Bataille de chiffres autour des fonctionnaires européens
Deux mois après avoir fait état d'une progression «significative» du nombre d'agents des institutions européennes au Luxembourg, le gouvernement persiste et signe. Car la question, hautement politique, soulève la question de l'attrait du Luxembourg.
Hautement sensible politiquement, l'évolution du nombre de fonctionnaires et agents des institutions européennes reste au cœur des interrogations, malgré les engagements de Bruxelles à maintenir leur présence au Grand-Duché. © PHOTO: Pierre Matgé/archive
Pour le gouvernement, le Luxembourg reste et restera un centre attractif pour les institutions européennes. Quoi qu'en disent les syndicalistes de la fonction publique européenne ou le secrétaire général de la Cour des comptes européenne qui n'hésitent pas à faire état «de problèmes palpables» d'attractivité du Grand-Duché. Deux mois après avoir fait état d'une hausse «significative» du nombre de personnels des institutions européennes au Grand-Duché entre 2015 et 2020, Jean Asselborn (LSAP) persiste et signe.
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Dans une réponse parlementaire publiée vendredi, le ministre des Affaires étrangères indique ainsi que la progression enregistrée «s'explique en premier lieu par une hausse significative du groupe BEI» auquel viennent s'ajouter les développements «de la Cour de justice de l'Union européenne, de la Cour des comptes européenne, du Centre de traduction des organes de l'Union européenne et du Mécanisme européen de stabilité».
Soit l'arrivée pendant la période analysée de quelque 2.000 nouveaux fonctionnaires et agents européens, selon les données transmises au Luxemburger Wort par les différentes institutions. Dans sa réponse, Jean Asselborn ajoute également à son calcul l'arrivée d'EuroHPC, organisme chargé de développer le réseau de superordinateurs européens, et le parquet européen, nouvelle instance dédiée à la lutte contre les atteintes au budget de l'UE.
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Deux nouvelles institutions amenées à «connaître encore des hausses de leurs effectifs au cours des prochaines années», précise le ministre qui évoquait, en juillet dernier, la présence de quelque 14.000 agents européens au Luxembourg fin 2020. Contre 12.000 cinq ans plus tôt. Sauf que cette manière de présenter la situation répondrait avant tout à «une vision politique», à en croire Miguel Vicente Nuñez, président de l'Union syndicale Luxembourg.
«Le fait de compter les effectifs de la BEI biaise les données, car ces personnels n'appartiennent pas à la fonction publique européenne», précise le syndicaliste en référence au statut de ces agents qui diffère effectivement de ceux des autres institutions européennes. «Le fait de comptabiliser les personnels des écoles européennes montre également la volonté de gonfler les effectifs», assure-t-il en précisant que Luxembourg n'héberge «plus que 11.000 membres de la fonction publique européenne».
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En excluant la Banque européenne d'investissement et le Fonds européen d'investissement, le paysage se montre effectivement plus nuancé. Principalement en raison de l'érosion progressive des effectifs de la Commission et du Parlement européen au Grand-Duché. Si Jean Asselborn assure que la présence des personnels européens au Grand-Duché dépend de facteurs «aussi bien structurels que conjoncturels», le renforcement des institutions basées majoritairement au Kirchberg se heurte à un écart défavorable du coût de la vie par rapport à Bruxelles.
Quantifiée à 10,5% dans une étude de la Commission, datée de 2019, cette différence serait «en réalité plus élevée», assure Miguel Vicente Nuñez qui table sur une différence «de 20%». La Cour des comptes européennes l'évalue, elle, à «environ 15%». Si les chiffres varient là aussi, tous s'accordent sur le besoin de le combler, gouvernement compris. Ce dernier indique vouloir réduire les différences de traitement entre agents via «des pistes de solution potentielles, y inclus l'option d'un coefficient correcteur pour le Luxembourg», selon la formulation publiée vendredi.
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Autrement dit, une réforme de l'article 64 du statut de la fonction publique européenne. Mais cette volonté politique ne pourra toutefois pas devenir réalité avant mars 2022, date de remise au Parlement européen et au Conseil d'un nouveau rapport spécifique de la Commission. En attendant, Jean Asselborn assure que «le gouvernement poursuivra ses efforts visant à développer davantage encore la présence des institutions et agences européennes au Grand-Duché» pour y développer «les pôles juridique, financier et numérique».