Et si l'armée bataillait pour l'environnement?
Le ministre de la Défense aimerait conditionner les fonds versés par le Luxembourg à l'Otan à un engagement fort sur la prévention des conflits, via des engagements dans la lutte contre le changement climatique.
En 2014, le gouvernement luxembourgeois s'est engagé à augmenter son effort de défense de 0,4% du PIB en 2014 à 0,6% en 2020. © PHOTO: Gerry Huberty
(pj avec Cordula Schnuer) - François Bausch (Déi Gréng), s'engage dans un difficile combat. Avec un millier d'hommes, le ministre de la Défense sait que l'armée luxembourgeoise ne pèse guère dans la géostratégie mondiale. Tout comme le Grand-Duché, avec sa "maigre'' contribution à l'OTAN (395 millions d'euros l'an passé) ne saurait prendre les commandes de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. N'empêche, le Luxembourgeois aimerait aller au-delà du renforcement de l'arsenal national.
La position luxembourgeoise consiste ainsi à vouloir favoriser la prévention des conflits. Et prévenir les conséquences du changement climatique sur les tensions entre les Etats fait partie de la stratégie que voudrait voir se mettre en place le ministre luxembourgeois en échange d'une enveloppe financière à la hausse à verser dans les caisses de l'OTAN.
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Car si le Luxembourg s'arme pour tenir son rôle d'allié, François Bausch estime que le réchauffement de la planète aura des «effets néfastes» sur des régions déjà déstabilisées par la pauvreté ou la mauvaise gouvernance. «Aussi, le Luxembourg a-t-il commencé à se pencher, notamment au niveau de l'OTAN, sur la nécessité d'élargir les critères de calcul de l'effort de défense», assume le gouvernement.
Et cette proposition intervient alors que le Grand-Duché cherche des moyens de respecter sa promesse de consacrer 2% de son produit national brut à la défense mutuelle. Actuellement, le pays consacre déjà 0,6% de son PIB à ses dépenses militaires. Mais les hypothèses envisagées parlent de monter ce taux à 0,72% d'ici 2025. D'ailleurs, le Luxembourg aurait dû dépenser environ 1,2 milliard d'euros pour la défense en 2019; un montant conforme à l'engagement signé en 2014. La réalité aura donc tourné à "seulement'' 395 millions d'euros. Et François Bausch de tacler au passage la promesse de contribution, la qualifiant d'«idiote».
Pour le ministre écolo, il serait impossible pour le pays de respecter son obligation en vertu des règles actuelles. Bausch incitant les militaires de l'OTAN à réviser leurs plans d'actions plutôt vers l'action climatique que la course à l'armement. Une proposition dégoupillée aujourd'hui, alors que l'Organisation entend réviser sa stratégie lors d'un prochain sommet en 2021.
A l'heure actuelle, le ministère luxembourgeois de la Défense n'a pas identifié d'alliés possibles dans son effort de redéfinition des dépenses militaires. «Comme il s'agit, d'une part, d'un sujet très délicat et difficile et, d'autre part, que les discussions n'en sont qu'à leur début, il n'est pas possible de révéler plus de détails à ce stade», déclare-t-on officiellement. Pas plus que François Bausch et son état-major n'ont fixé un montant de «dépenses vertes» qui pourraient inciter le gouvernement à verser à l'OTAN la totalité des sommes promises.
Un cas à part
Au sein des trente Etats qui constituent l'OTAN, le Grand-Duché se distingue comme étant le seul pays à avoir confié sa politique de défense à un ministre écologiste. Le pacifisme étant au cœur de l'identité Déi Gréng, François Bausch se voit donc apporter une touche verte à un monde kaki. Autrement dit : inciter les uniformes à se préoccuper plus de l'environnement dont les dysfonctionnements entraînent déjà ou entraîneront des conflits, des destructions, des mouvements de population difficilement maîtrisables.
En marge d'une réunion de l'OTAN en février, le Luxembourg a contribué à hauteur de 1,2 million d'euros à la dépollution de sites militaires pollués en Lettonie. Le gouvernement de Xavier Bettel prévoit également de réduire l'empreinte carbone de l'armée en remplaçant progressivement sa flotte de véhicules civils par des voitures hybrides ou électriques. De même, il est annoncé que la rénovation de la caserne militaire à Diekirch et d'un stand de tir suivront les nouvelles normes environnementales pour réduire la pollution.
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L'écologie pourrait même quelque peu sauver le projet Luxeosys, mis à mal par un gonflement exagéré de budget. Les images du satellite d'observation militaire luxembourgeois (dont le coût est passé de 170 à 300 millions d'euros) pourraient aider à analyser la manière dont le changement climatique affecte diverses régions sur le globe, ou orienter les efforts de secours après des catastrophes naturelles, dont beaucoup sont liées au climat.