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«Certains jours, je préférerais faire du vélo»

Ministre des Affaires étrangères depuis 2004, Jean Asselborn (LSAP) assure n'être «ni fatigué, ni dégoûté» par son métier. Au contraire, il relève au quotidien les défis de la montée du populisme de droite en Europe, du Brexit et de la nouvelle Commission européenne.

A 70 ans, Jean Asselborn ne se sent «ni fatigué, ni dégoûté» de la scène politique internationale

A 70 ans, Jean Asselborn ne se sent «ni fatigué, ni dégoûté» de la scène politique internationale © PHOTO: Guy Wolff

(JFC, avec Bep). - Voix du Luxembourg sur la scène internationale depuis 15 ans, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn a toujours eu son franc-parler fleuri. Dans une interview d'été accordée à nos confrères du Luxemburger Wort publiée jeudi, le vieux briscard (70 ans) de la politique européenne livre sa vision de l'état actuel de l'UE.

Pour lui, la flambée du populisme de droite en Europe, illustrée par «les résultats à deux chiffres» obtenus par l'AfD lors des dernières élections début septembre en ex-Allemagne de l'Est, représente un danger majeur. A ce sujet, Jean Asselborn déclare qu'«on a franchi une frontière qui ne doit pas être franchie, surtout dans un pays comme l'Allemagne.»

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Même si ce résultat électoral s'inscrit dans la lignée d'une vague populiste sur le Vieux Continent, symbolisée par l'Italien Matteo Salvini («il s'est lui-même mis échec et mat en Italie»), le Britannique Nigel Farage ou la Française Marine Le Pen, l'institution européenne doit rester «une scène sur laquelle toute personne responsable de son propre pays peut se produire», clame le citoyen de Steinfort.

Sur ce thème, le routinier de la diplomatie européenne tient à rappeler les règles du jeu, dans lequel «l'idée communautaire reste primordiale, et chaque pays doit pouvoir compter sur cette solidarité mutuelle.» La crainte réside dans le fait que «le retour de certains États à l'unilatéralisme pourrait mettre l'avenir de l'Union en question.»

S'il avoue qu'«il n'existe pas de panacée pour lutter contre ces dérives populistes», Jean Asselborn analyse qu'«à côté de l'effondrement social, d'autres facteurs, tels que l'individualisme, le changement climatique et les effets néfastes de la politique migratoire» expliquent leur succès grandissant.

Pour l'amateur de la Petite Reine, «l'absence d'une répartition uniforme et équitable des réfugiés en Europe a fourni un terreau fertile aux populistes de droite.» Face à ce constat amer, il reconnaît qu'il «préférerait certains jours faire du vélo du matin au soir», en affirmant néanmoins n'être «ni fatigué, ni dégoûté.»

Avec le Brexit, «personne ne sait ce qui se passera en octobre» assène Jean Asselborn

Avec le Brexit, «personne ne sait ce qui se passera en octobre» assène Jean Asselborn © PHOTO: Guy Wolff

Pro-européen farouche, le ministre socialiste affirme que «l'Europe est notre avenir et nous devons la défendre» et ne reste bien entendu pas indifférent face au Brexit, qui, selon lui, «nuit à l'UE.» Jean Asselborn voit ce divorce d'un mauvais œil, car «l'Europe sans la Grande-Bretagne est stratégiquement affaiblie et aucune des parties n'en tirerait de bénéfice.»

Même s'il avoue que «personne ne sait ce qui se passera en octobre», celui qui a vaincu le mont Ventoux à bicyclette se demande si «des tensions augmenteront entre les États membres» une fois le Brexit devenu effectif, «car après tout, chaque pays a des intérêts différents dans ses futures relations avec le Royaume-Uni.»

Pour Jean Asselborn, cinq dossiers majeurs se trouvent sur la table de la Commission européenne fraîchement formée sous la houlette d'Ursula von der Leyen: «le changement climatique, les questions sociales, les migrations, l'État de droit et le multilatéralisme.»

Au rang des attentes concrètes du ministre luxembourgeois des Affaires étrangères figurent «un salaire minimum européen adapté à chaque pays, la mise en place d'une vraie politique migratoire, inexistante aujourd'hui, et une plus grande attention au respect des traités européens.»

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Quand il aborde le multilatéralisme, Asselborn précise qu'«un accord commercial ne se limite pas à la dimension économique, mais nous essayons de nous rapprocher idéologiquement».

Toutefois, il tempère ses propos s'agissant du Mercosur, où «un accord ne peut être conclu que si tous les partenaires respectent les orientations de Paris en matière de climat, ce qui n'est pas le cas au Brésil pour l'instant», conclut le fougueux ministre qui glisse que «même si je réagis parfois un peu trop spontanément, mon expérience m'aide énormément.»

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