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Etude de l'OCDE

Huit recommandations pour venir à bout de la pénurie de main-d'œuvre

Pendant deux ans, les acteurs du monde du travail luxembourgeois ont été sondés par des experts de l'OCDE dans le but d'établir une stratégie pour développer les compétences des travailleurs.

Parmi les recommandations adressées au Luxembourg par l'OCDE se trouve notamment l'élaboration d'une liste des professions touchées par une pénurie.

Parmi les recommandations adressées au Luxembourg par l'OCDE se trouve notamment l'élaboration d'une liste des professions touchées par une pénurie. © PHOTO: Marc Wilwert

Journaliste

Faible taux de chômage, forte croissance économique ou encore nombre total de travailleurs en augmentation, beaucoup de feux sont au vert pour le marché de l'emploi luxembourgeois. Pourtant, des défis persistent, à l'instar de la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur artisanal et de la guerre des talents, auxquels s'ajouteront des challenges de l'ordre systémique, comme le vieillissement de la population active.

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Ce contexte global a été passé au crible par six experts de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En collaboration avec une équipe interministérielle luxembourgeoise, ces spécialistes des compétences ont mené une étude visant à conseiller le Grand-Duché dans l'élaboration de ses futures politiques. Présenté ce jeudi 23 février, ce document renferme quatre axes thématiques, qui contiennent chacun deux recommandations.

Qu'entendent les experts de l'OCDE par compétences? Au-delà des acquis fondamentaux comme la littératie, la numératie et la culture numérique, les compétences ayant un poids dans la réussite économique et sociale d'un travailleur sont aussi cognitives, comme la pensée critique, sociales et émotionnelles, comme la collaboration et l'empathie, et professionnelles, c'est-à-dire liées au travail exercé.

Des formations peu encadrées

Le Luxembourg est loin de partir de zéro en la matière, faisant partie des pays les plus performants dans le domaine de la scolarisation, possédant une offre d'enseignement supérieur étoffée et affichant un taux de participation à la formation des adultes (16%) plus élevé que la moyenne de l'Union européenne (9%). Mais là où le pays fait bien, il est toujours possible de faire mieux, selon les spécialistes de l'OCDE.

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Ces derniers estiment, en effet, que le Grand-Duché gagnerait à recentrer ses possibilités de formations pour adultes aux besoins du marché de l'emploi. Un premier axe d'amélioration sur lequel l'organisation internationale propose au pays de travailler en mettant au point un système d'assurance qualité de la formation des adultes. À ce jour, il n'existe aucun processus d'accréditation rigoureux pour les programmes de formation pour adultes au Luxembourg. Une absence qui vaut également pour la procédure nationale de certification des enseignants de ces formations.

Nous devons créer un marché du travail avec des conditions de vie à la fois attractives pour les jeunes travailleurs locaux et les talents étrangers.
Georges Engel, ministre du Travail

Afin de mieux les former, il est nécessaire d'encourager les travailleurs dans le développement de leurs compétences. Pour ce faire, rien de mieux qu'une incitation financière. En effet, le coût de participation des individus dans la formation pour adultes figure parmi les trois obstacles les plus fréquemment cités qui empêchent les travailleurs de sauter le pas. L'OCDE recommande à cet égard de cibler particulièrement les plus petits employeurs via des aides spécifiques, les PME étant bien moins nombreuses à offrir des opportunités de formation.

De telles solutions paraissent envisageables pour les professions ne souffrant pas encore d'une pénurie de main-d'œuvre aggravée. Mais que faire lorsque les talents sont tout simplement absents du territoire? Pour attirer et retenir les travailleurs étrangers possédant des compétences clés, l'organisation internationale suggère d'élaborer une liste des professions touchées par une pénurie et de la mettre à jour régulièrement. Concrètement, cette recommandation vise à faciliter un recrutement conforme aux besoins du marché de l'emploi.

Attirer, mais surtout retenir

Une fois sur le territoire luxembourgeois, ces travailleurs qualifiés doivent faire l'objet d'une attention particulière, afin de favoriser leur intégration ainsi que celle de leur famille dans la société. Si des initiatives, à l'instar du congé linguistique, existent déjà, davantage de communication autour de ces offres, ainsi qu'un renforcement de la formation linguistique pourraient contribuer à la rétention des talents.

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Sur ce point, le Luxembourg ne doit pas lésiner sur les efforts. Dans son étude, l'OCDE souligne que l'attractivité du pays n'est plus à démontrer, la forte performance économique du pays ayant engendré une croissance rapide de l'emploi au cours de la dernière décennie. Mais les données de l'inspection générale de la Sécurité sociale montrent que seulement 44% des résidents du Luxembourg ayant une nationalité européenne et ayant commencé à travailler et vivre dans le pays en 2015 y résidaient toujours en 2020. Cette proportion tombe à 42% pour les ressortissants non européens, preuve que le Grand-Duché peut faire mieux pour retenir ses travailleurs.

Le quatrième axe de progression mis en évidence par l'OCDE concerne justement les données disponibles sur les compétences. Afin d'élaborer des politiques plus performantes sur le domaine, les spécialistes conseillent au Luxembourg d'améliorer l'exactitude des données de la Sécurité sociale professionnelle, et d'élaborer une charte nationale de données sur les compétences.

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Si ces huit recommandations retenues sont celles ayant bénéficié du soutien global des parties prenantes ayant participé aux tables rondes et réunions bilatérales, bien d'autres conseils ont été prodigués par l'organisation internationale. L'OCDE invite, par exemple, le Luxembourg à simplifier l'accès quotidien des travailleurs frontaliers au marché du travail luxembourgeois en améliorant leur mobilité et en ouvrant les possibilités de télétravail, ou encore d'offrir de meilleures possibilités d'échanges interculturels aux étudiants.

«Les conclusions présentées aujourd'hui serviront de base pour les politiques qui seront élaborées dans les années à venir. Nous devons créer un marché du travail avec des conditions de vie à la fois attractives pour les jeunes travailleurs locaux et les talents étrangers», a souligné Georges Engel (LSAP), ministre du Travail.

Un horizon démographique inquiétant

Les années à venir apporteront leur lot de défis, à commencer par les changements entraînés par les tendances comme la transformation numérique et le changement climatique, qui feront drastiquement évoluer les compétences nécessaires pour réussir professionnellement. À une échelle plus locale, c'est l'évolution démographique qui se révèlera particulièrement problématique.

En effet, les projections prévoient une augmentation de près de 40% de la population de la Grande Région âgée de 65 ans et plus d'ici 2050, soit plus de 900.000 personnes supplémentaires. À cet horizon, un quart de la population du territoire sera âgée d'au moins 65 ans, soit environ 3,2 millions de personnes. Un contexte qui ne sera pas sans conséquence sur le marché de l'emploi luxembourgeois, alors que les projections prévoient parallèlement une augmentation constante du nombre de travailleurs frontaliers.

L'OCDE prévoit par ailleurs une demande pour des travailleurs techniques et hautement qualifiés qui augmentera plus rapidement au Luxembourg que dans les autres pays. Les individus devront donc davantage enrichir leurs compétences pour faire face à l'évolution des exigences et réussir «à la fois au travail et dans la vie».

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