Innover pour se nourrir tout en réduisant les émissions de CO2
En déplacement au Luxembourg, la Commissaire européenne à la cohésion et aux réformes, Elisa Ferreira, a visité une serre innovante située sur un toit, à quelques centaines de mètres de la gare de Bettembourg.
La Commissaire européenne Elisa Ferreira (à droite) a visité le projet GROOF en compagnie d'Anne Calteux et des ministres Claude Turmes et Corinne Cahen. © PHOTO: Guy Jallay
Une centaine de plants de salades, tout autant de plants de tomates. Jusqu'ici rien ne différencie la serre FRESH d'une autre. Pourtant, l'infrastructure est justement loin d'être comme les autres. Située sur le toit de l'Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB), à Bettembourg, FRESH est un projet pilote faisant partie de l'initiative GROOF.
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Derrière cet acronyme un peu mystérieux se cache une volonté très concrète: réduire les émissions de CO2 en installant des serres sur les toits des bâtiments. En clair, associer le secteur du bâtiment à celui de l'agriculture pour combattre le réchauffement climatique. Au total, quatre infrastructures situées en France, en Allemagne, en Belgique, et, donc, au Luxembourg, ont permis de mettre ce concept à l'épreuve du réel.
«Cette serre comporte deux aspects: la nourriture cultivée sur place est directement consommée sur le site, au sein du restaurant des stagiaires, tandis que l'air chaud produit pour chauffer le bâtiment sert à chauffer la serre», résume Marcel Deravet, chef de projet pour le Conseil pour le développement économique du secteur de la construction (CDEC). Ce lundi 13 mars, la Commissaire européenne à la cohésion et aux réformes, Elisa Ferreira, a profité d'un déplacement au Luxembourg pour visiter ce projet financé par l'Union européenne.
Un calendrier de production
S'étendant sur 380 mètres carrés, FRESH permet d'éviter l'émission de 45 tonnes de CO2 par an, équivalentes à 5% de l'empreinte carbone totale du bâtiment. Mais l'économie ne se réalise pas seulement du point de vue du chauffage, elle est également présente dans la culture même des légumes. «Nous utilisons l'aquaponie, un système qui réunit la culture de plantes et l'élevage de poissons, et qui permet ainsi d'utiliser 250 fois moins d'eau par rapport à la culture en pleine terre», détaille Romain Guillaud, chef de projet pour le CDEC.
Tomates, poivrons, ou encore pastèques, mais aussi persil et coriandre, les légumes et herbes aromatiques sont ainsi cultivés sur des billes d'argile, et irrigués en circuit fermé, selon un calendrier de production bien précis. Avant de mettre sur pied un tel projet porté par onze partenaires en Europe, il a fallu réfléchir à trois aspects: une serre sur un toit est-elle pertinente, réalisable et rentable?
Financé à hauteur de 60% par le programme Interreg Nord-Ouest, le budget total du projet GROOF s'élève à 5,9 millions d'euros. L'installation de la serre FRESH, elle, pèse pour 870.000 euros de cette somme. «Un tel projet souligne l'importance du partenariat entre le public et le privé, car nous n'aurions jamais pu le faire seuls», souligne Bruno Renders, directeur du CDEC et de l'IFSB.
Répliquer le modèle
Au-delà de la démonstration de faisabilité du projet, la mise sur pied de ces quatre serres poursuivait un second objectif: celui de développer davantage d'infrastructures similaires. «Notre expérience a permis de mettre à disposition une boîte à outils renfermant les bonnes pratiques pour répliquer un tel projet. Depuis septembre 2019, le projet GROOF a déjà permis d'accompagner 20 porteurs de projet en Europe, et de les accompagner dans la mise en œuvre de leur serre», détaille Romain Guillaud.
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Doit-on s'attendre à voir fleurir ces infrastructures par dizaines au-dessus des bâtiments luxembourgeois? Avant d'atteindre ce stade, il faudra encore patienter, indique Claude Turmes (déi Gréng), ministre de l'Énergie. «95% des légumes que nous consommons au Luxembourg sont importés, donc nous avons intérêt à réfléchir sur le sujet des serres urbaines. La beauté de cette initiative réside en sa capacité à détailler tous les ingrédients nécessaires à la viabilité économique du projet. Il s'agit clairement d'un modèle à répliquer», estime le membre du gouvernement.
Singapour produit 10% de ses salades sur ses toits, pourquoi on ne pourrait pas faire pareil au Luxembourg?
Voir de tels projets se multiplier, c'est également le souhait d'Elisa Ferreira. La Commissaire européenne à la cohésion et aux réformes insiste sur la capacité des fonds européens à booster l'innovation. «Dans certaines régions, les financements servent à des projets très basiques tels que l'assainissement ou la construction de routes. Ce que l'on attend d'un pays aussi riche que le Luxembourg, c'est justement de stimuler l'innovation, ce qui peut ensuite avoir un effet reproductif.»
Un point de vue partagé par Claude Turmes, qui souligne l'importance de la coopération entre les différents pays européens pour «trouver des solutions que l'on n'aurait pas trouvées tout seul». Le ministre de l'Energie et de l'Aménagement du territoire note par ailleurs qu'il existe au Grand-Duché une véritable demande des consommateurs de se rapprocher des producteurs, comme en témoigne le projet de maraîcher dans le futur lotissement du Kirchberg.
Depuis le lancement du projet FRESH, les marques d'intérêt ont émané de différents acteurs luxembourgeois, aux dires de Bruno Renders, mais un travail de sensibilisation doit encore être effectué afin que le projet trouve réellement écho. «Singapour produit 10% de ses salades sur ses toits, pourquoi on ne pourrait pas faire pareil au Luxembourg? On va faire mieux avec moins», ambitionne le directeur du CDEC et de l'IFSB.