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«En fin de compte, c’est toujours une question de prix»

Alors que le gouvernement entend mettre l'accent sur la création de logements voués à la location subventionnée, le Fonds du logement annonce avoir planifié quelque 4.600 logements de ce type d'ici à l'horizon 2030. Pas de quoi cependant combler l'écart entre l'offre et la demande...

Cinq ans après le limogeage de Daniel Miltgen, le Fonds du logement assure avoir retrouvé une «stabilité» lui permettant« d'accélérer» sa mission qui consiste à construire des logements locatifs abordables.

Cinq ans après le limogeage de Daniel Miltgen, le Fonds du logement assure avoir retrouvé une «stabilité» lui permettant« d'accélérer» sa mission qui consiste à construire des logements locatifs abordables. © PHOTO: Chris Karaba

Fin mai, Henri Kox (Déi Gréng) annonçait que l'accent serait mis sur les grands projets pour accélérer la construction de logements abordables. Outre les projets de Dudelange et Wiltz, quels sont les autres projets d'ampleur du Fonds pour répondre à cet objectif?

Diane Dupont, présidente du conseil d'administration du Fonds du logement - «Notre définition d'un projet d'envergure se situe à partir de 100 logements, mais il est vrai que les sites «Neischmelz» à Dudelange et «Wunne mat der Wooltz» et «Haargarten» à Wiltz forment nos plus gros projets. Ce qui ne veut pas dire que nous n'en avons pas d'autres.

Dirk Kintzinger, directeur adjoint du Fonds du logement - «Nous travaillons sur un projet à Echternach, dans la cité «Manertchen», qui représente 214 logements. Il y a également un projet baptisé «Weltgebond» à Mamer pour environ 150 logements, puis le Val Saint André et les 92 unités à Luxembourg-Ville et le projet Syrdall à Wecker qui comprendra environ 150 logements. Sans oublier la «Nonnewisen», à Esch-sur-Alzette, qui doit aboutir à créer 750 logements, réalisé pour un tiers par le Fonds du logement, et deux tiers par la commune. Ce projet est, à l'heure actuelle, le seul projet d’envergure actuellement en cours de réalisation.

Ces projets sont répartis sur une partie du territoire. Or, toutes les communes n'acceptent pas facilement d'avoir des logement abordables sur leur territoire. Quel état des lieux dressez-vous de cette relation actuellement?

Diane Dupont - «Dans les communes où nous réalisons des projets d’envergure, nous n’avons pas ces problèmes. C’est clair qu’il faut toujours discuter pour trouver des compromis, notamment sur la question de la mixité sociale. Pour les petits projets, souvent, ce sont nos projets qui amènent cette mixité, car auparavant, elle n’existait peut-être pas. Les choses évoluent peu à peu, même si nous ne sommes pas présents partout...

La priorité du Fonds reste avant tout la location. Quel est votre objectif ?

Diane Dupont - «Notre mission principale est de créer des logements locatifs subventionnés, selon les termes de la loi d'avril 2017. Il faut que nous augmentions l'offre pour ceux qui n'ont vraiment plus la possibilité d'acquérir ou de louer sur le marché privé, mais de là à parvenir à augmenter l’offre globale du marché…

Car vous ne pouvez agir que sur des terrains qui appartiennent à l’Etat. Soit 20% des surfaces disponibles. Vous comptez sur un changement de mentalité des propriétaires actuels pour élargir votre périmètre d’action?

Diane Dupont - «On remarque que le grand public est beaucoup plus sensibilisé, car nous recevons beaucoup plus d’offres de la part de propriétaires privés depuis quelques mois. Même si, en fin de compte, c’est toujours une question de prix. Car pour pouvoir proposer des biens à prix abordable et toujours avec des bails emphytéotiques de 99 ans avec droit de rachat sur la même période, il faut tout de même que le prix du foncier soit raisonnable.

Combien d’offres receviez-vous avant?

Diane Dupont - «On était proche de zéro… On voit qu’il y a une dynamique qui peut s’expliquer en partie par le pacte logement qui prévoit notamment que le propriétaire qui vend à l’Etat ne paie pas d’impôt sur la plus-value réalisée

Si vous recevez plus d’offres, le nombre de refus de votre part augmente-t-il aussi?

Dirk Kintzinger - Oui, évidemment. Car certaines offres correspondent à des vignes, à des parcelles d’un are ou à des terrains isolés que nous ne pouvons pas exploiter. Nous essayons de constituer des ensembles cohérents, raison pour laquelle nous faisons aussi des Baulücken, justement dans cette logique. Les offres reçues ne sont pas toujours des cadeaux...

Diane Dupont et Dirk Kintzinger.

Diane Dupont et Dirk Kintzinger. © PHOTO: Chris Karaba

Dirk Kintzinger - Oui, évidemment. Car certaines offres correspondent à des vignes, à des parcelles d’un are ou à des terrains isolés que nous ne pouvons pas exploiter. Nous essayons de constituer des ensembles cohérents, raison pour laquelle nous faisons aussi des Baulücken, justement dans cette logique. Les offres reçues ne sont pas toujours des cadeaux...

Lors de votre prise de fonction en 2017, le Fonds possédait 3.000 dossiers en attente. Quelle est la situation actuelle, sachant que la population devrait continuer de progresser fortement dans la décennie à venir?

Diane Dupont - «Nous en avons actuellement 3.400 en attente dans le locatif et notre procédure ne changera pas à l’avenir, c’est-à-dire que les personnes en haut de la liste seront prioritaires par rapport aux nouveaux demandeurs. Nous avons un stock théorique en ce qui concerne les projets futurs de 4.600 logements, en incluant les projets d’envergure. Donc à l’horizon 2030 et au-delà. Au cours des douze derniers mois, nous avons fait approuver des PAP pour 1.850 logements…

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La crise actuelle devrait avoir un impact sur le marché immobilier, notamment de bureau avec le développement attendu du télétravail. Est-ce que vous constatez également des changements dans les demandes de votre côté?

Diane Dupont - Actuellement, on ne voit pas de grands changements venir en lien avec cette crise. Cependant, nous pourrions réfléchir à prévoir peut-être des espaces de bureau dans nos logements, justement pour faciliter le télétravail. Ce qui pourrait signifier prévoir d’autres surfaces que les 140 m2 actuels. Mais ceci est une question pour le ministère du Logement.

Le gouvernement met l’accent sur la production et l’autoconsommation d’électricité issue du solaire. Cette idée va-t-elle se traduire dans votre parc immobilier?

Dirk Kintzinger - «Nous sommes en train de faire une analyse afin de développer une stratégie de rénovation énergétique. Nous souhaitons effectivement améliorer notre efficacité énergétique en utilisant les meilleures technologies possible, même s’il faut être conscient que cela ne fait pas sens de le faire partout . Il faut bien évidemment une rentabilité par rapport à l’investissement qui sera fait. Mais sur les quelque 2.000 logements de notre parc, c’est une priorité qui va concerner entre 100 et 150 logements sur les quelque 500 logements qui sont mal classés dans les normes énergétiques actuelles. Cela devrait nous prendre une dizaine d’années.

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Diane Dupont - «Nous sommes en train de mettre en oeuvre la stratégie de rénovation, c’est-à-dire de regarder où il faut investir et dans quoi investir, quels travaux à faire et quelle innovation à mettre en oeuvre. Cette stratégie devrait être finalisée d’ici la fin de l’année pour mettre en place des budgets qui seront pris sur le fonds spécial.

Face à tous ces chantiers, estimez-vous que le Fonds du logement est suffisamment doté en personnel, en sachant que depuis 2015, il y a eu pas mal de changements dans les effectifs?

Diane Dupont - Nous sommes actuellement à 135 équivalents temps plein (ETP), mais tous ne sont pas dédiés à la construction. Seules 35 personnes y sont dédiées, le reste étant chargé des aspects sociaux, juridiques ou de sécurité et de conformité. Mais une fois que les projets d'envergure entreront dans leur phase de réalisation, il faudra voir comment nous pourrons bien augmenter l’équipe. Car c’est une autre dimension. Mais il est encore trop tôt pour quantifier nos besoins à l'heure actuelle.»

Accalmie après la tempête?

Cinq ans après le limogeage de Daniel Miltgen, l'établissement public assure qu'une «stabilité» a été retrouvée et que l'ambiance est «de nouveau bonne» suite à la mise en place d'une nouvelle direction. Au point que «les tensions internes» feraient partie du passé, au même titre que le flou autour de la gestion du Fonds. Les conflits existeraient cependant toujours, «mais plus entre nous», estime Dirk Kintzinger.

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