Six graphiques pour comprendre l'enfer de l'A31
Cinq heures de congestion, matin et soir, et peu d'amélioration envisageable à court terme. Voici, en chiffres, la situation vécue quotidiennement par les frontaliers français.
Aux heures de pointe, en semaine, il faut souvent compter presque une heure pour relier Thionville à la capitale luxembourgeoise. © PHOTO: D. R.
La nouvelle concertation sur le projet de l’A31 bis a pris fin jeudi 2 février, à l’issue d’une dernière réunion publique. Après deux mois à discuter des quatre tracés possibles pour le contournement de Thionville, les usagers sauront donc bientôt lequel a été retenu.
Mais, ensuite, il faudra attendre une autre enquête publique, à la fin de l’année, pour valider cette décision finale. Puis, environ un an supplémentaire pour la mise en concurrence des concessionnaires candidats. Les premiers travaux ne devraient ainsi pas démarrer avant 2026.
En attendant, pour les usagers de l'A31 actuelle, la galère continue. «La thrombose de cette autoroute s’étend désormais sur des plages horaires débordant très largement les heures de pointe du matin et du soir», a abondé l’Eurométropole de Metz dans sa contribution à la concertation du 1ᵉʳ février. Un phénomène sur lequel la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Grand-Est (Dreal) a mis des chiffres. Et ils sont inquiétants.
Des bouchons dix heures par jour
Partir au travail avant cinq heures du matin et rentrer après vingt heures. Cela semble aberrant. Pour éviter un temps de parcours à rallonge entre la France et Luxembourg, il faudrait pourtant en arriver là.
En effet, selon la Dreal, la circulation entre Thionville et Luxembourg-ville est congestionnée dès 5 h 24, et ce, jusqu’à 10 h 18. Dans le sens retour, les bouchons commencent à se former vers 15 h et ne se calment qu'après 20 h.
De plus, les travaux débutés en mars 2022 pour élargir l'autoroute côté luxembourgeois n'ont pas arrangé la situation, en limitant la vitesse à 70 km/h sur certaines portions. Et ce, jusqu'en 2026. Mais, aux heures de pointe, rouler à 70 km/h est déjà illusoire, car, en moyenne, les voitures sont plutôt bloquées autour de 50 km/h.
Néanmoins, les travaux ne sont pas l'unique cause de ces ralentissements. En effet, la congestion est loin d'être nouvelle. Depuis les années 1980, le nombre de voitures circulant quotidiennement sur cette autoroute a presque été multiplié par six, selon les données de sa portion luxembourgeoise. Malgré la baisse de la circulation pendant la pandémie, l'A3 reste ainsi la voie rapide transfrontalière la plus bondée du pays.
Cet afflux s'explique par une augmentation constante du nombre de Français travaillant au Luxembourg. Ils sont aujourd'hui plus de 110.000, contre environ 75.000 en 2010. De plus, cette hausse n'est pas près de ralentir. D'ici 2040, environ 70.000 frontaliers supplémentaires sont à prévoir, selon les estimations de l'Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord (Agape)
Face cette augmentation potentielle du nombre d'automobilistes à traverser la frontière, les opposants au projet de l'A31 bis mettent en doute sa pertinence. «Il est urgent de répondre aux problèmes de mobilité. Dès lors, à défaut d'une réponse rapide, le projet risquerait d'être obsolète avant sa mise en service». C'est en ces termes que le collectif «Non à l’autoroute à Florange-Quartier gare» dénonçaient, début février, les tracés de contournement proposés.
Pour l'association ATTAC Moselle aussi, «répondre uniquement par la solution routière à l’origine du problème ne répond en aucun cas aux enjeux à venir». Au fil des concertations un même constat revient donc toujours. L'élargissement de l'autoroute et le contournement de Thionville doivent s'accompagner d'investissements sur les mobilités douces.
Des solutions alternatives pour les frontaliers ?
• Le télétravail. Réclamé par certains au moins deux jours par semaine, il n'apparaît toujours pas comme une option à long terme. Avec 34 jours maximum par an, contre 29 auparavant, les frontaliers sont tout de même obligés de se rendre sur leur lieu de travail la majorité du temps. Malgré les discussions sur le sujet, les blocages fiscaux sur le sujet restent les mêmes.
• Le train. De ce côté-là, l'offre progresse. Tout d'abord, l'idée de créer un réseau express métropolitain reliant Nancy, Metz et Thionville à Luxembourg-Ville continue de faire son chemin. En novembre, les édiles du sillon lorrain réaffirmaient cette volonté dans un communiqué, après l'annonce d'Emmanuel Macron sur le développement d’un réseau de RER dans dix métropoles. Mais, cette perspective ne se dessine qu'à l’horizon 2024. Autre avancée, la construction de nouveaux parkings relais. C'est, par exemple, le cas à Thionville, avec l'ouverture d’un parking silo (payant) au second semestre 2024.
Cependant, l'offre de trains peine à répondre à la demande, car la fréquentation a explosé ces dernières années. En 2021, les CFL ont enregistré 2,9 millions de voyageurs sur la ligne 90 reliant Metz à Luxembourg, soit de 7.000 à 8.000 navetteurs par jour. S'il retrouve son niveau d'avant crise, le nombre de passagers pourrait atteindre près de 5 millions par an, donc plus de 10.000 voyageurs par jour. Ainsi, ceux qui montent à Thionville ou à Hettange-Grande se retrouvent souvent debout, entassés dans les allées. Sans compter des retards récurrents. Entre septembre et novembre 2022, 22 % des trains de la ligne ont eu un retard supérieur à six minutes, selon les CFL.
• Le bus. Sept lignes circulent et disposent de 3.000 places par sens et par jour. Mais, les bus sont tout aussi contraints aux difficultés de circulation que le reste des automobilistes. Une voie réservée aux bus, sur la bande d'arrêt d'urgence, pourrait ainsi être créée dans le cadre de l'élargissement de l'A31 au nord de Thionville.
• Le covoiturage. Il permet de limiter le nombre de voitures en circulation. Mais, il ne s'est pas encore généralisé. En 2022, selon une estimation de la Dreal, seulement 17 % des frontaliers lorrains covoiturent, tandis que 67 % roulent seuls. Là encore, il faudra du temps pour changer les habitudes et la création de nouvelles aires de covoiturage.
En somme, pas de solutions miracles immédiates, ni sur les routes, ni sur les rails. Il faudra donc continuer à prendre son mal en patience pour les frontaliers français. En attendant, certains tentent de contourner les bouchons sur l’autoroute, en passant par les routes départementales.
Le trafic se reporte ainsi inévitablement sur Hettange-Grande, Volmerange-les-Mines, ou encore Kanfen. Un constat inquiétant pour le département de la Moselle. Son président, Patrick Weiten, a donc annoncé la création d’une troisième voie, en direction du Luxembourg, sur trois routes départementales. Il s'agit de la RD1, entre Cattenom et Mondorf, de la RD15, entre Hettange-Grande et Frisange, et la RD653, entre Hettange-Grande et Volmerange-les-Mines.