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Procès des attentats de Bruxelles

Une fabrication de bombes «risquée certes, mais simple»

De nombreux détails sur la préparation des attentats du 22 mars 2016 sont livrés par les enquêteurs lors du procès de Bruxelles.

Me Delphine Paci, avocate de Salah Abdeslam, lors de l'audience de lundi dernier.

Me Delphine Paci, avocate de Salah Abdeslam, lors de l'audience de lundi dernier. © PHOTO: AFP

Max Helleff

De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles).

Son témoignage avait fait le tour des médias après les attentats bruxellois. Le taximan avait embarqué trois hommes et leurs «bagages» dans la capitale, direction Brussels Airport. Un détail l'avait marqué: une odeur chimique avait envahi l'habitacle de son véhicule et l'avait contraint à ouvrir les vitres.

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Le 22 mars 2016, c'est bien Najim Laachraoui, Ibrahim El Bakraoui et Mohamed Abrini que le chauffeur de taxi Charles M. a pris en charge au 4, de la rue Max Roos, à Schaerbeek. Charles M. n'est pas présent mercredi à l'audience. C'est un commissaire de police qui rend compte de son témoignage devant la cour d'assises de Bruxelles. Il raconte comment le taximan a embarqué les trois individus à 7h08 après avoir attendu un certain temps. Ils sont de type nord-africain. Chacun porte un grand sac noir. Deux d'entre eux parlent le français, le troisième ne dit rien. Ils se présentent comme des étudiants qui viennent de visiter la Belgique.

El Bakraoui s'en prend aux Américains

Dans la voiture, l'un des passagers s'étonne que le taxi passe devant l'Otan pour rejoindre Zaventem. C'est pourtant bien le chemin habituel. Ibrahim El Bakraoui fait la conversation. Il s'en prend aux Américains qui «ont amené la violence dans le monde. T'as vu ce qu’ils font aux Noirs aux États-Unis», lance-t-il au taximan d'origine africaine. Les deux autres passagers semblent absents ou stressés.

Une fois arrivé à l'aéroport à 7h33, les choses vont très vite. Chacun reprend son sac en refusant l'aide du chauffeur. L'un se procure un chariot pour y empiler les bagages. C'est Mohamed Abrini, le kamikaze qui va très vite devenir pour les médias du monde entier «l’homme au chapeau». Les caméras de surveillance le montreront quittant rapidement l'aéroport après y avoir pénétré et s'enfuir à pied.

Six ans plus tard, face aux juges et aux jurés du procès des attentats de Bruxelles, le commissaire de police explique encore que Ibrahim El Bakraoui a dit au chauffeur «on se reverra peut-être un jour». El Bakraoui, un ex-braqueur reconverti en «soldat d’Allah», n'hésitera pourtant pas quelques minutes plus tard à actionner à l'aéroport la bombe qui le tuera. Najim Laachraoui, un ex-geôlier de Raqqa, en fera autant.

Une odeur épouvantable dans la voiture

En quittant Zaventem et son aéroport, le chauffeur roule toutes fenêtres ouvertes sur l'autoroute «tellement ça puait» dans la voiture. Puis il prend une cliente en charge. C'est alors qu'ils entendent la radio annoncer des explosions à l'aéroport. A cet instant, il n'est pas encore question d'attentats.

Mais l'information rappelle aussitôt à la Belgique que le 13 novembre 2015, des hommes inféodés à Daech ont tué 130 innocents sur les terrasses parisiennes. Le 18 mars 2016, le seul survivant d'entre eux, Salah Abdeslam, a été capturé à Bruxelles. Depuis six semaines, le même Abdeslam est assis dans le box aux côtés de six autres accusés détenus, dont Mohamed Abrini, «l'homme au chapeau». «Assis», c'est une manière de parler puisque régulièrement, ils refusent d'assister aux audiences pour protester contre les fouilles à nu avec génuflexion que leur imposent les policiers pour des raisons de sécurité.

Un ordinateur abandonné par les terroristes

Outre le témoignage de Charles M., les enquêteurs ont apporté un certain nombre d'indications sur la préparation des attentats. On sait désormais que les kamikazes achetaient des portables bon marché ainsi que des cartes prépayées. Ils contenaient les contacts d'urgence entre les différents lieux d'hébergement ou nécessaires à l'exécution des attentats.

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Puis vient l'exposé de la découverte d'un ordinateur dans une poubelle de la rue Max Roos. Il y a été abandonné par les terroristes. Au lendemain des attentats, il a donné une série d’informations sur les autres cibles qu'avait entrevu de frapper le trio. En réalité, il y avait non pas un, mais deux ordinateurs. Mais les éboueurs ont jeté le second à la benne. L'autre, ils l'ont confié à la police après avoir compris qu'il avait un lien avec les attentats. Les éboueurs ont également retrouvé une tablette, mais un de leurs collègues a choisi de la garder et l'a reformatée, effaçant peut-être de précieux renseignements.

On apprend encore que l'appartement des terroristes de la rue Max Roos contenait des explosifs improvisés de type TATP (Tri-Acétone/Tri-Peroxyde). Ils ont été emportés par la police pour être analysés, puis détruits dans un champ proche de Zaventem. Ces produits se trouvent facilement dans le commerce, mais ils sont instables. La fabrication des bombes fut «risquée, certes, mais simple», a expliqué un commandant du service d'enlèvement et de destruction d’engins explosifs (Sedee).

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