Les revendications des accusés plombent le procès des attentats
Durant toute la semaine, ils ont dénoncé leurs conditions de transfert et détention, refusant par moment d'être présents.
En raison des revendications des accusés, le procès a pris du retard. © PHOTO: Shutterstock
Par notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)
La première semaine du procès des attentats de Bruxelles a été marquée par les revendications des accusés portant sur leurs conditions de transfert et de détention.
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Mohamed Abrini («l'homme au chapeau»), Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari et Ali El Haddad Asufi ont demandé mardi à quitter les lieux et à retrouver leur cellule. «Tout est fait pour qu'on se taise et pour nous briser psychologiquement», a déclaré El Haddad Asufi. «Je voulais me défendre, mais ce n'est pas possible. On nous humilie tout le temps. Il y a une caméra au-dessus des toilettes».
El Haddad Asufi affirme ne pas être «dangereux» et ne pas mériter une telle coercition. «Tout ce qu'on veut, c'est parler et se défendre, dit-il. Il y a des choses qui doivent être dites. Mais là, on nous en empêche. Vous avez dit qu'on n'était pas un groupe, qu'on devait être jugé individuellement, que la justice n'était pas une vengeance, mais ce n'est pas le cas.»
Des démarches auprès des autorités
Ces revendications ont fait l'objet de démarches auprès des autorités. L'avocat d'Ali El Haddad Asufi a envoyé «une mise en demeure» aux ministres de l'Intérieur et de la Justice pour réclamer la fin des «fouilles à nu, des génuflexions, de la privation sensorielle dans les transports.» Il ajoute: «A défaut d'accommodements raisonnables de leur part au niveau de ces mesures qu'on estime inutiles, et indignes parce qu'inutiles, alors on lancera un référé. Et c'est dans l'intérêt du procès.»
Mais pour l'instant, rien ne bouge. La présidente Laurence Massart a bien interpellé le parquet. Celui-ci rétorque que «ce sont des compétences administratives que nous n'avons pas». «Nous avons posé des questions concernant les caméras qui se trouveraient dans les toilettes. On nous a dit qu'elles ne sont pas dirigées vers cet endroit et que, si c'était le cas, il y a des bandeaux pour masquer ces scènes».
Une polémique qui divise
Les réactions des parties civiles divergent face à cette polémique. L'une d'elles explique être là pour comprendre ce qui s'est passé, tout en estimant que «les droits de chacun doivent être respectés». L'association Life4Brussels est autrement expéditive. Dans un communiqué, elle martèle que «bon nombre de victimes ont vécu des situations extrêmement dégradantes, ne pouvant plus uriner ou déféquer seules durant de long mois. Elles ont été mises à nu dans tous les sens du terme, ne sachant plus se prendre en charge seules, dépendant parfois d'étrangers pour continuer à vivre.»
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Mais jeudi, Ali El Haddad Asufi est revenu à la charge. Un geôlier lui aurait fait une clé de bras, puissante au point qu'il en aurait perdu connaissance. «Il présente des blessures au niveau de la région cervicale qui sont cohérentes avec la manière dont il décrit les faits», a expliqué à la cour le médecin légiste en précisant que l'accusé présente aux «genoux deux abrasions compatibles avec une chute sur le sol». El Haddad Asufi a préféré rester au cellulaire, bien que le légiste l'ait jugé à même de comparaître.
Quoi qu'il en soit, la présidente de la cour d'assises n'a plus d'autre choix que de convaincre les ministères de la Justice et de l'Intérieur de revoir les conditions de détention et de transfert des accusés. Au cas contraire, ceux-ci pourraient refuser d'être présents le 19 décembre prochain lorsque viendra leur tour de s'exprimer. La réussite du procès en dépend en bonne partie.
Un procès qui prend du retard
L'acte d'accusation pèse plus de 400 pages. À sa lecture, rien n'est épargné aux victimes et aux jurés qui prennent connaissance des autopsies des personnes tuées lors des attentats de la station de métro Maelbeek et de Brussels Airport, le 22 mars 2016. Ils écoutent, stoïques, le détail des blessures qui ont entrainé leurs proches dans la mort. Les accusés ne pipent pas un mot, affectant une attitude tantôt studieuse, tantôt indifférente.
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A ce stade, on apprend peu de choses neuves. Comme écrit par le passé, les quatre kamikazes de Bruxelles – les frères El Bakraoui, Najim Laachraoui et Mohamed Abrini – ont précipité la mise en œuvre de leur plan. C'est la capture de Salah Abdeslam le 18 mars 2016 à Molenbeek, soit quatre jours avant les attentats, qui les poussés à agir. Ils avaient d'abord eu pour projet de kidnapper des personnalités ou de frapper l'une ou l'autre société. Il s'en est fallu de peu qu'ils soient arrêtés par la police juste avant les attentats, a expliqué le procureur général Frédéric Van Leeuw en marge du procès.
En raison des revendications des accusés, le procès a pris du retard. L'acte d'accusation reprendra lundi.