Des familles sollicitent l'aide financière du gouvernement
Alimentation, augmentation des factures d'énergie, et même organisation de sorties avec les nouveaux membres du foyer, l'accueil de réfugiés ukrainiens entraîne inévitablement une augmentation des dépenses des ménages concernés.
Sensibilisée par les problématiques d'accueil entourant les animaux de compagnie, Sabine De Buyst a initialement accueilli deux femmes et leur chien. © PHOTO: Photo d'illustration: AFP
«Il s'agit avant tout d'une initiative solidaire, pas financière», tient à clarifier Sabyne De Buyst. Dès le début de la guerre en Ukraine, cette résidente s'est manifestée pour venir en aide aux réfugiés arrivant au Luxembourg. Après avoir accueilli une mère et sa fille d'une vingtaine d'années, ainsi que leur chihuahua, elle a désormais proposé ses chambres libres à une réfugiée de 28 ans et son petit frère de 15 ans.
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Arrivés au Luxembourg depuis le 12 mars, ces deux exilés ukrainiens font cependant face à un problème administratif, et sont toujours en attente de pouvoir régulariser leur situation. Cette absence de statut complique bien des choses pour la famille d'accueil, qui ne peut, par exemple, toujours pas enregistrer ses hôtes auprès de la commune. «Bien sûr qu'il y a du retard dans le traitement des dossiers, et que le gouvernement ne pouvait pas se préparer à cet afflux massif mais maintenant on n'est plus dans les premiers jours, il faudrait peut-être réagir», estime la résidente.
Une situation qui a poussé Sabine De Buyst à sortir son ordinateur, et rédiger une lettre à l'attention de Xavier Bettel, le 31 mars dernier. Dans cette missive, elle attire l'attention du Premier ministre sur la charge financière qui pèse sur les familles d'accueil ayant fait le choix d'héberger des réfugiés. «Certes, il s'agit d'un choix personnel, d'une initiative solidaire, mais dans la pratique, cela peut devenir compliqué.»
Je les considère au même titre que mes enfants.
La mère de famille fait en effet état de plusieurs situations dans lesquelles des dépenses supplémentaires étaient inévitables. En plus d'assurer au quotidien les frais d'alimentation et les dépenses d'énergie, Sabine fait au mieux pour répondre aux besoins spécifiques de ses hôtes. «Il y a deux semaines, le jeune a commencé les cours à distance donc j'ai fait jouer mes relations pour trouver un PC, mais je me suis dit qu'on n'allait pas faire ça à chaque fois qu'on a besoin d'une paire de chaussures.»
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Même chose lorsqu'il a fallu trouver un téléphone pour remplacer celui qui n'a pas bien vécu le voyage, ou lorsqu'il s'agit d'organiser des sorties en famille. «Pour moi c'est évident qu'on ne va pas les exclure, s'ils sont encore là lorsque l'on partira en vacances, on va les emmener avec nous. On veut leur offrir plus que le minimum syndical. Je les considère au même titre que mes enfants», souligne la résidente.
Pas de montant en tête
Mais pour pouvoir offrir plus aux réfugiés, il est nécessaire de mettre la main à la poche. C'est là que les choses peuvent coincer pour certaines familles d'accueil. Sabine De Buyst, qui indique ne pas avoir pour habitude de demander de l'aide, a donc sollicité la mise en place d'une aide financière par le gouvernement. «Quand on sait que dans d'autres pays de l'Union européenne, les familles d'accueil reçoivent un montant pour prendre soin des réfugiés, on se demande pourquoi le Luxembourg ne fait rien.»
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Lorsqu'elle a entrepris la démarche d'écrire au Premier ministre, la résidente n'avait cependant aucun montant en tête. «La moindre aide serait la bienvenue, c’est même plus une question de principe qu’une question de montant. Il s'agit de se sentir soutenue et reconnue au niveau de l’Etat comme les assistant en tant que famille d’accueil dans cette démarche solidaire, car tout le monde ne peut pas aller dans des camps pour diverses raisons», fait valoir Sabine.
En échangeant avec le consulat d'Ukraine à Luxembourg-Ville à propos d'un problème de renouvellement de passeport d'un de ses hôtes, la résidente n'a pas hésité à alerter le consul sur cette situation. «Monsieur Radoux était tout à fait d'accord pour dire que l'accueil de réfugiés représente un coût supplémentaire, et m'a dit être en contact à ce propos avec les ministres.»
Un écho auprès des autres familles d'accueil
Un constat qui a même été partagé par les deux hôtes accueillis par Sabine De Buyst. «Ils sont tout à fait d'accord avec ça, car ils se rendent bien compte que c’est des dépenses et ça les met parfois mal à l’aise par rapport à certains cadeaux qu’ils reçoivent», ajoute la résidente.
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Après avoir adressé sa missive à Xavier Bettel, la mère de famille a partagé une capture d'écran de son courrier dans un groupe Facebook dédié à l'accueil de réfugiés ukrainiens, qui compte près de 11.000 membres. Ce post, qui visait avant tout à informer les autres familles de cette démarche, a connu un véritable succès. «Je ne m'y attendais pas, mais au final, cela montre que je ne suis pas seule dans l’histoire. On est très nombreux, comme on peut le voir au travers de nombreuses publications de gens qui sollicitent de l'aide pour obtenir tel ou tel objet. Ce ne serait pas le cas si on avait tous les moyens, comme certaines personnes le pensent.»
Cette demande, Sabine De Buyst ne l'a donc pas exprimée en son nom propre, mais plutôt au nom de l'ensemble des familles d'accueil, afin qu'elles puissent bénéficier d'un soutien pour pérenniser leur action. Pour le moment, elle n'a cependant eu aucune réponse de la part du cabinet du Premier ministre, mais elle ne désespère pas. «Je pars du principe de «qui ne risque rien n'a rien». Si personne ne s'exprime, les choses ne risquent pas de changer. Je ne sais pas dans quelle mesure le Premier ministre se rend compte de ce que c'est, d'être famille d’accueil.»
Sollicité par la rédaction du Luxemburger Wort FR à ce propos, le cabinet du Premier ministre n'a pas donné suite à notre demande d'interview.