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Coopération au développement

Des investissements records malgré la crise pour LuxDev

Près de 108 millions d'euros ont ainsi été dépensés par l'agence luxembourgeoise pour le développement dans les nombreux pays où cette dernière intervient.

Une grande partie de l'enveloppe budgétaire a été investie en Afrique de l'Ouest, malgré un contexte géopolitique fragile.

Une grande partie de l'enveloppe budgétaire a été investie en Afrique de l'Ouest, malgré un contexte géopolitique fragile. © PHOTO: Pierre Matgé

Journaliste

Exceptionnelle, c'est par ce terme que l'agence luxembourgeoise pour la coopération au développement LuxDev qualifie son année 2021. Cette dernière travaille dans plus d'une dizaine de pays répartis sur quatre continents. Burkina Faso, Niger, Sénégal, Cap-Vert, Nicaragua, Salvador, Laos ou encore Vietnam font partie du vaste territoire d'action de l'agence gouvernementale.

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L'année écoulée aura été d'autant plus remarquable pour l'agence luxembourgeoise, celle-ci ayant eu à gérer la plus grande enveloppe bilatérale de son histoire. Celle-ci s'est élevée à plus de 108 millions d'euros en 2021. De cette somme pour le moins colossale, près de 99% ont pu être dépensés (107,8 millions d'euros). Si ce montant a été réparti entre les différents projets de LuxDev à l'étranger, une grande partie a été investie en Afrique de l'Ouest. «Et ceci malgré un contexte toujours fragile dans la région du Sahel à la fois du point de vue politique et sécuritaire», précise le rapport annuel pour l'année 2021.

De nouveaux soutiens en Afrique et en Mongolie

En juin dernier, un nouveau programme de coopération entre le Luxembourg et le Niger était annoncé. Le montant de cette nouvelle collaboration se chiffre à une somme d'environ 145 millions d'euros pour une période allant de 2022 à 2026. Le Premier ministre Xavier Bettel (DP) et le ministre de la Coopération et de l'Action humanitaire Franz Fayot (LSAP) s'étaient rendus sur place pour constater les actions déjà déployées là-bas par LuxDev depuis une trentaine d'années. Une station hydrologique avait notamment vu le jour à côté d'une école. Une structure permettant de fournir de l'eau à des milliers de personnes.

Et puis, fin juillet dernier, le ministre Franz Fayot s'est rendu en Mongolie où ce dernier a renouvelé le soutien de la coopération luxembourgeoise au secteur de la Santé. Concrètement, un nouvel accord bilatéral d'environ 5 millions d'euros pour les cinq prochaines années a été acté. L'accord prévoit la continuation du renforcement de la télémédecine et des services cardiovasculaires afin d'améliorer l'accès aux services de santé primaires et de contribuer au développement du secteur médical mongol.

En effet, le travail de LuxDev a encore une fois été grandement perturbé en 2021, notamment pour des raisons géopolitiques. Au Mali par exemple, les sanctions de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest ont amené LuxDev à suspendre ses investissements au profit d’actions en exécution nationale. Situation similaire au Myanmar où, après le coup d'Etat de février 2021, l'agence luxembourgeoise a dû se résoudre à abandonner ses projets dans ce pays.

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Certains employés et collaborateurs de LuxDev opèrent en effet dans des pays dits «à risque», en matière de terrorisme par exemple. «Ce sont des risques qui sont bien connus», reconnait Gaston Schwartz, directeur général chez LuxDev. «Pas plus tard qu'il y a quelques jours, il y a eu une attaque à Bamako, au Mali, où un camp militaire a été la cible de terroristes islamistes. On suit bien évidemment la situation. On s'est doté d'une politique de sécurité dans ces pays à risque terroriste. C'est pour cela qu'on a recruté des experts en sécurité qui suivent la situation au jour le jour et qui forment le personnel aux règles et aux comportements à adopter afin de limiter les risques.»

Les relents de la crise sanitaire

La crise sanitaire a encore amené son lot d'impacts en 2021 selon le directeur général de LuxDev, Gaston Schwartz. «Bien moins qu'en 2020 toutefois puisqu'en Afrique de l'Ouest, notre principale région d'intervention, les restrictions se sont allégées l'année dernière. La situation est bien moins contraignante qu'auparavant. Par contre, on a un gros retard à rattraper par rapport à 2020, surtout dans le contexte de la préparation de nouveaux programmes, au Laos par exemple où nous avons dû en reporter certains.»

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2021 a aussi été pour LuxDev, l’année du lancement de sa nouvelle Vision 2030. Il s’agit là d’un événement important qui marquera l’avenir de l’agence et la guidera dans son expansion, son développement interne et sa façon d’aborder son métier durant les 10 années à venir. Cette nouvelle feuille de route passe notamment par 17 objectifs de développement durable: fin de la pauvreté, une bonne santé, une éducation de qualité ou encore une égalité entre les sexes.

LuxDev, bientôt au Rwanda et au Bénin?

L'agence gouvernementale pourrait-elle, à l'avenir, élargir son champ d'actions et opérer dans de nouveaux pays? Pour Gaston Schwartz, la réponse se trouve à un niveau politique. «Tout dépend de la stratégie de la coopération luxembourgeoise, dont l'objectif est la lutte contre la pauvreté. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, nous avons identifié deux pays qui pourraient recevoir de l'aide luxembourgeoise: le Rwanda et le Bénin. Toutefois, nous n'avons pas encore entamé la mise en œuvre concrète d'une quelconque coopération.»

Pour LuxDev, il est en tout cas clair que le prochain gros défi réside dans la crise alimentaire qui se profile et qui a déjà fait sombrer, en seulement trois mois, 71 millions de personnes vivant dans des pays à revenus faibles. «La guerre en Ukraine a également des répercussions en Afrique de l'Ouest où l'inflation ne cesse de grimper à une vitesse folle. On risque d'être confronté à une crise plus grave que celle du Covid.»

L'égalité des genres au coeur des programmes de 2021

Pour le directeur général, il est difficile de mettre en avant un projet plutôt qu'un autre, tant ceux-ci ont été nombreux à se lancer, à se renforcer ou à se concrétiser en 2021. Toutefois, il est clair que la question de l'égalité des genres a été au cœur des initiatives de LuxDev au cours de l'année écoulée. Un programme régional pour la promotion de l'entrepreneuriat féminin a été lancé dans toute la région du SICA, qui comprend des pays où LuxDev opère comme le Nicaragua et le Salvador.

Le programme d'appui à l'hôpital et à la Fondation Panzi au Congo s'est également renforcé en 2021. Pour rappel, en 2019, la coopération luxembourgeoise s'était engagée à soutenir la structure fondée par l'illustre Denis Mukwege, celui qui «répare les femmes» victimes de violences sexuelles. Ainsi, l'année passée, LuxDev a contribué à la rénovation du bâtiment qui abritera la stérilisation centrale et a encadré l'arrivée de matériel, tout en aidant également à l'enregistrement des enfants au sein de la structure hospitalière.

Au Sénégal, un programme de LuxDev a appuyé un meilleur accès des filles et des femmes aux filières techniques à plus forte valeur ajoutée, qui sont en général fréquentées par les hommes ainsi qu'un accès équitable à la formation professionnelle.

Au Cap-Vert, là où la société reste affectée par les stéréotypes patriarcaux traditionnels sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes, LuxDev a intégré dans chacun de ses programmes une attention toute particulière à l'inclusion sociale et l'égalité des genres. «L'approche inclusive et donc multidimensionnelle placera l'égalité et l'équité entre les sexes ainsi que l'autonomisation des femmes au centre du débat et tiendra compte des besoins des femmes dans la prise de décision stratégique et dans l'élaboration des politiques, des stratégies et des processus institutionnels», précise le rapport annuel.

Toujours en Afrique, cette fois au Mali, LuxDev explique que les conflits géopolitiques qui sévissent actuellement au centre du pays ont des conséquences plus graves pour les femmes, particulièrement en milieu rural. Les effets de la pandémie ont quant à eux été nettement plus importants pour les femmes urbaines, celles-ci étant davantage actives dans des métiers plus sensibles aux restrictions. Parmi les programmes déployés, on notera notamment la mesure du taux de superficie de terres aménagées attribuées aux femmes membres de sociétés coopératives, associations ou groupements de producteurs appuyés par le programme, essentiellement pour la riziculture.

Un autre programme a également appuyé la certification de 970 apprentis, dont 27% de filles, dans des métiers du secteur de l’artisanat. «De même, le financement de microentreprises s’est poursuivi avec l’octroi de 274 nouveaux prêts à des primo-entrepreneurs, dont 30% de femmes», précise le rapport annuel. Approche similaire au Niger où un programme prévoit un programme d'appui au développement agricole durable dans la région de Dosso. L'objectif a été dépassé en décembre dernier où 1.264 jeunes agriculteurs ont été formés, dont 65% de femmes.

Du côté de l'Asie, au Laos, en 2021, LuxDev a offert des possibilités de formation dans le domaine du tourisme et de l'hôtellerie à plus de 8.500 femmes, soit 73% de l'ensemble des participants soutenus. Un autre programme offre aux femmes l’opportunité de participer aux processus de planification du développement des villages et encourage leur participation aux prises de décision.

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