Des entreprises toujours «frileuses» face au télétravail
Six mois après l'ouverture du S-Hub, le long de l'A31 à Yutz, le responsable d'exploitation du centre de télétravail frontalier tire un premier bilan. Des conclusions contrastées.
Six mois après son lancement, le S-Hub de Yutz affiche un bilan en demi-teinte. © PHOTO: Lex Kleren
C'est une image bien connue: sur l'autoroute A31 en direction du Luxembourg, les voitures n'avancent qu'au pas en cette matinée grise et pluvieuse du mois de janvier. La frontière est encore loin, les longues files semblent interminables. Mais rien d'étonnant: plus de 100.000 frontaliers passent chaque jour la frontière franco-luxembourgeoise pour se rendre sur leur lieu de travail.
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Passant bien souvent plus d'une heure dans leur véhicule matins et soirs – soit plus de dix heures par semaine de travail.Pourtant, des solutions pour remédier à cette situation difficile existent. L'une d'entre elles est le S-Hub, un centre dédié au télétravail qui a ouvert ses portes au début du mois de juin dernier. Le bâtiment, à deux pas de l'A31, à côté de Yutz, dispose d'une soixantaine de places organisées en différents espaces de travail qui peuvent être réservés pour une demi-journée, une journée ou un mois.
Quels tarifs ?
Pour une place dans l'Open Space, particuliers ou entreprises doivent débourser 24 euros pour une demi-journée, 30 euros pour une journée complète. Une salle de réunion de 15 places coûte 75 euros la demi-journée, 120 euros la journée.
«On met à disposition un espace de travail sur une durée limitée», explique le responsable d'exploitation du S-Hub Benoit Petry. «Nous vendons surtout des "packs" de plusieurs journées avec des tarifs promotionnels plus avantageux.» Le concept semble prometteur: la Société de développement et d'aménagement de la Moselle (Sodevam), qui a développé ce centre de télétravail transfrontalier, parle d'«une journée de travail sans embouteillage», du «meilleur usage de votre temps sans stress ni retard» et de «plus d'efficacité et un meilleur équilibre de vie» sur le site internet dédié.
L'objectif est de permettre aux frontaliers de faire du télétravail dans un lieu où ils peuvent retrouver tous leurs services habituels – sans passer par la case embouteillages. Pourtant, plus de six mois après l'ouverture du S-Hub, le concept ne semble pas encore avoir séduit la clientèle visée: les entreprises luxembourgeoises. «Nous avions commencé par concentrer nos efforts de communication sur les entreprises luxembourgeoises», explique Benoit Petry. «Pour être franc, nous nous sommes heurtés à une certaine frilosité.
Les entreprises au Grand-Duché ont encore besoin de temps pour appréhender la question du télétravail.» Le responsable d'exploitation s'est alors employé à convaincre les particuliers du concept S-Hub. «Cela a porté ses fruits. D'après un sondage réalisé par Le Républicain Lorrain fin 2018, 40 % des personnes interrogées connaissaient notre centre de télétravail.» C'est ainsi que ni les grands groupes d'audit, les dénommés «Big Four», ni les institutions européennes – pourtant intéressées – n'ont encore réservé des places de bureau dans le centre de télétravail transfrontalier.
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«Ce sont des processus très longs», explique Benoit Petry, tout en constatant que le concept S-Hub séduit particulièrement les entreprises de taille moyenne jusqu'à 150 salariés. Avant son ouverture, le bâtiment avait fait l'objet d'une phase de test «réussie», disait-on, en collaboration avec PwC Luxembourg. Depuis juin, le S-Hub enregistre cependant un nombre croissant de réservations. «Nous n'avons pas encore atteint le seuil de rentabilité», admet M. Petry, «mais nous ne sommes pas inquiets; nous n'avons commencé nos activités que depuis six mois.» Le responsable d'exploitation se concentre surtout sur la progression du nombre de réservations, qui est très positive.
Benoit Petry, responsable d'exploitation du S-Hub de Yutz. © PHOTO: Lex Kleren
«Ce sont des processus très longs», explique Benoit Petry, tout en constatant que le concept S-Hub séduit particulièrement les entreprises de taille moyenne jusqu'à 150 salariés. Avant son ouverture, le bâtiment avait fait l'objet d'une phase de test «réussie», disait-on, en collaboration avec PwC Luxembourg. Depuis juin, le S-Hub enregistre cependant un nombre croissant de réservations. «Nous n'avons pas encore atteint le seuil de rentabilité», admet M. Petry, «mais nous ne sommes pas inquiets; nous n'avons commencé nos activités que depuis six mois.» Le responsable d'exploitation se concentre surtout sur la progression du nombre de réservations, qui est très positive.
«Nous avons commencé un premier mois d'exploitation avec dix réservations! Au mois d'octobre, nous en avions déjà une soixantaine», constate-t-il. «Depuis le début de l'année, nous sommes à une dizaine de réservations par jour.» Pour atteindre le seuil de rentabilité, M. Petry estime qu'il en faudrait «environ le double». Les coûts de construction du bâtiment S-Hub de cinq niveaux, dont les deux derniers étages ont été vendus aux entreprises Costantini, meaVoce et Myjob, se sont élevés à plus de quatre millions d'euros.«Il faudra faire un bilan d'ici un an», estime le représentant de Sodevam.
L'expérience dans d'autres centres de télétravail à Paris ou Bruxelles montre que la mise en place d'un tel concept prend du temps. «Les responsables d'autres centres de télétravail nous ont prévenus: ne prenez pas de décision hâtive au bout de trois mois si toutes les places ne sont pas encore occupées! Un centre de télétravail aux alentours de villes bien plus grandes comme Bruxelles ou Paris met plus d'un an à se remplir...»
Si la demande est au rendez-vous, le S-Hub près de Yutz a en tout cas encore du potentiel. Le premier étage n'est pas totalement exploité et le deuxième étage est vide. De petits travaux d'aménagement sont d'ailleurs prévus dans les prochains jours pour faire face à la demande grandissante en espaces de bureaux partagés. «Nous constatons que l'Open Space n'est pas toujours la solution la mieux adaptée pour tous les clients», explique M. Petry.
Les frontaliers peuvent même télétravailler jusqu'à 25 % de leur temps de travail
Un élément qui a bien une influence sur le nombre croissant de réservations est le fait qu'une nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg a pris effet au début de l'année. «J'ai réalisé de nombreuses ventes ces deux derniers jours», souligne Benoit Petry, «presque autant que pendant tout le mois de décembre!» Cette convention fiscale, qui vise à éviter la double imposition, prévoit un seuil de tolérance en ce qui concerne le travail effectué par des salariés du Luxembourg mais résidents français en dehors des frontières du Grand-Duché. Les frontaliers français sont ainsi limités à 29 jours de télétravail par an. Au-delà de ce seuil, le travail effectué en dehors de frontières du Luxembourg est imposable en France.
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«En pratique, les frontaliers peuvent même télétravailler jusqu'à 25 % de leur temps de travail», souligne le responsable d'exploitation du S-Hub. «S'ils respectent cette limite, les salariés continuent à être affiliés à la Sécurité sociale luxembourgeoise. Le télétravail n'engendre ainsi aucun changement pour l'employeur.»
Ce concept, M. Petry en est convaincu, est l'avenir. «Dans le futur, tous les contrats de travail contiendront des dispositions relatives au télétravail. Toutes les études faites sur le sujet montrent d'ailleurs les effets positifs: le gain de temps, l'augmentation de la productivité, la diminution du stress...»
Vers un nouveau type de contrat de travail ?
Dans ce contexte, les centres de télétravail représentent le «juste milieu» entre le travail au bureau et le travail à la maison. «Les bénéfices pour le salarié sont évidents: il se retrouve dans une vraie configuration de travail, sans courir le risque d'être distrait, et avec la possibilité de faire appel aux services proposés par la conciergerie du S-Hub – comme le pressing, la restauration ou le lavage de voiture. Sans parler de la sécurité de la connexion internet», souligne le responsable d'exploitation du centre de télétravail. «Quant aux employeurs, ils sont en mesure de proposer une meilleure qualité de vie à leurs employés, ce qui les rendra plus attractifs en tant qu'employeur.
Et les entreprises qui doutent de la productivité de leurs employés qui télétravaillent peuvent être rassurées en sachant que leurs collaborateurs sont dans un vrai espace de travail.» Le prix des prestations du centre ne peuvent être un grand obstacle, selon M. Petry. «De nombreux employeurs proposent un remboursement partiel voire complet des frais de déplacement. Pourquoi ne pas inclure un forfait télétravail au S-Hub dans un contrat de travail?»