Marchandages autour du prochain Premier ministre belge
L’accord de la coalition Vivaldi reste à négocier et pourtant les tractations vont déjà bon train pour savoir qui conduira le futur gouvernement fédéral.
L’attribution du poste de Premier ministre pourrait servir à calmer la Flandre avec, par exemple, la nomination du socialiste francophone Paul Magnette qui représente la première famille politique au plan national. © PHOTO: AFP / archives
De notre correspondant, Max Hellef (Bruxelles) – Bart De Wever fulmine. La perspective d’un gouvernement fédéral où ne serait pas représentée la N-VA l’a mis en position offensive: «Si nous (la N-VA nationaliste flamande) étions effectivement mis de côté, ce serait un drame pour la Flandre, pour les électeurs flamands. Car cela veut dire que ce gouvernement fédéral n’aurait pas de majorité en Flandre, il serait dominé par les partis francophones.»
Bart De Wever a raison. Numériquement en force, la communauté flamande ne sera pourtant représentée qu’en minorité au sommet de l'Etat si la coalition esquissée vendredi par le libéral flamand Egbert Lachaert accouche du prochain exécutif fédéral.
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Faisons les comptes. Parmi les sept partis qui composent cette coalition baptisée «Vivaldi», quatre sont flamands – soit les partis libéral, écologiste, socialiste et chrétien-démocrate. Mais depuis les législatives du 26 mai 2019, ils ne représentent «que» 48% des électeurs du nord du pays. Le reste des voix est allé pour l’essentiel à la N-VA de Bart De Wever et au Vlaams Belang (extrême droite).
Cette situation n’est pas une première. De 2014 à 2019, le gouvernement Michel n'a pu compter que sur le soutien d'une minorité de députés francophones. La Flandre l'appuyait au contraire majoritairement. Le Mouvement réformateur de Charles Michel avait été le seul parti du sud du pays à accepter de s’allier avec la N-VA, ce qui avait valu au libéral de recevoir le poste de Premier ministre en récompense.
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Toutefois, parier sur une présence minoritaire flamande au sein du prochain gouvernement pourrait s’annoncer autrement explosif. Le risque n’est pas moindre de réveiller les vieilles querelles communautaires, celles qui font le lit du nationalisme flamand.
Dans ce contexte, l’attribution du poste de Premier ministre pourrait servir essentiellement à calmer la Flandre. En toute logique, il devrait revenir au socialiste francophone Paul Magnette qui représente la première famille politique au plan national (PS au sud, SP.A au nord). Problème : les trois précédents chefs de gouvernement (Elio Di Rupo, Charles Michel et Sophie Wimès toujours en poste) étaient francophones. Pour la Flandre, c’en est trop.
Négociations encore longues
Paul Magnette reste donc prudent. «S’il y a consensus, je suis dispo», explique-t-il. Cependant, le socialiste sait déjà qu’il ne bénéficiera pas de l’appui de Georges-Louis Bouchez, le président des libéraux francophones, désireux de voir Sophie Wilmès continuer au 16, rue de la Loi. Le libéral flamand Egbert Lachaert - qui connaît une belle ascension depuis qu’il a été nommé missionnaire puis préformateur (avec le socialiste flamand Conner Rousseau) par le roi – se verrait bien lui aussi à la tête du gouvernement. Mais, en définitive, le poste tant convoité pourrait bien échoir à un chrétien-démocrate flamand du CD&V. L’opération permettrait de rassurer cette Flandre de droite qui a longtemps hésité à tourner le dos à la N-VA de Bart De Wever pour s'associer aux rouges francophones.
Le choix du Premier ministre viendra coiffer une négociation qui s’annonce encore longue avant qu'un accord de gouvernement ne soit conclu. Il y sera question d’équilibre budgétaire, d’emploi, du social, du nucléaire et surtout de la réforme de la loi sur l’IVG. Les chrétiens-démocrates flamands n’en veulent pas. La gauche y tient dur comme fer. Trouver un consensus sur ce marqueur de l’évolution de la société belge sera extrêmement douloureux.