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Élections communales

Henoké Courte: «À Walferdange, tout ce qu'il faut pour une histoire d'amour»

Membre du Conseil communal depuis 2005, la native d'Éthiopie sera, le 11 juin prochain, la tête de liste du LSAP.

Ne vous fiez pas aux apparences, Henoké Courte n'est pas du genre à rester les bras croisés.

Ne vous fiez pas aux apparences, Henoké Courte n'est pas du genre à rester les bras croisés. © PHOTO: Laurent Blum

Journaliste

«Quand il pleut à Paris, souvent, le lendemain ça tombe sur Luxembourg...» Vingt-et-un an après la tempête survenue en France le 21 avril 2002 et l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, aucun nuage brun - pour l'instant - n'obscurcit le ciel du Grand-Duché. Si sa prédiction - ou plutôt crainte - ne s'est pas confirmée, Henoké Courte*-Wolde-Medhin, candidate LSAP à Walferdange, sera lors des élections communales du 11 juin l'une des rares têtes de liste de «couleur».

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Sa couleur, elle aimerait remonter le fil du temps pour en connaître l'origine. Le test ADN réalisé par la native d'Addis-Abeba révèle une richesse génétique s'étendant «de l'ancienne Mésopotamie à l'Italie en passant par le Yémen et l'Afghanistan». Son parcours, lui, est un brin plus rectiligne.

Nigéria, Montélimar et Quartier latin

En 1974, la junte militaire renverse Hailé Sélassié. Mengitsu Haile Mariam, l'un de ses officiers, prend le pouvoir. Fille d'un père fonctionnaire impérial et benjamine d'une fratrie de six enfants, Henoké quitte peu de temps après le pays. Direction le Nigeria puis la France. D'abord Montélimar, où son frère Deredje «obtient une deuxième bourse pour subvenir à nos besoins», puis Paris et l'Université de la Sorbonne.

Dans le Quartier latin, elle découvre une communauté éthiopienne où se retrouvent les enfants d'une bourgeoisie rêvant d'un retour aux sources. Ce dessein, elle se refusa de l'embrasser. «Je ne voulais pas vivre dans le passé...» Son avenir, elle l'écrira au Luxembourg avec le futur ambassadeur Marc Courte, rencontré sur les bancs de la célèbre université.

Dans un pays où l'on fonctionne par coalition, la couleur politique est-elle si importante à hauteur d'un village ?
Henoké Courte
Tête de liste LSAP à Walferdange

Enseignante d'histoire-géographie à l'École européenne, Henoké Courte se lance donc en politique lors des communales de 2005. Avec 444 voix, elle se classe cinquième sur une liste LSAP dominée par Alain Weins. En 2019, suite au départ de ce dernier pour le DP, elle devient l'unique représentante du parti au Conseil communal.

Cette présence lui confère la légitimité pour se retrouver donc chef de file du LSAP aux prochaines communales. Tête de liste, elle cède la présidence à Frédérique Feidt-Mourier. «Je ne voulais pas cumuler les deux fonctions et Frédérique a de vraies qualités de rassembleuse», souligne la candidate désireuse d'instaurer désormais un fonctionnement «plus participatif» au sein d'une équipe «cosmopolite venant de différents milieux professionnels ambitieux, active dans les milieux associatifs au national comme au communal». Une sorte de vivre-ensemble par l'action.

Présidente d'honneur du... Walfer 1908

Pour Henoké Courte, la présence d'une liste LSAP est une petite victoire. «Après le départ d'un homme (Ndlr: Alain Weins) doté d'une telle force de travail, certains pensaient sans doute qu'on ne serait pas là... Mais ça marche très bien et on est assez aimé sur Walferdange.» Une commune qui, dans son histoire, n'a jamais eu de bourgmestre LSAP. «Dans un pays où l'on fonctionne par coalition, la couleur politique est-elle si importante à hauteur d'un village ?» , s'interroge celle dont le parti avait, en 2017, pris la troisième place (19,85%) - et donc deux mandats au Conseil communal - derrière le DP (26,69%) et le CSV (34,56%).

Dix-huit ans après sa première candidature, Henoké Courte repart pour une quatrième élection. Les deux dernières lui ont permis de gagner en popularité (923 voix en 2011, 843 en 2017). Pour cette élue, membre de plusieurs associations parmi lesquelles le club de football Walfer 1908 dont elle est présidente d'honneur («J'y vois comme un clin d'œil car, dans ma famille, tous les hommes jouaient au foot.»), cela signifie beaucoup.

«Cela montre à ceux qui peuvent encore en douter qu'on peut travailler avec une ''Africaine''», explique celle qui aimerait trouver le temps de se consacrer à une thèse débutée et dont le sujet, plus que d'actualité, porte sur la... mendicité. À un article paru récemment sur la décision du Ministère de l'Intérieur de retoquer l'arrêt anti-mendicité de la ville de Luxembourg, elle n'a pas résisté au plaisir de citer un proverbe éthiopien («Quand on a peur de l'âne, on tape sur le sac qu'il porte») avant d'ajouter: «Au sommet de chaque organisation, il y a des chefs, c'est à eux qu'il faut s'attaquer. Les autres, faibles et victimes de tous bords sont à épauler.»

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À 62 ans, Henoké ne cache pas son plaisir d'avoir trouvé, à Walferdange, d'autres racines. Celles de ses enfants. «C'était important pour moi de ne pas être toute ma vie en terre étrangère. Je connais mieux que mon mari sa terre, son village jusqu’à la moindre petite histoire du passé comme du présent, dit-elle avec enthousiasme. Cela demande du courage et de la persévérance. Bref, tout ce qu'il faut pour une histoire d’amour.»

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