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Des jours sombres s'annoncent pour la protection sociale

Le Fonds national de Solidarité s'attend à enregistrer plus de demandes d'Allocation de vie chère ou de Revenu pour début 2021. Quand une partie de la population ne percevra plus d'allocation chômage.

Pour Pierre Lammar, c'est la fin des allocations chômage ou des mesures de chômage partiel qui risque d'entraîner plus de demandes d'aides auprès du Fonds national de solidarité.

Pour Pierre Lammar, c'est la fin des allocations chômage ou des mesures de chômage partiel qui risque d'entraîner plus de demandes d'aides auprès du Fonds national de solidarité. © PHOTO: Gerry Huberty

Patrick Jacquemot

La crise, la crise, la crise... Il y a celle sanitaire dont le bilan quotidien des infections covid (plus de 24.000) et des victimes (232 décès) fait frémir. Et puis, il y a la crise sociale. Encore guère perceptible au final. Certes, on peut agiter le nombre de faillites déjà enregistrées pour 2020, mais il n'a rien de spectaculaire pour l'heure par rapport à l'an passé. Et côté demandeurs d'emplois, après une poussée de fièvre en avril, les chiffres de l'ADEM ne cessent de baisser. «Chez nous, non plus, l'impact de la crise ne se fait guère ressentir», reconnaît le président du comité directeur du Fonds national de solidarité. Mais Pierre Lammar d'ajouter «Ce n'est que temporaire».

Car à regarder les évolutions mensuelles des nouveaux demandeurs, rien n'indiquerait que la crise impacte durement les ménages luxembourgeois. Ainsi, pour ce qui est des dossiers Revis (Revenu d’inclusion sociale) accordés aux plus défavorisés, les chiffres restent relativement stables d'une année à l'autre. En 2019, le FNS avait enregistré 4.345 demandes, il en était à 3.281 sollicitations fin septembre. «On peut s'attendre à un nombre équivalent», estime le responsable qui, pour le Revis, avait débloqué 167 millions d'euros l'an dernier et a déjà déboursé 157 millions cette fois. «On reste dans la norme.»

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Même sentiment à voir l'évolution des demandes d'Allocation de vie chère (AVC). La comparaison entre les 20.463 bénéficiaires de l'an dernier et les 18.758 hommes et femmes actuellement acceptés pour ce régime d'aide ne laisse rien transparaître de tragique dans le pays. Sauf à regarder les montants versés. Car, pour le Fonds national de solidarité 2020, la colonne dépenses de l'AVC ne se soldera pas sur un total de 36 millions d'euros comme l'an dernier. Déjà 66,5 millions ont été attribués.

Car si le nombre d'allocataires n'a pas trop bougé, le montant accordé a lui bondi. En mai dernier, dans un geste social, le gouvernement a en effet décidé d'augmenter de 50% les versements. «Ce choix a également permis de rehausser les tranches d'aide auxquelles pouvaient souscrire certains demandeurs, cela ajoute à l'augmentation». Mais ''l'aubaine'' n'a qu'un temps, et le montant de l'AVC reviendra à son niveau normal au 1er janvier, à un détail près.

En effet, au premier jour de 2021? l'allocation va bénéficier d'une hausse de 10%. Là encore un geste social. Mais là, il ne s'agit pas tant d'aider les uns et les autres à passer le cap de la crise covid, mais à supporter dans leur budget l'application d'une nouvelle taxe. La fameuse «taxe carbone» qui a été décidée sur les carburants, mais également le mazout ou gaz de chauffage. Quelques cents au litre mais dont l'impact, sur les ménages les plus fragiles, devrait approcher les 150 euros annuels (contre 200€ pour les revenus plus élevés). D'où cette compensation souhaitée par les ministres de l'Environnement et de l'Energie.

«Mais c'est une année 2021 plus difficile socialement à laquelle je m'attends», ne cache pas le directeur du FNS. L'établissement, sous la tutelle du ministère de la Famille, sait que la crise est actuellement en partie masquée par les indemnités chômage accordées aux résidents qui ont perdu leur emploi. «Et ces indemnités n'ont qu'un temps. Au bout d'un an, dans la plupart des cas, il n'y aura plus rien et c'est là qu'un plus grand nombre de personnes viendra frapper à la porte du Fonds national de solidarité...»

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Il faudra aussi certainement compter avec les anciens salariés de la restauration ou de l’hôtellerie qui se retrouvent parmi les salariés le plus souvent concernés par les mesures de chômage partiel. «Des revenus modestes à la base qui auront passé des mois avec 80% de leur ancien salaire… Nul doute qu’ils se retrouveront en plein dans nos critères pour recevoir l’AVC, voire le REVIS s’ils perdaient définitivement leur emploi», pronostique Pierre Lammar. A moins. «A moins que la reprise n’arrive plus vite que prévu.» Mais pour l’heure, c’est la crise, la crise, la crise qui masque cet horizon.

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