«Il faut réfléchir à des logements modulables»
Si les ouvriers ont pu retrouver leurs chantiers depuis le 20 avril dernier, des centaines de milliers de personnes restent contraintes de travailler à domicile. Un nouveau défi qui pousse les architectes à repenser l'habitat.
L'OAI a ouvert un groupe de réflexion en ligne pour repenser l’après-confinement, indique son directeur Jos Dell.. © PHOTO: OAI
A quoi ressemblera le logement de demain? Depuis quelques semaines, le covid-19 a provoqué une crise inédite poussant les entreprises, comme les ménages, à se réorganiser. Des changements qui pourraient aboutir à des adaptations de nos modes de vie. A commencer par les lieux de vie, comme les appartements et maisons. Une réflexion sur laquelle se penche déjà Jos Dell, directeur de l'Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) .
Face aux nouvelles habitudes de travail, en quoi l'architecture des logements pourrait-elle être différente?
Jos Dell : «Au Luxembourg, le tertiaire est assez développé, ce qui fait que le télétravail fonctionne plutôt bien. Le confinement a cependant montré qu’il est nécessaire d’avoir des solutions de repli pour pouvoir s'isoler et travailler.
Concrètement, comment serait-il possible d'adapter les futurs logements?
«L’important n’est pas de multiplier les petites surfaces qui n’apporteraient rien mais de les agencer différemment. Il faut réfléchir à des espaces modulables, flexibles. Aujourd’hui, les fournisseurs de meubles proposent d'ailleurs du mobilier intégré. Un bureau peut ainsi se ranger et se déployer depuis un placard, par exemple.
Mais il faudrait aussi se pencher sur la question de l'acoustique pour offrir un plus grand confort de travail. Car l'on ne peut pas travailler en permanence branché à des écouteurs ou en entendant des conversations de l'autre côté du mur.
L'expérience vécue pendant le confinement pourrait-elle aussi modifier les critères d'achats et exigences des futurs acheteurs?
«Il y aura peut-être un attrait croissant des résidents pour la campagne. S'éloigner de la ville permet d’accéder à des logements plus grands, avec un jardin. Dans les communes, de tels critères seront en revanche rapidement freinés par la question du prix, car le tarif du mètre carré reste très élevé. Cela n'empêche qu'en ville, les gens ont aussi besoin de s'aérer. Créer des balcons ou loggias énormes ne serait pas faisable. Nous réfléchissons donc aujourd'hui à proposer, par exemple, des espaces communs entre voisins, mais d'une taille restreinte pour éviter la propagation d'un virus. Dans cette optique, l'OAI a ouvert un think tank pour repenser l’après-confinement.
Selon vous, le Luxembourg constitue-t-il le bon endroit pour mener pareille réflexion?
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«Le Grand-Duché est souvent vu comme un laboratoire. Nous avons une bonne économie, mais aussi beaucoup d’acteurs compétents. Le secteur tertiaire est quant à lui bien développé, ce qui facilite le télétravail. C'est une chance à saisir. Il faut profiter de la crise pour avancer dans la digitalisation du travail.
Qu'entendez-vous par la digitalisation du travail?
«Le digital prend une dimension de plus en plus importante dans nos actes, rien qu'à voir au niveau bancaire, tout ce qu'il est possible de faire sur une tablette ou un téléphone. Aujourd'hui, le secteur de la construction se trouve entre l'artisanat et l'industrie. Il faut donc trouver des passerelles entre la conception et l'industrie. Cela fait une vingtaine d'années que nous utilisons les programmes 3D pour montrer des images aux clients, mais la crise est l'occasion de développer encore plus cette digitalisation dans nos manières de travailler.»