Lisbonne s'inquiète à nouveau
La capitale portugaise s'est retrouvée privée des fêtes de la Saint-Antoine en raison d'une recrudescence de la pandémie du covid-19.
Les «arraias», ces rassemblements sur les places ou dans les rues où on installe tables et bancs sous les guirlandes, ont dû être annulés. © PHOTO: LUSA
Par Marie-Line Darcy (à Lisbonne) - «On a fait un 8-80. Et je ne reconnais plus ma ville.» Faire un 8-80 c’est passer d’un extrême à l’autre, et pour Célia c’est la meilleure manière d’exprimer sa déception. Les fêtes des saints populaires n’ont pas lieu cette année au Portugal. Et la fête d’Antoine, le saint patron de la capitale le 13 juin a été annulée.
Célia et ses amis ont arpenté le quartier populaire de Graça à la recherche de sardines grillées. En lieu et place des braseros improvisés pour préparer le petit poisson adulé et des tables qui débordent sur les trottoirs, il a fallu se rabattre à l’intérieur d’un restaurant de quartier.
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Il règne une curieuse ambiance dans la capitale silencieuse et déserte. Le grand défilé des Marches des quartiers de Lisbonne qui d’ordinaire a lieu dans la nuit du 12 au 13 juin a été supprimé au début de l’épidémie. Supprimé aussi, le mariage collectif de la Saint-Antoine le 13 juin, opportunité pour des couples de milieu défavorisé. Et supprimés aussi les «arraias», ces rassemblements sur les places ou dans les rues où on installe tables et bancs sous les guirlandes rouges, vertes et jaunes aux couleurs du Portugal.
Dans le célèbre quartier d’Alfama, tout près de Graça, la police a fait retirer les décorations. La mairie de Lisbonne a en effet promulgué un arrêté qui interdit tout ce qui de près ou de loin pourrait ressembler à une des fêtes typiques. À peine si on va tolérer quelques rassemblements familiaux dans les «becos», les venelles, ou les patios. Depuis le 10 juin, jour férié de la Fête nationale, quelques 1.000 policiers patrouillent dans les rues du centre ville pour faire respecter les règles. La maréchaussée ne laisse rien passer. En jeu, le contrôle de l’épidémie et l’augmentation des nouveaux cas de coronavirus.
Un virus qui ne lâche pas prise
Depuis le début du mois de juin qui a marqué la troisième phase de déconfinement au Portugal, Lisbonne et sa région, la Vallée du Tage (LVT) est dans l’œil du cyclone. Les nouveaux cas de coronavirus ont doublé et dépassent en moyenne 300 par jour, le seuil d’alerte décrété par les autorités sanitaires. Alors que la situation semblait se stabiliser, avec l’observation d’un plateau de nouveaux cas, leur augmentation à 90% recensés à Lisbonne préoccupe les autorités.
Face au rebond, le gouvernement a préféré décaler à ce lundi 15 juin la troisième phase du déconfinement pour Lisbonne. Ce n’est pas la capitale en elle-même qui totalise le plus de nouveaux cas, mais sa périphérie. Les foyers communautaires se multiplient dans les usines, les entrepôts, les quartiers défavorisés. Un temps, les autorités ont évité de faire du déconfinement le responsable de cette recrudescence. Elles l’ont expliqué comme la conséquence de l’augmentation des tests de dépistage. C’est en partie vrai.
Toutefois, avec la reprise du travail, les mouvements pendulaires entre le centre et la périphérie ont repris à bord de transports publics bondés aux heures de pointe où il est difficile de respecter les règles de distanciation. Une saison touristique menacée. La Direction générale de la santé (DGS) a créé un cabinet pour traiter du cas particulier de la région LVT. On envisage maintenant de mettre en place un encadrement épidémiologique spécial pour la construction civile qui n’a jamais cessé de travailler.
Il faut dire que le sursaut de nouveaux cas de covid-19 porte un coup de canif dans la stratégie menée par les autorités. Celles-ci jouent à plein la carte de la bonne gestion hospitalière de l’épidémie reconnue internationalement. Elles ne ménagent pas leurs forces pour convaincre de la sûreté du pays. Le Premier ministre Antonio Costa a la tâche difficile de rassurer les touristes attendus pour relancer l’économie tout en empêchant un nouveau dérapage épidémiologique.
Les prochains jours seront décisifs pour mesurer l’impact du mini reconfinement lisboète. Saint Antoine, le protecteur dispensé de fête, sera plus que jamais invoqué.