Construction de logements: le signal d'alarme est tiré
La Chambre des métiers et la Fédération des artisans estiment que la production de logements va diminuer de 1.500 unités en 2023. Face à cette crise, elles en appellent au gouvernement et proposent six mesures temporaires.
Le nombre de logements achevés en 2023 pourrait passer de 3.800 à 2.300 unités au Luxembourg. © PHOTO: Photo d'illustration: Luxemburger Wort
C'est bien connu, quand le bâtiment va, tout va ! Mais en ce moment, le ciel est bas et gris au-dessus du secteur de la construction. Et les perspectives ne sont guère réjouissantes pour les mois à venir. Cet horizon plutôt sombre pousse donc la Chambre des métiers et la Fédération des artisans à tirer, ensemble, le signal d'alarme.
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Selon elles, la production de logements va diminuer de 1.500 unités en 2023, passant de 3.800 à 2.300 logements achevés. Soit une chute de 40%. Et ce alors que le Statec a déjà constaté une baisse du volume bâti autorisé de 34% entre les premiers semestres 2021 et 2022.
Maintenir la cadence de construction
Paul Nathan, vice-président de la Chambre des métiers, est on ne peut plus clair: «Il faut éviter une potentielle catastrophe du logement». Car le constat qu'il a dressé, chiffres à l'appui, est éloquent.
Il y a d'abord la situation actuelle. La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont succédé à la pandémie et la crise sanitaire. En découlent «trois facteurs défavorables»: l'inflation et donc la hausse généralisée de coûts; la hausse des taux d'intérêt pour des prêts immobiliers, avec des taux fixes qui dépassent les 3% et des taux variables qui ont grimpé d'un point en quatre mois; et enfin un climat global d'incertitudes qui sape la confiance des acheteurs comme des investisseurs privés.
A ce contexte morose s'ajoutent des «perspectives peu favorables», basées sur les données récentes du Statec (chute du nombre d'actes de vente d'appartements neufs et du volume bâti autorisé de logements) et de la Banque centrale du Luxembourg (baisse du volume des crédits immobiliers). Tous les voyants semblent donc être au rouge.
Ces mesures temporaires peuvent redynamiser l'investissement privé.
Au Grand-Duché, l'artisanat représente 8.500 entreprises et 120.000 emplois; la construction, 4.000 entreprises et 60.000 emplois. L'objectif est donc de préserver ce secteur de l'économie - et éviter les difficultés en cascade, des bureaux d'études jusqu'aux métiers de la finition - et de ne pas accentuer la tension qui règne sur le marché immobilier. Comment? La Chambre des métiers et la Fédération des artisans proposent six mesures temporaires et à court terme pour que la crise ne soit pas plus profonde.
Les six mesures proposées
1) Supprimer les frais d'enregistrement de 7% sur la quote-part construction déjà réalisée, et ainsi permettre la constitution de stocks de logements et le maintien de la cadence de construction. 2) Utiliser le fonds spécial de soutien au développement du logement pour permettre aux acteurs publics d'acquérir des projets privés mis en attente, un peu à la manière des appels d'offres pour les projets photovoltaïques. 3) Concernant la TVA logement à 3%, doubler le plafond - de 50.000 à 100.000 euros - par logement créé ou rénové. 4) Toujours concernant la TVA logement à 3%, réintroduire le taux super-réduit pour la création de logement locatif. 5) Augmenter le crédit d'impôt sur les actes notariaux de 20.000 à 30.000 euros. 6) Revenir sur la baisse de l'amortissement accéléré de 4 à 2% et revoir les dernières mesures annoncées, considérées comme «un coup de frein supplémentaire».
Roland Kuhn, vice-président de la Fédération des artisans, insiste sur le caractère provisoire de ces mesures: 12 mois. Elles ont été présentées ce lundi au ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng). Des discussions vont s'amorcer, une décision doit être rendue en février. «Il s'agit de faire quelque chose de similaire à ce qui a été réalisé il y a une dizaine d'années. Nous n'avons pas de boule de cristal mais nous pensons que ces mesures temporaires peuvent redynamiser l'investissement privé», explique Roland Kuhn.
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Eviter les mesures de chômage technique
Si ce dernier salue la politique de maintien des investissements publics, il n'en est pas moins inquiet pour les mois à venir. Pour la capacité du Luxembourg à loger des actifs et des familles de plus en plus nombreux. Mais aussi et surtout pour les artisans et les salariés du secteur de la construction, qui pourraient être confrontés à des mesures de chômage technique si les carnets de commande continuent de se vider.