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Le couple royal en visite

Philippe, roi des Belges, réaffirme ses regrets au Congo

Le roi Philippe a prononcé le premier discours de son voyage en RDC. Il a notamment réaffirmé de vive voix ses «sincères regrets» pour l’époque coloniale.

Le roi des Belges et son épouse, la reine Mathilde, sont arrivés mardi après-midi à Kinshasa pour une visite de six jours en RDC à l'invitation du président Félix Tshisekedi, la première depuis celle qu'avait effectuée son père Albert II en 2010.

Le roi des Belges et son épouse, la reine Mathilde, sont arrivés mardi après-midi à Kinshasa pour une visite de six jours en RDC à l'invitation du président Félix Tshisekedi, la première depuis celle qu'avait effectuée son père Albert II en 2010. © PHOTO: AFP

Source AFP

(AFP) - Le roi Philippe de Belgique a remis mercredi à la République démocratique du Congo un masque emporté du temps de la colonisation et décoré un ancien combattant de l'ex-Congo belge, au deuxième jour d'une visite dense en évocation du passé et du délicat travail de réconciliation entre Bruxelles et Kinshasa. Après une cérémonie d'accueil au palais de la nation, résidence officielle du président de la RDC, le chef de l'Etat congolais et le roi des Belges se sont retrouvés sur l'esplanade du Palais du peuple, siège du Parlement.

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Le roi Philippe y a prononcé le premier discours de son voyage. Il a notamment réaffirmé de vive voix ses «sincères regrets» pour l’époque coloniale. «Je désire réaffirmer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé», a notamment dit le cousin du grand-duc Henri. «Bien que de nombreux Belges se soient sincèrement investis, aimant profondément le Congo et ses habitants, le régime colonial comme tel était basé sur l’exploitation et la domination. Ce régime était celui d’une relation inégale et injustifiable, marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme. Il a donné lieu à des exactions et des humiliations», a reconnu le Roi.

Le roi des Belges et son épouse, la reine Mathilde, sont arrivés mardi après-midi à Kinshasa pour une visite de six jours en RDC à l'invitation du président Félix Tshisekedi, la première depuis celle qu'avait effectuée son père Albert II en 2010.

Des regrets déjà dans une lettre

Elle revêt une forte portée symbolique. Il y a deux ans, le 30 juin 2020, à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance, le roi Philippe avait exprimé dans une lettre à M. Tshisekedi ses «plus profonds regrets» pour les «blessures» de la colonisation, une première historique.

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Il avait alors regretté les «actes de violence et de cruauté» commis à l'époque où son ancêtre Léopold II avait fait du Congo sa propriété personnelle (1885-1908), avant le demi-siècle de présence de l'Etat belge dans l'immense pays d'Afrique centrale. Certains Congolais veulent y voir le début d'un «nouveau partenariat», quand d'autres réclament encore excuses et réparations pour les souffrances endurées et les «pillages» des richesses de la RDC.

La deuxième journée du voyage royal a commencé au Mémorial aux anciens combattants, où le souverain a décerné une décoration au dernier ancien combattant congolais encore en vie de la «Force publique belge» ayant participé à la Seconde Guerre mondiale.

Le caporal Albert Kunyuku, qui vient de fêter ses 100 ans, avait été enrôlé en 1940 et a fait partie du contingent militaire d'appui médical envoyé en Birmanie en 1945. Assis sur une chaise, le vieil homme a longuement serré la main et échangé quelques mots avec le roi penché vers lui.

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«Le roi vient de me faire des promesses. C'est très bien. Il faut les matérialiser», a ensuite déclaré à la presse le caporal Kunyuku. «Décorer c'est bien. Mais, il faut aussi indemniser les familles de ces anciens combattants qui ont perdu la vie dans une guerre qui ne les concernait pas», commente dans la rue juste à côté Madeleine Yowa, une infirmière de 43 ans. Marie-Thérèse Bakuku, 73 ans, vendeuse au marché Gambela voisin, parle même d'«hypocrisie» et demande elle aussi des «indemnisations conséquentes» pour leurs descendants.

Restitution des objets d'art

Le roi s'est ensuite rendu au Musée national de la RDC (MNRDC), un établissement récent financé par des fonds sud-coréens. Consacré à l'histoire culturelle du pays, il abrite masques, ustensiles, instruments de musique, etc.

Cette visite a permis d'aborder la question de la restitution des objets d'art à l'ex-colonie, pour laquelle le gouvernement belge a défini une feuille de route en 2021.

Le souverain a remis au musée un masque géant «kakuungu», qui était utilisé pour des rites d'initiation de l'ethnie Suku. Cet objet, a-t-il précisé, est prêté pour une durée «illimitée» au MNRDC par le Musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren, près de Bruxelles.

Un second discours prévu

«Nos oeuvres ont été emportées par le colonisateur, il est légitime qu'on nous les restitue», commente Louis Karhebwa, un entrepreneur de 63 ans, «content» de la venue du roi en RDC. «Un peuple se reconnaît à travers sa culture», assure-t-il à l'AFP.

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«Les restitutions font partie de notre réapropriation culturelle et de notre identité», estime également Prince Pungi, un jeune fonctionnaire. Selon lui, «le Congo est en train de changer, d'avancer», donc «c'est le moment pour reprendre ce qui nous appartient».

Un deuxième discours du roi Philippe est prévu lors de l'étape de Lubumbashi (sud-est) de son périple, vendredi devant des étudiants. Le roi se rendra enfin à Bukavu (Sud-Kivu), dans l'est du pays déchiré par près de trois décennies de violences armées.

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