Nouvelles surenchères autour du nucléaire belge
Le maintien en activité d’un troisième réacteur au-delà de 2025 est présenté comme une option réaliste.
La centrale nucléaire de Doel, près d'Anvers. © PHOTO: Getty Images/iStockphoto
Par Max HELLEFF (Bruxelles)
Le nucléaire belge a décidément la peau dure. L'hiver dernier encore, il était question de fermer tous les réacteurs d'ici 2025. Mais la guerre russo-ukrainienne et la crise énergétique ont convaincu le gouvernement De Croo de maintenir en activité les deux réacteurs les plus récents - Doel 4 et Tihange 3 – jusqu'en 2035. Cette décision n'a été possible qu'en arrachant l'aval des écologistes, une des composantes de la coalition Vivaldi au pouvoir. Le 18 mars dernier, il fut dit qu'on en resterait là, une fois pour toutes.
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Depuis, au sein de la majorité, les libéraux francophones répètent à l'envi que le maintien en activité de deux réacteurs ne suffira pas à garantir l'approvisionnement en électricité du pays. Ils ne sont pas seuls puisque, récemment, le personnel des centrales nucléaires a demandé que les réacteurs Doel 3 et Tihange 2, dont la fermeture est prévue respectivement en septembre et en février, continuent à fonctionner.
Eviter le démantèlement de deux réacteurs
Pour l'instant, le Premier ministre Alexander De Croo calme le jeu. « Un réacteur nucléaire n'est pas une fabrique de biscuits, vous ne pouvez pas allumer ou éteindre les réacteurs nucléaires avec un interrupteur », a-t-il lâché tout en jugeant «inévitable» la fermeture de Doel 3 et Tihange 2. Par contre, poursuit-il, «dans quelques années, je ne suis pas contre l’idée d’examiner toutes les options. (…) Les cinq prochains hivers au moins seront difficiles».
Cette ouverture est largement exploitée par les libéraux francophones, alliés d'Alexander De Croo au sein de la coalition Vivaldi. Dans les colonnes du Soir, le vice-Premier ministre David Clarinval demande «qu'on mette sous cocon les deux réacteurs qui devront fermer et ainsi éviter leur démantèlement ». Le libéral place ses espoirs dans le prochain gouvernement qui sortira des élections législatives de 2024. Il pourrait être favorable à une prolongation du nucléaire – du moins si les écologistes n'en sont pas.
En août dernier, l'Open VLD (le parti libéral flamand d'Alexander De Croo) avait demandé lui aussi à l'exploitant Engie de ne mener aucune action qui rendrait le démantèlement des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 irréversible. Depuis, il a été rejoint par plusieurs partis d'opposition, dont la N-VA de Bart De Wever.
Des contraintes financières et techniques
Est-il encore possible de prolonger la vie des vieux réacteurs, s'interroge L’Echo ? Réponse : «Pour Doel 3, il n'y a plus de combustible. Mais pour Tihange 2, Engie juge ce scénario incompatible avec les impératifs de sûreté nucléaire et les contraintes techniques et organisationnelles».
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Une précision : entre 2012 et 2015, les mêmes réacteurs - Doel 3 et Tihange 2 donc - avaient été mis longuement à l’arrêt après la découverte de microbulles d’hydrogène dans les parois en acier de leurs cuves. S'ils avaient été remis en service, c'était pour un temps réduit puisque le nucléaire belge devait alors officiellement fermer en 2025.
Mais on sait aussi qu'Engie s'était opposé en 2020 à l'idée de réinvestir dans les réacteurs belges pour en prolonger l'activité. Depuis, c’est-à-dire en juillet dernier, le gouvernement De Croo et l'exploitant français ont trouvé un accord de principe pour que Doel 4 et Tihange 3 continuent à fonctionner jusqu'en 2035.
Quant à d'autres prolongations, l'option la plus réaliste serait le maintien en activité d’un troisième réacteur – Tihange 1 – au-delà de 2025, en raison des normes de sécurité et des moindres investissements nécessaires. Trois des sept réacteurs belges continueraient ainsi à assurer l’approvisionnement en électricité du pays jusqu'en 2035.