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Election présidentielle française

Récit d'une campagne électorale ballottée

La campagne officielle pour le premier tour de l'élection présidentielle française se termine ce vendredi. Voici un résumé de cette campagne particulière où les Français semblent avoir «la tête ailleurs».

La candidate du RN Marine Le Pen rend hommage à un monument à la mémoire des "disparus sans sépulture" pendant la guerre en Algérie dans le cadre d'un voyage de campagne à Perpignan.

La candidate du RN Marine Le Pen rend hommage à un monument à la mémoire des "disparus sans sépulture" pendant la guerre en Algérie dans le cadre d'un voyage de campagne à Perpignan. © PHOTO: AFP

Source AFP

(AFP) - «Sans magie», résume fin mars un responsable de la majorité dépité. La campagne présidentielle française patine. Les sondages décrivent des Français, anxieux, peu intéressés, comme résignés à voter... ou pas.

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Le cru électoral 2022, atypique, donne l'impression que les Français ont «la tête ailleurs», comme le dit un cadre de la droite. Les candidats pestent contre l'absence de débat d'une campagne «sous morphine», comme le dit le communiste Fabien Roussel.

Un quinquennat émaillé de crises

Un étrange paradoxe règne sur l'Hexagone: les enjeux n'ont peut-être jamais été aussi décisifs avec la guerre sur le continent européen, le dérèglement climatique, la crise sanitaire,... 2022 est aussi la suite d'une recomposition entamée à la faveur de l'élection en 2017 d'un homme de 39 ans appelé Emmanuel Macron. Mais la mayonnaise ne prend pas.

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Au terme d'un quinquennat émaillé de crises, le président sortant, qui a attendu le dernier moment pour entrer en campagne, joue sa réélection en position de favori, talonné par la candidate d'extrême droite Marine Le Pen. Et à deux jours du scrutin, il flotte comme un air d'indécision et l'abstention plane.

Le phénomène Zemmour

Retour en arrière, en cet automne où la France est plongée dans la pandémie de Covid-19 et son va-et-vient entre confinement et déconfinement.

Personne n'y songe trop mais la présidentielle approche à l'horizon. Surgit un journaliste politique, Eric Zemmour, qui à force de refaire le monde sur CNews se trouve des ambitions présidentielles pour, dit-il, «sauver la France».

Le candidat Eric Zemmour (Reconquête)lors d'un meeting.

Le candidat Eric Zemmour (Reconquête)lors d'un meeting. © PHOTO: AFP

Il impose ses thèmes contre l'immigration, veut franciser les prénoms, et parle de la menace d'un «grand remplacement», théorie complotiste des mouvances d'extrême droite en France. Il se lance enfin, le 30 novembre, dans un clip faisant référence à la France des années 50 entrecoupé d'images de violences et émeutes urbaines.

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Six mois plus tard, le candidat Reconquête!, parti en fanfare, plafonne à 10% dans les sondages, malgré des ralliements hauts en couleur comme la propre nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal. Il ne cache pas sa frustration.

«A chaque fois que je fais un meeting réussi, on me trouve une merde», grince-t-il le 1er avril à Rungis, en référence aux cris de «Macron assassin» lancés lors de son meeting au Trocadéro.

«Loup-garou»

La candidature Zemmour fait les affaires de Marine Le Pen, dans une France où l'extrême droite s'installe à près d'un tiers de l'électorat.

L'ancien polémiste a supplanté dans la surenchère la candidate RN, qui a lissé son image et préféré axer sa campagne sur le pouvoir d'achat, parlant moins du cœur de son programme radical contre l'immigration.

Elle fait une campagne de proximité, préférant les petites villes aux grandes, les déambulations plutôt que les gros meetings. Elle évite tout faux pas.

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Et cela paie: largement battue par M. Macron en 2017, elle pourrait forcer un match retour plus serré, créditée à l'avant-veille du scrutin d'environ 22-23% des intentions de vote. Les Français «ne croient plus au loup-garou», dit-elle.

Pour d'autres candidats, la campagne s'est traduite par un coup d'épée dans l'eau.

Plusieurs défections dans le camp LR

Malgré sa victoire à la primaire du Parti républicain, face aux ténors de LR Xavier Bertrand, Michel Barnier ou Eric Ciotti, Valérie Pécresse n'arrive pas à imprimer sa marque.

Son positionnement est pris en tenaille entre M. Macron -plusieurs caciques du parti font d'ailleurs défection -et Eric Zemmour.

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Au plus haut en janvier dans les sondages autour de 17-18%, elle subit une lente décrue, accélérée par un meeting raté du Zénith, le 13 février.

«J'ai voulu faire un meeting comme un homme et je ne suis pas un homme», confesse-t-elle fin mars sur C8.

Comble du malheur: l'homme fort de la droite Nicolas Sarkozy la boude. Et elle perdra une semaine de campagne à cause du Covid, lequel a faussé pour tous les candidats le début de la campagne: exit les poignées de main, échanges directs ou masqués, gestes barrières obligent.

Taubira express

A gauche, seul le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon tire son épingle du jeu et effectue une «remontada» apte, veut-il croire, à le propulser au second tour.

Troisième dans les sondages, il appelle à «voter utile» et profite de ses talents oratoires pour creuser son sillon. Le «démultiplicateur» reproduit, comme en 2017, ses hologrammes à Lille le 5 avril, s'affichant en simultané dans onze autres villes, et réalise une campagne dynamique de l'avis même de ses adversaires.

Christiane Taubira appelle dans un communiqué ce vendredi à deux jours du premier tour à voter pour Jean-Luc Mélenchon.

Christiane Taubira appelle dans un communiqué ce vendredi à deux jours du premier tour à voter pour Jean-Luc Mélenchon. © PHOTO: AFP

Pour les autres, la campagne a un goût amer. Ni l'écologiste Yannick Jadot ni la socialiste Anne Hidalgo n'arrivent à se faire entendre. Si Fabien Roussel peut s'enorgueillir d'une campagne des «jours heureux», cela ne suffit pas.

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La gauche apparaît atomisée. Et ce n'est pas l'entrée en lice en janvier de l'ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui va changer les choses, au contraire. Elle remporte une Primaire populaire boudée par les autres prétendants, mais échoue à rassembler son camp, un «coup pour rien».

Un seul grand meeting pour Emmanuel Macron

Un peu à l'image d'une campagne sans cesse ballottée, happée par des évènements extérieurs.

Choix tactique ou contraint à cause de la guerre en Ukraine ? Emmanuel Macron est, lui, resté longtemps au-dessus de la mêlée, faisant miroiter le secret de polichinelle, qui a défrayé la chronique tout l'hiver, de sa candidature à sa réélection.

Le président français et candidat de La République en Marche (LREM) à la réélection Emmanuel Macron salue les gens alors qu'il arrive pour son premier meeting de campagne à Nanterre

Le président français et candidat de La République en Marche (LREM) à la réélection Emmanuel Macron salue les gens alors qu'il arrive pour son premier meeting de campagne à Nanterre © PHOTO: AFP

Un seul grand meeting, à La Défense Arena le 2 avril, deux ou trois déplacements calibrés, une «non»-campagne qui a semé le doute jusque dans son propre camp.

Verdict dimanche soir à 20H. Sûr de rien.

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