Claude Meisch détaille les nouveautés de la rentrée
A quelques jours de la rentrée scolaire, le ministre de l'Education Claude Meisch explique les nouvelles mesures prévues pour cette rentrée.
«Si je devais quitter ce ministère, cela me ferait de la peine, car j'ai appris à connaître des personnes formidables», confie Claude Meisch. © PHOTO: Marc Wilwert
Gratuité des maisons relais et des cantines scolaires, aide aux devoirs ou encore projet pilote d'alphabétisation en français dans certaines communes. Le ministre de l'Éducation Claude Meisch (DP) fait le point sur ces nouvelles mesures à quelques jours de la rentrée scolaire.
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La rentrée a lieu ce jeudi 15 septembre, vous sentez-vous prêts?
«Ce n'est pas seulement moi qui suis prêt, mais aussi les écoles, les enseignants et les élèves. Ces derniers se réjouissent de pouvoir se retrouver. On travaille beaucoup dans plusieurs domaines pour ce moment. C'est à cette occasion qu'on peut voir les nouveautés par rapport à la dernière rentrée. Cela donne un nouveau point de départ aux écoles.
À partir de cette rentrée, les maisons relais seront gratuites, y aura-t-il assez de place pour accueillir les enfants?
«Cette mesure était annoncée dans notre programme de gouvernement en 2018 pour que les communes puissent se réorganiser et mettre en place des locaux plus grands, voire embaucher plus de personnel. Si une commune a encore des besoins, nous sommes bien sûrs prêts à participer au financement. Nous subventionnons une partie du bâtiment et les coûts du personnel lorsqu'une commune souhaite ouvrir une nouvelle maison relais.
Mais selon nos consultations, la gratuité ne va pas créer une véritable ruée. Je pense qu'il y a ceux qui ont déjà recours à ce service et que d'autres ne feront pas ce choix.
L'enseignement formel est gratuit et ça doit aussi être le cas en dehors de l'école avec les maisons relais, car les activités proposées permettent de stimuler la créativité et la compétence sociale des enfants.
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Cette mesure soulagera de nombreuses familles, et cela, d'autant plus dans un contexte d'inflation marqué par une explosion des prix d'énergie. Prenons le cas d'une famille où les deux parents travaillent à plein temps et gagnent le salaire minimum. S'ils mettent leur enfant dans une maison relais, cela leur fait 140 euros d'économie par mois, soit 1.600 euros par an. La cantine sera également gratuite dans ces établissements et aussi à l'école fondamentale, mais seulement pendant les jours d'école.
Une pétition réclamait une compensation pour les familles qui ne peuvent pas inscrire leurs enfants dans des maisons relais, qu'en pensez-vous ?
«Il est aussi possible de recourir aux parents d'accueil, plus flexibles. Le ministère de l'Education propose des offres d'éducation et veille à leur qualité, cela concerne l'éducation formelle et non formelle. Mais si une personne ne l'utilise pas, elle ne peut pas simplement réclamer de l'argent. Si mes enfants ne vont pas jouer au foot ou faire de la natation, je ne peux pas aller demander des aides au ministère des Sports.
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Cet été, vous avez été critiqué par l'opposition, mais aussi par le LSAP, concernant l'aide aux devoirs...
«Il s'agit d'une aide aux devoirs et pas d'un cours d'appui comme certains l'ont imaginé. Aujourd'hui, nous en avons deux formes, d'un côté le cours d'appui pédagogique qui a lieu en classe pendant les horaires scolaires, et de l'autre les Summerschool mises en place avec la pandémie. Cela dure dix jours à la fin de l'été et permet aux enfants de rattraper leur retard avant la rentrée.
Je ne vois pas ce qu'on peut faire de plus et maintenant, il y aura aussi l'aide aux devoirs. Le rôle de l'éducateur n'est pas de faire cours, mais de noter les difficultés de l'enfant et de le signaler aux parents. C'est pour cette raison que nous lançons l'application E-Bichelchen, pour faciliter la communication entre ces trois acteurs.
Autre nouveauté pour cette rentrée: l'alphabétisation en français.
«Plusieurs études montrent que des élèves n'arrivent pas à suivre une partie du programme. Cet écart se fait rapidement, on le remarque dès le cycle 2 (première année fondamentale). L'alphabétisation est jusqu'à présent en allemand et a été pensée pour des Luxembourgeois qui ont donc une proximité linguistique avec l'allemand. Mais aujourd'hui, il n'y a plus qu'un tiers des enfants qui parlent le luxembourgeois à la maison.
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Dans les autres familles, les parents ne comprennent pas l'allemand et ne peuvent pas aider leurs enfants. Pour cette raison, nous offrons la possibilité d'alphabétiser d'abord en français, puis en allemand. Quatre communes (Larochette, Differdange-Oberkorn, Dudelange et Schifflange) participent à ce projet pilote que nous évaluerons par la suite. Il faut augmenter le potentiel de ces élèves qui peuvent avoir plus de difficultés à cause de la langue. Cette mesure pourrait être généralisée par la suite, mais ce serait plutôt le cas pour la prochaine législature. L'idée est, en tout cas, de pouvoir choisir.
"C'est un défi permanent de recruter des enseignants, on le voit dans nos pays voisins"
Martine Hansen, coprésidente du CSV à la Chambre, souhaiterait une réforme des langues plus large. Elle considère que l'enseignement du français est trop compliqué à l'école.
«Ce serait bien qu'elle vienne voir tout ce qui a été fait. Depuis 2017, nous avons complètement changé la méthode d'enseignement du français. Nous avons imposé le français dans les crèches, le précoce, l'école maternelle et dans le premier cycle de l'école fondamentale. Le français parlé dans le cycle 2 et l'écrit dans le troisième cycle. Cette méthode nous permet d'être davantage dans l'aspect communicatif et de permettre aux enfants de trouver une utilité dans la langue française au quotidien. Avant, ils se sentaient rapidement dépassés parce qu'ils étaient tout de suite confrontés à la lecture et à l'écriture. Le retour des parents est assez positif, quand ils comparent entre leurs enfants qui ont fait les deux systèmes.
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Parlons à présent des enseignants, y en a-t-il assez ou le Luxembourg est-il touché par une pénurie de professeurs?
«Nous avons assez d'enseignants pour assurer les cours, nous avons bien sûr dû en embaucher davantage l'année dernière avec la scolarisation des jeunes réfugiés ukrainiens. C'est vrai que c'est un défi permanent de recruter des enseignants, on le voit dans nos pays voisins. Mais nous savons qu'au Luxembourg, il y a des difficultés de recrutement dans plusieurs secteurs d'activités et c'est aussi le cas dans les écoles. La situation s'est toutefois améliorée avec une série de mesures que nous avons prise comme permettre de devenir enseignant en ouvrant l'accès à d'autres bachelors avec une formation en cours d'emploi.
Y a-t-il un problème d'attractivité pour le métier d'enseignant?
«Pour les personnes qui souhaitent se reconvertir et intégrer l'éducation nationale, il est possible de suivre une formation pour devenir enseignant à l'école fondamentale. Cela marche assez bien, donc ça doit être assez attractif pour eux de s'engager dans cette voie. Je ne peux pas dire de manière générale que plus personne n'est intéressé par ce métier. Il peut y avoir plusieurs raisons, notamment pour l'école primaire où à 19 ans on ne pense pas forcément à se lancer dans ce métier. Les temps ont changé, les personnes souhaitent davantage changer d'activités et c'est pour ça qu'il ne faut pas exclure ceux qui désirent s'engager plus tard.
© PHOTO: Marc Wilwert
«Pour les personnes qui souhaitent se reconvertir et intégrer l'éducation nationale, il est possible de suivre une formation pour devenir enseignant à l'école fondamentale. Cela marche assez bien, donc ça doit être assez attractif pour eux de s'engager dans cette voie. Je ne peux pas dire de manière générale que plus personne n'est intéressé par ce métier. Il peut y avoir plusieurs raisons, notamment pour l'école primaire où à 19 ans on ne pense pas forcément à se lancer dans ce métier. Les temps ont changé, les personnes souhaitent davantage changer d'activités et c'est pour ça qu'il ne faut pas exclure ceux qui désirent s'engager plus tard.
Le Syndicat National des Enseignants (SNE) réclame une taskforce dans les écoles pour accompagner les enfants qui ont des problèmes de comportements.
«Nous avons beaucoup investi pour du personnel supplémentaire ces dernières années pour accompagner les enfants nécessitant un besoin particulier : handicap, difficulté d'apprentissage, troubles de comportement. Nous avons développé cela sur trois niveaux. D'abord au niveau local à l'école avec un enseignant qui intervient si un enfant a des besoins spécifiques. Nous avons prévu 150 postes pour cela à travers le pays, mais ils ne sont pas encore tous occupés, parce qu'il n'y a pas assez d'enseignants pour faire ce travail.
Ensuite, nous avons la direction régionale où nous avons créé une équipe de soutien pour enfant à besoin. Ce sont donc des éducateurs envoyés auprès des enseignants. Le SNE souhaite que ces éducateurs aillent à l'école et qu'ils soient directement gérés là-bas, mais cette option est relativement compliquée. La plus petite école accueille moins de 90 enfants, la plus grande jusqu'à 900 élèves. Nous ne pouvons pas envoyer le même nombre d'éducateurs dans tous ces établissements, surtout que cela dépend des besoins. Pour cette raison, nous attachons cette gestion à la direction régionale qui s'assure de la bonne utilisation de ces ressources.
Enfin, il y a également les centres de compétences au niveau national. Il y en a neuf. Lorsqu'un enfant est autiste par exemple, un éducateur spécialisé vient assister l'enfant à l'école.
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Passons à l'Enseignement secondaire général (ESG), où il est beaucoup plus facile d'éviter un redoublement avec de mauvaises notes. Un élève peut par exemple compenser plusieurs matières avec de la musique ou du sport. C'est un problème, non?
«A mon avis, ce sont des cas assez anecdotiques. Statistiquement, le taux de redoublement reste encore assez élevé au Luxembourg par rapport à l'étranger. Une réforme a été mise en place avant mon arrivée en 2013 qui rend plus difficile de redoubler du cycle 1 à l'ESG, c'est vrai. Mais les études disent que faire redoubler un élève ne lui apporte pas de réels bénéfices et le décourage.
Le redoublement coûte également cher : quand 10% des élèves redoublent, il faut aussi 10% de classes et d'enseignants en plus. Ce serait ainsi mieux d'utiliser ces enseignants supplémentaires pour qu'ils aident de manière ciblée les enfants en difficulté pendant l'année pour les faire progresser.
Par contre, il y a près de cinq ans, j'ai mis en place une réforme qui permet de distinguer un niveau de base et un niveau avancé selon les forces et les faiblesses des élèves dans les différentes matières. Je trouve cela essentiel, car il est injuste de ne pas stimuler les enfants dans des matières où ils sont bons parce qu'ils ont des difficultés ailleurs.
Un dispositif sanitaire est-il prévu dans les écoles en cas de nouvelle vague covid cet automne ou hiver?
«Nous en avons discuté avec la Santé. La situation est moins tendue dans les hôpitaux, c'est un peu notre indicateur. Et tant que c'est le cas, je ne pense pas que le gouvernement prenne des mesures particulières, y compris pour les écoles. Je ne peux en tout cas pas me l'imaginer, à moins qu'il y ait un nouveau variant. Par contre, c'est possible qu'à un moment donné ce soit nécessaire de porter à nouveau le masque. Nous avons aussi assez de tests de dépistage en stock.
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Les bâtiments publics ne devront pas être chauffés au-delà de 20 degrés? C'est le cas aussi pour les écoles?
«Oui, ce sera le cas pour les lycées comme pour tous les autres bâtiments publics, même si ce sera compliqué, puisque chaque établissement a un autre système de chauffage. En collaboration avec le ministère de l'Énergie, des techniciens examineront cela pour atteindre cet objectif.
À ce stade, les écoles primaires ne sont pas concernées, comme elles font partie des communes et pas de l'Etat. Et je ne crois pas que ce sera imposé dans ces écoles et dans les maisons relais, car il est question des plus jeunes, et c'est tout de même différent. Avec tous les efforts d'économie d'énergie, il est important que le programme d'enseignement puisse être appliqué et que les cours de piscine soient par exemple maintenus.
L'eau des piscines sera-t-elle moins chauffée?
«Nous sommes prêts à faire des efforts, mais c'est le ministère de l'Énergie qui tranche. Notre responsabilité est de faire cours. Mais il est clair que les 45 lycées sont concernés par le Plan énergie.
Tournons-nous vers l'année prochaine : serez-vous candidat pour les prochaines élections législatives en octobre 2023?
«Je serai peut-être candidat dans le Sud, si mon parti le souhaite comme les dernières fois et après, on verra.
Mais rien n'est exclu ?
«Je ne veux rien exclure, mais je pense aussi que c'est bien à la fois pour soi et pour un ministère qu'il y ait un changement, même si dans le domaine de l'éducation les différentes réformes nécessitent du temps et de la continuité pour constater si les choix étaient bons ou non. Mais dans tous les cas, je suis content d'avoir pu occuper cette fonction de ministre de l'Éducation à deux reprises. En attendant, il reste encore des choses à faire: rendre l'école obligatoire de 16 à 18 ans et renforcer l'accueil et l'orientation d'élèves étrangers comme c'est le cas pour les jeunes Ukrainiens.
Si je devais quitter ce ministère, cela me ferait de la peine car j'ai appris à connaître des personnes formidables et c'est un secteur qui, avec le temps, me passionne de plus en plus.
Un message à adresser aux élèves et au corps enseignant?
«J'espère que tout le monde a pu passer de bonnes vacances et se ressourcer après ces années de pandémie et que les enfants, ainsi que les éducateurs et enseignants reviennent avec joie et sourire. J'espère qu'ils sont conscients de leur mission formidable de transmettre quelque chose à la nouvelle génération et que les plus jeunes réalisent leur chance de pouvoir aller à l'école.»