Découvrez les dessous du Pont Rouge
Peu d'usagers ont conscience des tonnes d'acier qui sommeillent sous leurs pieds lorsqu'ils traversent la vallée de l'Alzette pour relier le centre-ville au Kirchberg, et pourtant. Visite guidée dans les profondeurs du pont grande-duchesse Charlotte.
Par Sophie Wiessler et Amélie Pérardot
Il a fêté le mois dernier ses 56 ans et fait partie intégrante du paysage luxembourgeois. Ses colonnes d'acier se hissent entre la place du Glacis et le Kirchberg, faisant la liaison entre la vie animée du centre-ville et le quartier d'affaires de la capitale. A l'époque de sa construction, dans les années 1960, il n'en existe aucun de cette envergure au Grand-Duché : 355 mètres de long pour 25 mètres de large, et 75 mètres de haut.
«Mes prédécesseurs ont très bien travaillé à l'époque», glisse en souriant Gilberto Fernandes, en charge de la division des ouvrages d'art de l'Administration des Ponts et Chaussées, qui organisait une visite guidée ce jeudi.
Effet sous-marin
Difficile d'imaginer qu'il est possible de marcher au cœur même de pareil ouvrage. Un monstre pesant pas moins de 4.900 tonnes. Autrement dit, une demi-tour Eiffel sur la balance. L'entrée se fait via une petite porte ovale, côté ville, bien à l'abri des regards. Très vite, l'avantage de ne mesurer qu'1,50 mètre se fait ressentir. Face à soi, se dressent d'imposants couloirs, sombres, où de nombreuses poutres métalliques entrecoupent la perspective.
Au-dessus, le va-et-vient incessant des voitures, tramways et autres bus fait prendre conscience qu'il s'agit bien là des entrailles d'un équipement routier. Cela, même si le décor laisse penser à une cabine de sous-marin. Le volume sonore du flux des quelque 15.000 véhicules/jour, constant, vient masquer les explications du chef de chantier des Ponts et Chaussées, qui doit souvent s'interrompre pour laisser place au tumulte créé par le passage d'un tramway.
La rénovation du Pont Rouge a débuté en octobre 2015. Actuellement, seules quelques finitions doivent encore être travaillées. Il convient aussi de veiller à l'application de la peinture à l'extérieur et l'intérieur du pont, malgré la récente faillite de l'entreprise en charge de cet ouvrage.
Environ 20 tonnes de peinture seront nécessaires pour recouvrir, au final, les 30.000 m2 de structure. Le tout principalement au pistolet à peinture.
Une défaillance
Avec l'arrivée du tramway, quelques modifications ont dû être apportées au prestigieux édifice. Ainsi, le pont a été renforcé en divers points à l'intérieur et à l'extérieur pour garantir son maintien. «Il y avait une petite défaillance que nos prédécesseurs ne connaissaient pas à l'époque», explique Gilberto Fernandes.
Plusieurs poutres et éléments ont ainsi été ajoutés afin de conforter le pont. Mais que chacun se rassure: la totalité de la construction métallique est contrôlée tous les trois ans. «C'était déjà une prouesse de construire un tel édifice en 1966. Aujourd'hui encore, nous continuons d'utiliser des méthodes innovantes pour le renforcer», souligne le chef de chantier.
Un peu d'histoire
Pour rappel, peu avant l'inauguration du Pont Rouge, les premiers véhicules à le franchir furent une douzaine de chars. Les engins militaires avaient été envoyés pour tester la capacité de charge de l'ouvrage.
De 7h à 18h, les blindés ont circulé vers certains points de la chaussée, afin que soit testé et mesuré l'affaissement de la structure. La température des matériaux influant sur les valeurs obtenues, il a fallu répéter l'opération plusieurs fois par jour. Au total, ces douze chars pesaient 480 tonnes, soit 10% du poids total du pont.
Les années ont passé, depuis la mise en service en 1966, mais le pont grande-duchesse Charlotte, pensé comme une expression de son époque, se différencie toujours des autres grands ouvrages de Luxembourg.
Le Schlassbréck, vestige d'une ancienne forteresse, ne cache pas ses origines lointaines. Le Pont Adolphe, quant à lui, tout de grès luxembourgeois, ouvre le plateau de Bourbon et symbolise la richesse que la liaison ferroviaire apporta jadis au pays.
L'acier du pont grande-duchesse Charlotte tient, lui, à remémorer les années d'or de la sidérurgie. L'industrie flamboyante d'alors avait conduit le Luxembourg dans une nouvelle ère. Visiter l'intérieur de cet édifice témoin du XXe siècle, vaut donc bien le coup d’œil, à condition d'avoir le cœur bien accroché.