Tensions belges sur les énergies
Le gouvernement De Croo ne parvient pas à trouver un accord en son sein pour aider les ménages.
Outre le prix des carburants, ce sont surtout les prix du gaz et de l’électricité, dopés par la reprise, qui font chaque jour les titres des médias. © PHOTO: Eberhard Wolf
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - Le prix des énergies est le dossier chaud du moment en Belgique. Non seulement, il fâche la population qui voit avec angoisse la facture augmenter, mais aussi les partis gouvernementaux qui n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les moyens d’endiguer cette inflation.
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Les carburants et le mazout de chauffage sont le jouet de l’offre et de la demande. Mais ce sont surtout les prix du gaz et de l’électricité, dopés par la reprise, qui font chaque jour les titres des médias. Certains ménages voient leur facture multipliée par quatre ou cinq. Les tarifs variables des distributeurs sont revus fortement à la hausse. Certains d’entre eux parlent de jeter l’éponge, faute d’avoir les reins suffisamment solides pour régler leur propre facture. A Bruxelles, le fournisseur de gaz et d’électricité Octa + a informé ses 17.000 clients de l’arrêt de ses activités.
Vendredi matin, les principaux ministres du gouvernement De Croo se sont retrouvés pour tenter de trouver une solution. Sans succès. Depuis plusieurs semaines pourtant, différentes alternatives sont avancées par les uns et les autres, mais chaque parti a ses préférences et ses impératifs. Sur la table de négociations, on retrouve mises à la discussion une baisse temporaire de la TVA, une diminution de la même TVA sur le long terme conjuguée à une modification des accises, ainsi que des aides ponctuelles.
Ce blocage a ses raisons
Le Premier ministre Alexander De Croo a personnellement rejeté une baisse linéaire de la TVA, mettant ainsi son poids et son crédit personnel dans la balance. Il veut aider les consommateurs lourdement « impactés », dit-il, par la hausse de la facture de l’électricité et du gaz, mais pas ad vitam aeternam. L’aide doit être « temporaire, ciblée socialement, et doit tenir compte de la soutenabilité des finances publiques ».
L’Open VLD, le parti libéral flamand du Premier ministre, ne veut pas d’une mesure qui plomberait de nouveau les finances publiques, mal en point alors que s’achève cette seconde année passée sous pandémie. Il estime le coût de la baisse de la TVA de 21 à 6% à un manque à gagner de deux milliards d’euros, là où certains experts évoquent une perte pour l’Etat de 1,4 milliard.
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Auparavant, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem avait pourtant proposé une réduction temporaire de la TVA à 6 % à partir du 1er février. Une solution à long terme aurait dû alors être trouvée, selon le chrétien-démocrate flamand, soit via une réduction automatique de la TVA dès que les prix dépassent un certain seuil, soit via une compensation sous la forme d’un ajustement des accises. Le Parti socialiste évoque pour sa part l’octroi d’un chèque unique de 200 euros à défaut de trouver une majorité en faveur de la baisse de la TVA.
La facture d'électricité des ménages constitue une arène rêvée pour les partis qui affirment défendre les « petites gens ». Bart De Wever, le président de la N-VA nationaliste flamande, en a fait un argument-massue pour lutter contre la fermeture des centrales nucléaires en 2025. Aujourd’hui, c’est le PTB communiste de Raoul Hedebouw qui dégaine.
Une «urgence sociale»
Jeudi, sur le plateau de la chaîne publique RTBF, Raoul Hedebouw a mis en balance la TVA qui touche le gaz et l’électricité avec celle du champagne et du caviar. Toutes se montent à 21%. Il y a une « urgence sociale », selon Hedebouw. « Des factures d’énergie qui vont exploser, 2000 euros en plus par an, qui sait payer ça? Pour le PTB, électricité et gaz devraient être considérés comme des produits de première nécessité et être taxés à 6% ». Le communiste a également taclé le chèque de 200 euros proposé par le PS : « C’est trop peu. C’est insuffisant… »
L’interview s’est achevée sur un clin d’œil de la RTBF qui a fait apparaître la figure de Joseph Staline en fond d’écran, histoire sans doute de rappeler que le PTB n’a jamais renié ses racines.
Depuis les rangs de l’opposition, le PTB a plus que jamais une carte à jouer face au PS qui peine à tirer son épingle du jeu dans le gouvernement De Croo. Il fait feu de tout bois. L’interview de la RTBF a donné de nouveau à Raoul Hedebouw l’occasion de s’opposer à la toujours hypothétique vaccination obligatoire. Un récent sondage a montré que si le PS reprend des forces en Wallonie, il doit se contenter de faire ex aequo à Bruxelles avec le PTB. Les problèmes de pauvreté que rencontrent certains quartiers de la capitale ouvrent un boulevard à l’extrême gauche.