Prof, un job en pénurie sévère
L’enseignement francophone belge fait face comme jamais à un manque de vocations
Des fonctions cruciales telles que les instituteurs maternels et primaires sont passées de la catégorie simple «pénurie» à « pénurie sévère ». © PHOTO: Getty Images
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - C'est, paraît-il, le plus beau métier du monde. Et pourtant, il trouve de moins en moins preneur dans les écoles francophones belges où la pénurie de professeurs s'aggrave à nouveau.
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Selon Le Soir, «entre les années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 (avant et après covid), le nombre d'inscrits en première année de bachelier est passé de 7.210 à 5.988 à Bruxelles et en Wallonie. Soit une diminution de 17 % en l'espace de douze mois, avec des disparités entre les instituteurs primaires (- 21,5 %) et maternels (-12,3 %).»
Cette chute témoigne d'un manque évident d'engouement pour la filière. Elle aura inévitablement un impact dans les prochaines années, obligeant les établissements scolaires à ratisser toujours plus large pour trouver des professeurs compétents, surtout s'ils sont versés dans les langues ou en géographie. Paradoxalement, les profs qui débutent n'ont souvent d'autre alternative que d'enseigner un peu de tout dans des écoles réputées difficiles, où leur rôle tient davantage du carcan disciplinaire que de la pédagogie.
Des fonctions cruciales en pénurie sévère
Le Soir note encore que «des fonctions cruciales telles que les instituteurs maternels et primaires sont passées de la catégorie simple «pénurie» à «pénurie sévère». Aux écoles de se débrouiller avec les profils qui se présentent. «A titre d'exemple, en janvier 2021, 13 % des instituteurs et institutrices primaires ne détenaient pas le diplôme correspondant. La proportion était de 35 % pour les professeurs de langues modernes dans le degré secondaire inférieur. Si l'on compare à janvier 2020, la pénurie se serait légèrement résorbée dans l'enseignement secondaire inférieur et légèrement aggravée dans le fondamental et le secondaire supérieur.»
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Le métier d'enseignant souffre lui aussi de l'air du temps. Beaucoup de jeunes diplômés ne cherchent plus à s'installer dans un job pour la vie, ou en tout cas pour de longues années. Ils veulent multiplier les expériences, voyager, prendre le temps de vivre autrement. Un jeune enseignant sur trois quitte le métier après cinq ans, un sur cinq prend une pension anticipée.
La problématique semble s'être aggravée avec la pandémie et les relations toujours plus explosives avec les parents. «Certains, évoque cette enseignante, ne voulaient rien savoir des dispositions sanitaires. Ils nous envoyaient leurs enfants, bien que la classe ait été fermée en raison de cas de covid avérés. Ils étaient prêts à en arriver aux mains.»
Du pain sur la planche
L'école francophone belge a du pain sur la planche. En 2018, l'enquête Pisa relevait le mauvais niveau de ses élèves en matière de lecture. Ils arrivaient une fois encore derrière leurs camarades flamands, bien que cet écart ait tendance à diminuer… en raison de la baisse de performances des jeunes Flamands.
En juin dernier, la ministre francophone en charge de l'Education, la socialiste Caroline Désir, déclarait sur Bel-RTL que la pénurie de professeurs n'est pas un problème nouveau, mais «un problème réel». «Nous devons trouver des solutions afin de résoudre ce problème en améliorant l'attractivité de la profession et en facilitant les conditions d'accès de nominations également», ajoutait-elle. A défaut d'enseignants en nombre suffisant, des élèves n'avaient pas vu assez de matière pour passer leurs examens de fin d'année. La ministre avait alors proposé de créer, dans deux zones géographiques pilotes (Bruxelles et Hainaut sud), un dispositif expérimental pour l'enseignement fondamental : un pool de remplacement des professeurs absents censé «offrir une meilleure adéquation de l'offre et de la demande».