Des fonctionnaires européens discriminés au Luxembourg
Si le nombre d'agents de la fonction publique européenne au Grand-Duché a augmenté au cours des cinq années, le besoin de mettre en place un coefficient correcteur apparaît comme «une nécessité» pour la Cour des comptes européenne qui évoque «des problèmes d'attractivité» par rapport à Bruxelles.
Selon la Cour des comptes européenne, basée au Luxembourg, l'écart du coût de la vie entre Bruxelles et Luxembourg se situe «autour de 15%» et non à 10,5% comme l'assure la dernière étude de la Commission, datée de 2019. © PHOTO: Gerry Huberty
L'optimisme affiché la semaine dernière par le gouvernement quant à l'attrait du Luxembourg sur les fonctionnaires et agents des institutions européennes se trouve quelque peu mis à mal par la Cour des comptes européenne. Si le ministre des Affaires étrangères faisait état d'une croissance «considérable» du nombre d'agents actifs au sein des institutions européennes implantées au Grand-Duché entre 2015 et 2020, le secrétaire général de l'institution en charge du contrôle des dépenses de l'UE fait état d'une toute autre réalité.
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Dans une lettre envoyée début juin à la Commission européenne et repérée ce lundi par nos confrères du Luxembourg Times, Zacharias Kolias soulève «des problèmes palpables» d'attractivité du Grand-Duché qui se traduisent par «des difficultés dans le recrutement et le maintien des équipes, particulièrement face à Bruxelles», mais aussi par «une situation d'inégalité de traitement» que le haut fonctionnaire qualifie de «discrimination».
Au cœur de cette «situation injuste», le fameux article 64 du statut de la fonction publique européenne qui stipule, pour l'heure, qu'«aucun coefficient correcteur n'est appliqué en Belgique et au Luxembourg», malgré l'écart d'évolution du coût de la vie entre les deux pays. Une différence d'«environ 15%», selon la Cour des comptes, qui va donc bien au-delà des 10,5% évoqués par la Commission dans une enquête datée de 2019. Tendance «qui devrait se détériorer davantage à l'avenir» en lien notamment avec la flambée des prix de l'immobilier.
Sans surprise, cette absence impacterait particulièrement «les agents contractuels» appartenant aux groupes et aux fonctions les moins élevés dont les salaires «se situent en dessous du niveau du salaire minimum au Luxembourg», précise la Cour des comptes européenne. Des personnels qui gagneraient donc «plusieurs centaines d'euros de moins» que les 2.642,32 euros mensuels prévus par la loi luxembourgeoise pour les salariés qualifiés.
Plaidant pour «un coefficient correcteur spécifique au Luxembourg», Zacharias Kolias souhaite s'inspirer des politiques salariales mises en place dans d'autres institutions internationales présentes au Grand-Duché, telles que l'OTAN «qui paie 15% de plus ses salariés au Luxembourg que ceux basés à Bruxelles». Une idée qui ne pourra toutefois pas devenir réalité avant mars 2022, date de remise au Parlement européen et au Conseil d'un rapport spécifique de la Commission.
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Lors de sa dernière visite au Luxembourg, en octobre 2020, Johannes Hahn, commissaire européen au Budget et à l'Administration, avait été reçu par Xavier Bettel (DP) et Jean Asselborn (LSAP). Tous deux lui avaient alors rappelé les engagements pris pour le «renforcement des pôles juridique, financier et numérique» du Grand-Duché via notamment «le transfert de personnels de la Commission et la création de postes». Quelques mois plus tôt, le commissaire autrichien avait pour sa part assuré que «la Commission reste pleinement attachée à sa présence à Luxembourg (...) et continuera de le faire».