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Il est désormais plus simple de changer de sexe à l'état civil

Une large majorité de députés a voté, ce 25 juillet, la proposition de loi relative à la modification de la mention du sexe et des prénoms à l'état civil. Il sera désormais possible de changer d’état civil sans justification médicale; une mesure demandée de longue date par les associations LGBT, qui se réjouissent de son vote.

Au Luxembourg, plus besoin de présenter une justification médicale ou psychiatrique pour demander un changement de sexe ou de prénom(s) à l'état civil.

Au Luxembourg, plus besoin de présenter une justification médicale ou psychiatrique pour demander un changement de sexe ou de prénom(s) à l'état civil. © PHOTO: Laurent Ludwig

(JV) - «Toute personne luxembourgeoise majeure capable qui a la conviction intime et constante de ne pas appartenir au sexe indiqué dans l’acte de naissance peut demander à modifier la mention du sexe et d’un ou de plusieurs prénoms, en adressant une demande motivée au ministre de la justice». Ainsi commence le texte du projet de loi 7146, déposé le 31 mai 2017, en son article premier.

La proposition a été votée entre les murs de la Chambre, le 25 juillet 2018, à 57 voix contre 3: la quasi-totalité des députés, incluant ceux du CSV, du DP, LSAP, déi Gréng et déi Lénk, contre les trois membres de l'ADR qui siègent au Parlement.

Faciliter la modification du sexe ou des prénoms à l'état civil

Cette proposition vise à faciliter les changements d'état civil, en remplaçant l'actuelle procédure judiciaire par une procédure purement administrative.

Surtout, elle dispense désormais les personnes désirant changer d'état civil de devoir se justifier par présentation d'un certificat attestant d'une intervention médicale préalable, par opération ou traitement hormonal, ou encore d'une attestation psychiatrique.

La procédure se fera par demande écrite et présentation de plusieurs pièces: carte d'identité, acte de naissance, casier judiciaire...

Les seuls critères, non cumulatifs, pour prétendre à une modification d'état civil seront désormais moins contraignants et se limiteront à quelques points, visant à déterminer que le sexe d'état civil de la personne déposant la demande ne correspond pas avec le genre auquel il s'identifie. Il faudra ainsi:

  • s'être publiquement présenté comme appartenant au sexe revendiqué, ou

  • être connu sous le sexe revendiqué dans son entourage familial, amical, professionnel ou associatif, ou

  • avoir obtenu le changement de son prénom pour qu'il corresponde au sexe revendiqué.

La procédure est également ouverte aux résidents étrangers, à condition qu'ils aient «eu une résidence habituelle et un séjour régulier au Grand-Duché de Luxembourg pendant au moins douze mois consécutifs et précédant la demande»

Quant aux personnes mineures, la procédure leur est également accessible avec accord préalable de leurs parents. En l'absence de cet accord, la demande peut être adressée au tribunal d'arrondissement.

De quoi réjouir les associations LGBT

«Enfin !» a clamé l'asbl Intersex & Transgender Luxembourg (ITGL), qui s'est largement réjouie du vote de cette loi dans un communiqué, félicitant une «loi progressiste [qui] apportera un grand soulagement aux personnes concernées, d'autant plus que la grande majorité obtenue est un fort signe de reconnaissance et de soutien par la Chambre».

L'abandon des procédures judiciaires au profit de processus administratifs, ainsi que l'abandon de la nécessité d'apporter la preuve d'interventions médicales préalables ou d'attestations psychiatriques, qui était «vécue par une partie des personnes comme humiliante», est également salué car permettant «d'assurer un meilleur respect de l'intégrité physique et psychique des personnes».

L'ITGL a également remercié certains députés qui, depuis les premiers balbutiements du projet de loi, se sont montrés particulièrement impliqués par leurs interventions; notamment Sylvie Andrich-Duval, Marc Angel, Eugène Berger et David Wagner; mais également le ministre de la Justice, Félix Braz.

Sans oublier Sam Tanson, rapportrice du projet de loi qu'elle a hérité de Claude Adam, député Déi Gréng dont elle a repris les fonctions le 17 avril 2018.

Sam Tanson, rapportrice du projet de loi 7146, députée déi Gréng et échevine de la capitale depuis 2011.

Sam Tanson, rapportrice du projet de loi 7146, députée déi Gréng et échevine de la capitale depuis 2011. © PHOTO: Alain Piron

Comme le rappelle un rapport de la Commission juridique, rapporté par Sam Tanson et datant du 19 juillet dernier, une personne transgenre se définit comme une «personne dont l’identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été attribué à la naissance. Il s’agit d’une définition plus large qui englobe les transsexuels déjà ou pas encore opérés, mais aussi des personnes qui choisissent de ne pas subir d’opération d’assignation sexuelle ou qui n’ont pas accès à la chirurgie et/ou à un traitement hormonal. La définition englobe également les travestis et les autres personnes qui n’entrent pas strictement dans les catégories homme ou femme».

Les personnes transgenres diffèrent donc des personnes intersexes «par le fait que leur statut n’est pas lié au genre, mais est plutôt associé à leur conformation biologique (caractéristiques génétiques, hormonales et physiques) qui n’est ni exclusivement masculin ni exclusivement féminin, mais est typique des deux à la fois ou non clairement définie comme l’un ou l’autre».

Un projet réfléchi de longue date

La proposition de loi numéro 7146 n'est pas la première à aborder le sujet du changement d'état civil. Le 12 octobre 2016, le projet de loi «pour une justice du 21ème siècle», qui prévoit entre autres de simplifier les procédures de changement d'état civil pour les transsexuels, est adopté par l'Assemblée nationale française.

De l'autre côté de la frontière luxembourgeoise, Sylvie Andrich-Duval et Françoise Hetto-Gaasch, députées CSV, réagissent en interpellant le ministre de la Justice, Félix Braz, à propos des mesures envisagées à ce sujet au Grand-Duché. Ce dernier assure alors travailler sur une facilitation de la procédure et la fin de la nécessité d'un traitement médical, ce qui est aujourd'hui chose faite.

Le 23 février 2016, les deux députées déposent la proposition de loi 6955, «relative à la transsexualité». Cette dernière n'aboutira pas, mais inspirera celle qui fut votée ce 25 juillet, qui poursuit en substance les mêmes objectifs.

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