des misères
La surpopulation carcérale va crescendo en dépit de conditions de détention sans cesse dénoncées.
Les taux d'occupation de certaines prisons belges battent des records. © PHOTO: AFP
La surpopulation carcérale est un marronnier de l'actualité belge. Canicule ? C’est l'étuve dans les prisons. Covid ? La promiscuité laisse les prisonniers sans défense face au virus. Grève des gardiens ? Les détenus se passeront de douche pendant plusieurs jours, etc.
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Cette fois, c'est le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) qui dénonce dans son rapport annuel les conditions de détention indignes infligées aux détenus en raison de la surpopulation carcérale. Les prisons de Jamioulx, Louvain central, Nivelles ou encore Forest sont particulièrement pointées du doigt. La Flandre bat des records avec un taux d’occupation de 171% à Anvers, 153% à Gand et 152% à Malines.
Des locaux rénovés par... l'aumônier
Pour ajouter à ce piètre tableau, le rapport évoque « les nuisibles qui prolifèrent » (rats, cafards, etc.) dans les établissements pénitentiaires, avec « des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des personnes incarcérées, sans parler de tout ce qui nuit au respect de leur intimité et de leur estime de soi. » Il est ainsi question de manque d'hygiène, de WC absent ou non isolé dans certaines cellules, de douches rouillées, de mobilier saccagé, de lieux d'enfermement trop étroits ou encore de manque de ventilation.
Quelques chiffres permettent d'y voir plus clair. La Belgique compte 10.928 prisonniers pour une capacité carcérale de 9.662 places. La plupart des établissements pénitentiaires sont concernés par la surpopulation. Les autorités ont bien tenté d’ouvrir la soupape : quelque 200 détenus ont ainsi été libérés pour freiner la propagation du coronavirus. Ces libérations n'auraient pas entraîné de récidive.
Au ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, le Conseil central de surveillance pénitentiaire recommande « d'enrayer l’augmentation de la population carcérale et de garantir aux détenus des conditions de détention dignes, et ce, sans augmenter la capacité carcérale existante». Il plaide pour l'application de peines alternatives à la détention afin de rendre de l’oxygène aux prisons tout en investissant dans de nouvelles infrastructures. Il rappelle au passage que l'autorité qui incarcère doit aussi entretenir les prisons. Or, à Arlon et à Mons, ce sont respectivement l'aumônier catholique et le personnel pénitentiaire qui ont pris sur eux de rafraîchir certains locaux.
Vers une forte augmentation de la population carcérale ?
Quant au « Master plan prisons » qui doit améliorer plusieurs prisons du pays et en construire une nouvelle près de Bruxelles, il ne suffit pas selon le Conseil central de surveillance pénitentiaire. La Belgique serait encore « loin d'atteindre le seuil de décence » établi par le Comité européen de prévention contre la torture dans toutes ses prisons.
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Le CCSP ne croit pas dans la rédemption par la prison et le fait savoir au ministre de la Justice. « Face à la surpopulation, la première réponse du ministre consiste à privilégier l'extension de la capacité pénitentiaire (…) Les arguments avancés par la recherche criminologique, qui démontrent que la prison n'est cependant pas la solution à privilégier face à la délinquance, sont ignorés. »
Bien au contraire, l'actuel gouvernement De Croo a décidé d’en finir avec une certaine forme d’impunité. Depuis le 1ᵉʳ septembre, les peines de deux à trois ans doivent être purgées. Jusque-là, il était le plus souvent possible d'y échapper moyennant le port du bracelet électronique. Certaines sources évoquent une augmentation potentielle de la population carcérale de 700 à… 3.000 nouveaux détenus. Les directeurs de prison craignent une montée des tensions dans les cellules.