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Réforme des soins de santé

Comment les hôpitaux veulent guérir le système des soins de santé

Le livre blanc de l'organisation faîtière des hôpitaux fixe six priorités jusqu'en 2030. Mais les actions concrètes et rapides à mettre en œuvre sont rares.

La fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL) veut une médecine "basée sur les valeurs", avec des points de référence, une meilleure qualité et une plus grande proximité avec les patients. La manière dont cela doit se faire reste floue.

La fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL) veut une médecine "basée sur les valeurs", avec des points de référence, une meilleure qualité et une plus grande proximité avec les patients. La manière dont cela doit se faire reste floue. © PHOTO: Shutterstock

C'était frappant : alors que lors de la conférence de presse de l'association nationale des infirmières et infirmiers (ANIL) mercredi dernier, ce sont des femmes qui ont pris la parole, le podium de la fédération des hôpitaux (FHL) lors de la présentation de sa vision 2030 pour les hôpitaux et le système de santé luxembourgeois, était exclusivement masculin jeudi.

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Plus de diversité et d'inclusion n'étaient pas des objectifs déclarés parmi les six priorités de la feuille de route de 107 pages que 45 à 50 membres de la direction des quatre centres hospitaliers se sont fixées lors des douze derniers mois dans le pays. En revanche, les thèmes étaient les suivants : la médecine hospitalière, les parcours des patients, la numérisation, la gestion des données, les ressources humaines et le mode de financement. Ce think tank faisait suite au débat de fond sur les soins de santé, qui a repris de l'ampleur après la pandémie de covid-19.

Six points forts sur 107 pages

Dans le livre blanc de la FHL, il s'agit d'organiser de manière plus rigoureuse et efficace les aspects structurels des soins de santé actuels et futurs ainsi que les interfaces entre le médecin (généraliste), le patient et l'hôpital. Du point de vue des hôpitaux, ceux-ci se considèrent comme l'un des trois piliers importants (si ce n'est le plus important) qu'ils souhaitent voir renforcés dans les années à venir. «Nous pensons que l'attractivité de la relation avec l'hôpital est tout à fait centrale pour des soins de santé de qualité», déclare Philippe Turk, président de la FHL.

Si l'on en croit la FHL, la collaboration entre les premiers soins prodigués au patient par le médecin généraliste et les traitements spécialisés dispensés dans les hôpitaux devrait devenir plus étroite à l'avenir. Pour que les patients accèdent plus rapidement au traitement dont ils ont besoin, des cartographies des traitements de certaines pathologies et de certains groupes de patients devraient les aider. Un meilleur accès des médecins généralistes au dossier numérique du patient et à d'autres données, jusqu'ici réservés aux hôpitaux, constitue un instrument dans cette voie. Le patient doit être davantage impliqué dans son parcours de soins et même influencer les processus de qualité grâce à son feedback. La feuille de route ne dit toutefois pas comment cela peut se faire concrètement.

Numérisation : à la recherche d'un véritable leadership

D'une manière générale, les 107 pages ne contiennent pas beaucoup de choses à mettre en œuvre rapidement et directement. La numérisation est un projet colossal et coûteux. Le principe est de standardiser et d'harmoniser les enregistrements et les collectes de données dans tous les hôpitaux et tous les domaines. Pour ce faire, une «gouvernance robuste et transparente» doit être mise en place avec un «véritable leadership». Pour cela, un cahier des charges doit être établi avec les acteurs de terrain sur les données et les bases de données dont le secteur de la santé a besoin. Certaines composantes existent déjà, comme l'Observatoire de la santé. Mais il reste beaucoup à faire.

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Les quelques actions concrètes sont celles que l'on connaît : une rémunération plus juste et une nomenclature révisée pour les médecins ainsi qu'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont réclamés, mais la manière de les financer n'est pas claire.

La manière dont les directions des hôpitaux veulent assurer une plus grande transparence reste tout aussi floue. La demande de la FHL est d'autant plus claire : les hôpitaux doivent travailler «sur la base de valeurs» et de critères de référence, et pouvoir conserver des bénéfices financiers. Mais qu'est-ce que cela apporte, par exemple, en ce qui concerne le manque de soins pédiatriques ? Dans ce pays, l'hôpital pédiatrique travaille depuis des mois à la limite de ses capacités.

Rien sans l'hôpital ?

Une autre revendication concerne une plus grande collaboration interdisciplinaire et des services de santé ambulatoires décentralisés. Jusqu'à présent, la FHL s'est prononcée en faveur d'une plus grande offre décentralisée de soins ambulatoires, dans le cadre de petites «unités de soins satellites». Ceux-ci continueraient à être organisés sous l'égide d'un hôpital et non, comme le demande l'association médicale AMMD, par des sociétés médicales privées agissant indépendamment des hôpitaux.

En ce qui concerne les ressources humaines, le livre blanc souligne que pour que les professions de la santé restent attractives à l'avenir, il est nécessaire de créer davantage de passerelles et d'améliorer les offres de formation initiale et continue. Pour 2030, les études de médecine doivent aller jusqu'au master inclus et davantage de bachelors et de BTS doivent être proposés dans le domaine des soins infirmiers (spécialisés). Cela devrait également permettre de réduire la grande dépendance du Luxembourg vis-à-vis de la main-d'œuvre étrangère, dont deux tiers des infirmiers et infirmières viennent de l'étranger.

S'attaquer à la pénurie de personnel qualifié

La profession médicale doit devenir plus attractive en permettant aux médecins de s'investir davantage dans la recherche et l'enseignement et d'être rémunérés pour cela : le Luxembourg compte bien moins de trois médecins pour 1.000 habitants (moins que la France voisine avec 3,2, la Belgique avec 3,3 et l'Allemagne avec 4,2 médecins pour 1.000 habitants). Le personnel soignant doit pouvoir continuer à se spécialiser ou à se réorienter au cours de sa carrière professionnelle.

Toutes ces idées ne sont pas nouvelles, mais l'ANIL les réclame depuis des années, la dernière fois mardi lors de sa conférence de presse. Interrogée sur la réduction de la bureaucratie et l'allègement de la charge de travail, que l'organisation de soins appelle de ses vœux depuis des années au vu du nombre élevé de burn-out, la réponse de la FHL est toutefois maigre : «Le travail administratif est un sujet, nous devons le minimiser», a-t-on déclaré.

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A la question de savoir s'il y aura des professionnels supplémentaires pour effectuer des tâches spécifiquement documentaires, comme le demande l'ANIL, on répond vaguement : «Nous allons y chercher des solutions pour que l'infirmier gagne du temps». Romain Nati, directeur général du CHL, insiste sur le fait qu'il faut serrer les rangs : «L'ANIL enfonce des portes ouvertes chez nous», mais que la documentation est importante pour développer la qualité. Nati et consorts espèrent que la numérisation progressive facilitera les choses.

Il ne fait aucun doute que les hôpitaux s'appuient sur le travail des quelque 9.000 infirmières et 1.000 médecins. Les directeurs des ressources humaines du monde entier se creusent la tête pour savoir comment les maintenir en activité alors que la charge de travail augmente, que l'anonymat sur le lieu de travail progresse et que l'épuisement professionnel augmente, surtout après la pandémie.

Cet article est paru initialement sur le site du Luxemburger Wort.

Traduction: Mélodie Mouzon

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