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Télétravail, une pétition à l'Assemblée

«Frontaliers ou non, tout le monde doit la signer !»

Originaire de Metz, Valentin Pernot réside à Bertrange. La galère des transports l'a conduit à déposer une pétition auprès de l'Assemblée nationale.

«Après le Luxembourg et la France, pourquoi pas une pétition en Allemagne et une autre en Belgique? Histoire de montrer que tous les frontaliers sont concernés»

«Après le Luxembourg et la France, pourquoi pas une pétition en Allemagne et une autre en Belgique? Histoire de montrer que tous les frontaliers sont concernés» © PHOTO: Shutterstock

Journaliste

Sabrina Litim fait des émules. C'est en voyant sa pétition intitulée «2 jours de télétravail par semaine pour tous, y compris les frontaliers» et à son retentissant succès (plus de 13.000 signatures) que Valentin Pernot s'est décidé à franchir le pas. Employé dans une banque privée, ce frontalier français de 28 ans est lui aussi passé à l'action. Il explique les raisons de son geste.

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Le 22 juillet, la plateforme dédiée de l'Assemblée nationale a mis en ligne votre pétition intitulée «2 jours de télétravail par semaine pour les frontaliers français au Luxembourg». C'est la première du genre en France...

Valentin Pernot: «En raison des élections législatives et du renouvellement de l'Assemblée nationale au cours duquel on procède à la fermeture des pétitions, il n'y en avait que 33 en ligne. Et aucune n'avait pour objet le télétravail.

La pétition déposée le 13 juillet à la Chambre des députés du Luxembourg est-elle à l'origine de votre démarche?

«En une journée, elle a recueilli les 4.500 signatures nécessaires. Aujourd'hui, elle en est à plus de 13.000! Mais comme je doute que le Luxembourg puisse agir seul sur le sujet, et ce d'autant que ce n'est pas lui qui met en place des barrières fiscales et sociales pour les frontaliers, il me paraissait pertinent d'en déposer une en France et faire ainsi pression sur le gouvernement.

Concrètement (...) je prenais quatre moyens de transport différents!

Membre de la sous-commission télétravail, le député Marc Spautz (CSV) estime que cette question doit être réglée au niveau européen. Vous aussi?

En effet, l'idéal serait une harmonisation à l'échelle européenne, c'est certain. Si la France venait à agir, la Belgique et l'Allemagne en feraient sans doute autant. Alors, après le Luxembourg et la France, pourquoi pas une pétition en Allemagne et une autre en Belgique? Histoire de montrer que tous les frontaliers sont concernés. Et pour cela, ne pas hésiter à utiliser tous les leviers possibles...

Pour Valentin Pernot, «le télétravail n'est pas une question de génération mais d'époque».

Pour Valentin Pernot, «le télétravail n'est pas une question de génération mais d'époque». © PHOTO: D.R.

En effet, l'idéal serait une harmonisation à l'échelle européenne, c'est certain. Si la France venait à agir, la Belgique et l'Allemagne en feraient sans doute autant. Alors, après le Luxembourg et la France, pourquoi pas une pétition en Allemagne et une autre en Belgique? Histoire de montrer que tous les frontaliers sont concernés. Et pour cela, ne pas hésiter à utiliser tous les leviers possibles...

Quel a été l'élément déclencheur?

«Le retour au bureau le 1er juillet et l'énorme problématique pour m'y rendre. Récemment, on a eu droit aux journées de grève de la SNCF, dont une véritable soirée cauchemar où chacun a mis plus de 3h à rentrer chez soi. Désormais, c'est encore plus compliqué de se rendre au travail en raison des travaux en gare de Luxembourg. On doit descendre à Bettembourg...

Concrètement, entre la voiture que je prends depuis Bertrange jusqu'à la gare de Thionville - où c'est déjà toute une galère pour trouver une place sur ce qui n'est rien d'autre qu'un terrain vague - puis le train jusqu'à Bettembourg, le bus jusqu'à Luxembourg-ville et enfin le tram, je prenais quatre moyens de transport différents! Je précise que le tram, contrairement au reste, est la seule partie qui se déroule sans accroc.

J'entends beaucoup le gouvernement parler de ''sobriété énergétique'', le télétravail entre dans cette logique

On vous sent agacé...

«Après deux années de télétravail illimité, où les barrières fiscales étaient levées, on est revenu de manière assez brutale sur le fonctionnement classique. Et avec des conditions de circulation encore plus compliquées qu'avant... C'est comme si nous n'avions rien appris, ou rien retenu, de ces deux ans.

Vous évoquez les Allemands et les Belges, avez-vous pris contact avec les frontaliers suisses?

«Non, mais je sais que la situation y est également très compliquée. Dans la pétition, j'incite vraiment tous les frontaliers à montrer leur soutien en signant cette pétition. J'irai même plus loin: frontaliers ou non, tout le monde devrait signer cette pétition. Ils en tireraient tous des bénéfices. Ceux qui habitent à Metz et qui travaillent à Thionville, ou vice versa, sont également pris dans les bouchons des frontaliers. Même s'ils sont moins impactés, ils le sont quand même...

Parmi les neuf principaux arguments de votre pétition, l'aspect environnemental intervient en septième position...

«Ma motivation première n'était pas l'environnement, mais plutôt les conditions de travail, c'est-à-dire travailler plus efficacement et de passer moins de temps dans les transports. J'entends beaucoup le gouvernement parler de ''sobriété énergétique'', le télétravail entre dans cette logique.

Ce n'est pas parce que l'on gagne mieux au Luxembourg que l'on doit forcément souffrir

Il se dit que la nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail ne serait pas encline à faire ce genre de concessions. Vous confirmez?

«Dans la banque où je travaille, beaucoup de personnes plus âgées que moi, qui sont là depuis vingt ans, se posent les mêmes questions que moi et sont adeptes du télétravail. Ce n'est peut-être pas une question de génération, mais d'époque... Après, une étude récente de l'Adp Research Institute dit que 71% des jeunes pourraient quitter leur travail si leur employeur leur demandait de revenir à 100% de présentiel.

Vous disiez encourager tout le monde à signer cette pétition. Quelles ont été les réactions de vos proches non frontaliers à l'égard de celle-ci?

«J'ai pu constater qu'il existe aussi bien des personnes favorables à l'instauration de plus de télétravail pour les frontaliers pour les raisons que j'ai évoquées (bouchons, pollution) mais également parce qu'ils souhaitent parfois devenir frontaliers eux-mêmes à l'avenir. Certains n'ont d'ailleurs pas hésité à partager massivement ma pétition.

D'autres à l'inverse sont réticents, parce qu'ils considèrent qu'il est normal que les frontaliers rencontrent des difficultés supplémentaires car ils touchent un salaire plus conséquent. Cependant, je considère que des difficultés de transport n'apportent de bénéfices à personne, ce sont plutôt les difficultés intrinsèques au pays qu'il faut en effet accepter pour travailler au Luxembourg (langue différente, nombre d'heures de travail plus élevé, possibilité d'être licencié plus facilement, etc.) et j'accepte volontiers ces dernières.

Avez-vous l'impression que le frontalier est prêt à faire davantage de sacrifices dans la mesure où il trouve au Luxembourg des conditions salariales plus avantageuses qu'en France?

«Oui, le frontalier supporte beaucoup de choses... Mais ce n'est pas parce que l'on gagne mieux au Luxembourg que l'on doit forcément souffrir (rires). Autre chose: éviter de perdre 3 à 4h dans les transports, ça permet de travailler plus longtemps, mais aussi d'être plus efficace. Cela permet aussi de dormir plus longtemps et d'avoir des loisirs.

Que pensez-vous de la dissonance sur la question fiscale?

La question fiscale ne se pose pas car, avec deux jours de télétravail, on passe plus de temps au Luxembourg alors continuons de payer nos impôts dans le pays qui nous emploie. Au final, en tant que frontalier, on apporte nos recettes fiscales à la France puisqu'on paie toutes les autres taxes. L'économie de la région (Ndlr: Grand Est) ne tournerait pas de la même manière s'il y avait moins de frontaliers...

Lire aussi :«Ce serait bien d'avoir au moins 20.000 signatures»

Aujourd'hui, votre pétition a obtenu un peu plus de 600 signatures sur les 100.000 nécessaires. Vous y croyez?

«Je reste conscient que même si nous sommes plus de 100.000 frontaliers à travailler au Grand-Duché, ce sera très compliqué d'obtenir les 100.000 signatures. À ce propos, je tiens à dire que l'Assemblée nationale devrait s'inspirer du Luxembourg pour ce qui est des modalités demandées pour signer une pétition. Au Luxembourg, il suffit de donner son nom, prénom et déclarer avoir un numéro de matricule; en France, il faut se rendre sur France Connect et tout le monde n'a pas ses identifiants sous la main... C'est un frein. Mais le plus important est de faire pression.»

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