Le développement d'eSanté fait tousser des médecins
L'agence eSanté serait en proie à plusieurs «dysfonctionnements graves». Elle est dans le viseur de l'AMMD, qui souhaite en finir avec cette plateforme en ligne, afin de se diriger vers une solution 100% luxembourgeoise.
Pour les praticiens de l'association des médecins et médecins dentistes, l'agence eSanté peine à proposer des solutions techniques innovantes.
«Perte de temps pour les médecins», «gaspillage d'argent public» : l'association des médecins et médecins dentistes (AMMD) ne mâche pas ses mots à l'encontre de l'agence eSanté. Le dialogue est même «rompu» entre les deux parties. La solution numérique était cependant censée simplifier la vie de ces professionnels de santé. Grâce au dossier de soins partagé (DSP), la plateforme doit notamment permettre une meilleure coordination des soins entre les différents praticiens.
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Mais pour l'AMMD, l'agence eSanté est loin d'être une solution. Elle a même tout d'un problème, car l'association pointe du doigt plusieurs «dysfonctionnements graves». Un dossier brûlant, que Claude Haagen (LSAP) devra gérer sitôt installé comme nouveau ministre de la Sécurité sociale. L'actuel bourgmestre de Diekirch doit en effet prendre la suite de Romain Schneider (qui vient de démissionner) dans les prochaines semaines.
Le premier point soulevé par les docteurs est la dépendance de l'agence à des prestataires étrangers. «Notamment Maincare, une société française qui ne tient pas compte des besoins des patients et professionnels de santé du Luxembourg», appuie l'AMMD.
Si eSanté est également jugée comme un «frein» par ces praticiens, c'est en raison du manque de solution technique et d'innovation dont elle fait preuve. Les médecins n'ont, par exemple, pas accès à la signature électronique, un acte nécessaire juridiquement pour attester de la validité des documents médicaux qui y sont déposés, tels que les certificats et les ordonnances. Un point problématique, alors que le gouvernement veut accélérer la digitalisation du domaine de la santé.
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Censée accélérer le remboursement des dépenses de santé des patients, l'AMMD affirme que la plateforme peine à remplir ses objectifs. Déjà mise en place dans une centaine de cabinets médicaux, la solution en ligne est utilisée par plus de 7.000 patients et a déjà permis le traitement de 10.000 dossiers.
Par ailleurs, l'association, qui émet des réserves à l'encontre de la plateforme depuis 2018, fait part d'un manque de transparence financière et juridique. «Aucune trace d’aucun marché public, ni mise en concurrence, ni publicité, n’est trouvable jusqu'au mois d’octobre 2021», indique l'AMMD. Un point qui avait été souligné par le député Marc Hansen (déi Greng) dans une question parlementaire adressée aux ministres de la Santé et de la Sécurité sociale le 23 novembre dernier.
Sécurité et économies
Pour faire disparaître ces dysfonctionnements multiples, l'AMMD préconise l'utilisation d'une solution luxembourgeoise. Nommée DHN, cette dernière présente plusieurs avantages, selon les praticiens de l'association. En s'intégrant directement dans le logiciel utilisé par le médecin, elle permet une efficacité accrue. Côté sécurité, les professionnels de la santé affirment que cette plateforme permettrait une transmission des données plus sécurisée mais aussi de faire des économies d'argent public.
Contactée, l'agence eSanté «s'abstient de toute réponse», jugeant ce sujet «complexe, qui ne concerne pas uniquement l'agence».