Metz, procès des 7 policiers: «J'avais même acheté de la viande halal»
La «meute» de la BAC de nuit de Nancy n'a pas fini de faire parler d'elle: condamnés en première instance à de la prison avec sursis pour avoir harcelé des collègues, sept policiers de la brigade anticriminalité sont rejugés en appel.
Le tribunal de Metz. © PHOTO: Shutterstock
(AFP) - Ce procès singulier de policiers contre policiers, qui s'est ouvert lundi matin devant la Cour d'appel de Nancy, doit se dérouler jusqu'à vendredi. Parmi les parties civiles, l'association SOS Racisme, et les quatre policiers qui ont porté plainte, une femme et trois hommes.
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Lundi après-midi le président, Vincent Totaro, a commencé l'interrogatoire des prévenus. Trois d'entre eux ont été entendus. Chacun a décliné ses états de service, de belles carrières pour la plupart, jusqu'à l'affaire.
Aujourd'hui, le premier est révoqué de la police nationale, les deux autres sont placés par l'administration en congés maladie. L'un a fait une dépression, et ils ne touchent plus que 40% de leur salaire.
Viande halal et chocolats
À tous les trois, le président a d'abord demandé «comment leur collègue, Saïd B., avait été accueilli dans la brigade». L'affaire avait démarré suite aux déclarations de ce policier, fraichement débarqué de la région parisienne. «Premier magrébin à intégrer le service», a rappelé le président. Il avait été affecté à la BAC de nuit de Nancy en avril 2017 et s'était rapidement plaint du climat malsain orchestré par ses collègues, qu'il décrivait comme les acteurs principaux de sa stigmatisation.
Si un type me fait une queue de poisson et que je dis: ''Oh l'enculé !'', ça ne veut pas dire que je suis homophobe.
À la barre, les trois prévenus ont tous évoqué un bon accueil: «J'ai organisé un repas où je l'ai convié, j'avais même acheté de la viande halal», a raconté le premier avant de revenir sur un incident avec un chargeur d'une arme oublié lors d'une intervention. «Depuis ce jour entre lui et moi, c'est froid. On ne se parlait plus sauf au travail».
C'est dans ce contexte que Saïd B. entend ce collègue dire à son sujet: «Je ne veux pas être dans le groupe du bougnoule». Des propos que le prévenu assure «ne pas avoir employés dans un sens raciste». Précisant: «C'est comme si un type me fait une queue de poisson et que je dis: ''Oh l'enculé !'', ça ne veut pas dire que je suis homophobe».
Le second, un des plus modérés dans ses propos, finira par ne plus vouloir serrer la main de Saïd B.. Pourtant au début, il l'aimait bien: «Le soir de son arrivée, ma femme avait cuisiné spécialement pour lui. Il m'avait remercié avec une boîte de chocolats».
Un accueil plutôt chaleureux, auquel on a presque du mal à croire face aux propos racistes et injurieux proférés par la suite au cours d'une conversation Messenger privée. «Quand vous écrivez: ''Le bicot ne restera qu'une vieille blatte pourrie esseulée qui essaye d'échapper comme il peut à la désinfection'', est-ce que vous vous rendez compte de la portée du mot désinfection ? C'est terrible !», lance le président. «C'est la rhétorique nazie sur les Juifs, la désinfection des blattes», intervient Me Frédéric Berna, l'un des deux avocats des parties civiles.
Saïd B. a évoqué à son tour le harcèlement moral dont il a été victime. «Ça été tellement difficile, que j'en suis arrivé à un point où je n'avais même plus la force de m'occuper de mes enfants», confie-t-il à la barre. «A force d'entendre que t'es nul tu l'intègres».
Aujourd'hui il a divorcé, une des conséquences de cette affaire sur sa vie. «J'ai été affecté au bureau de police de Saint-Léon, à Nancy, je fais de la procédure, comme brigadier». Loin d'être idéal quand on aime le terrain...
«Ni bougnoule ni gonzesse»
En première instance le tribunal correctionnel avait prononcé des peines de 6 à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et des interdictions d'exercer le métier de policier visant les sept prévenus, dont une définitive pour celui décrit comme le meneur.
Une enquête menée en 2018 par l'Inspection générale de la police nationale avait révélé un «système de harcèlement» organisé et le «racisme décomplexé» qui régnait depuis de nombreuses années au sein de ce service où un petit groupe de policiers fonctionnait selon «une logique de meute» au sein du commissariat. «Ni bougnoule ni gonzesse» était leur mot d'ordre informel s'agissant du recrutement de nouveaux agents.