«Je ne suis pas là pour dire aux gens ce qu'ils veulent entendre»
La voyance est un domaine bien mystérieux qui fascine autant qu'il rebute. Certains parlent de charlatanisme, d'autres y voient une réelle aptitude à prédire des faits. Nous avons rencontré Blanche, voyante qui exerce au Luxembourg. Comment ce métier a-t-il évolué? Est-il toujours tabou, même en 2016? Comment vit-elle son don au quotidien? Rencontre.
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Par Sophie Wiessler
La voyance est un domaine bien mystérieux qui fascine autant qu'il rebute. Certains parlent de charlatanisme, d'autres y voient une réelle aptitude à prédire des faits.
A Luxembourg, les consultations de voyance par téléphone se pratiquent à foison. Il suffit de taper les mots-clés "Voyance Luxembourg" sur Google pour tomber sur tout un tas de recherches qui vous donnent des numéros de médium à contacter.
Pourtant, il y a encore quelques années, cette pratique se faisait davantage de vive voix, comme dans les foires. Une voyante était d'ailleurs toujours présente à la traditionnelle Schueberfouer: une époque révolue, puisqu' elle a laissé sa place aux trains fantômes.
Ce sont dans des cabinets, à l'image de celui de Blanche, voyante que nous avons rencontrée, que des personnes viennent désormais consulter les cartes, à l'abri des regards. Car même en 2016, la voyance reste un sujet tabou.
Pas question de s'exhiber à la Schueberfouer
C'est à Ehlange-sur-Mess que nous rencontrons Blanche, voyante depuis maintenant 28 ans. Elle ne souhaite pas communiquer son vrai nom, parler de sa seconde profession ou être prise en photo. Elle exerce dans un petit cabinet qui passe totalement inaperçu si on ne sait pas qu'elle travaille à cet endroit.
«C'est la discrétion avant tout. Mes clients ne se vantent pas d'aller chez la voyante comme ils iraient chez le fleuriste! Je leur assure cette discrétion-là», explique-t-elle.
Pour elle, pas question de s'exhiber à la Schueberfouer comme ont pu le faire d'autres voyantes, il y a quelques années. «Je sais que les personnes qui viennent me voir le font en totale discrétion. A la foire, c'est impossible, tout le monde nous voit. Donc je ne pense pas que je prendrais cette place, même si on me le proposait».
Pour Blanche, rien d'étonnant au fait que les voyantes aient disparu de ce genre de foire: les places sont devenues «trop chères». «Les prix sont chers à Luxembourg, ce n'est pas pour rien qu'on voit autant de médiums par téléphone. Il existe encore des foires "spéciale voyance" dans des grandes villes comme Paris ou Bruxelles, mais la pratique de la voyance dans les foires ne se fait plus et je le comprends bien.»
Sa passion? Aider les gens
Blanche a hérité de ce don de voyance de par sa grand-mère, et son arrière grand-mère avant elle. Toutes deux lisaient les cartes et recevaient leurs clients dans des cabinets. Une pratique que la petite fille de l'époque observait avec admiration.
«Je me suis acheté un premier jeu de cartes lorsque j'avais 14 ans. Aujourd'hui, j'en ai cinq. J'ai des sortes de flash lorsque je vois les gens tirer les cartes: elles me parlent. Ça me vient comme ça, c'est très fluide», explique-t-elle dans un sourire.
A l'époque pourtant, la jeune adolescente ne se prédestine pas à faire ce métier de voyante. Elle continue donc son parcours, jusqu'au jour où elle rencontre un autre médium, qui va bouleverser sa vie. «Il m'a dit: vous avez un don, mais vous avez peur de l'accepter, c'est dommage. Et c'est là que j'ai eu un déclic et que j'ai pris les choses en main».
Blanche a des sortes de flash lorsque les personnes tirent les cartes devant elle. © PHOTO: Sophie Wiessler
Elle devient ainsi cartomancienne et se fait surnommer Blanche. Mais d'ailleurs, pourquoi ce nom? Tout simplement en référence à la pureté de cette couleur, très importante en magie. «Je pratique la magie blanche, c'est-à-dire qui fait du bien aux gens. Ce ne sont que des bonnes choses. Je ne travaille pas avec les esprits ou les personnes décédées par exemple, j'ai trop peur de ça. Il y a le noir et le rouge, qui représentent le mal et le blanc lui, est assimilé au bien», détaille-t-elle.
Ajoutez à cela le symbole de la chouette blanche, synonyme de porte-bonheur et le tour est joué.
Pour la quarantenaire, aider les gens est donc sa priorité numéro un. «Ça a toujours été ma passion. Lorsqu'on vient me voir, je suis contente qu'on se dise "je me sens mieux" une fois sorti de mon cabinet.»
Ce côté un peu psychologue, c'est ce qui plaît à Blanche. C'est pourquoi elle n'annonce jamais de catastrophes aux personnes qui la consultent. «Il faut faire très attention à ce qu'on dit aux gens, parce que mine de rien, cela a un impact énorme sur eux. Je garde donc le meilleur pour pouvoir les aider et essaie toujours d'être gentille et de voir le côté positif des choses».
Mais une chose est très importante pour cette médium: il ne faut surtout pas faire sa vie en fonction des prédictions de ses cartes. «Je leur dis simplement ce que je vois. Si je leur annonce que la personne avec qui ils sont n'est pas l'amour de leur vie, cela ne veut pas dire qu'ils doivent rentrer chez eux et le/la plaquer»
Blanche estime simplement voir les choses d'une «autre façon». «Je veux simplement être la plus honnête possible. Je ne suis pas là pour dire ce que les gens veulent entendre. J'en ai parfois qui veulent absolument que je dise telle ou telle chose: c'est impossible, ça ne fonctionne pas comme ça».
«C'est un métier comme un autre»
Même si cette pratique reste taboue, pour Blanche, elle commence tout doucement à entrer dans les mœurs. «J'estime que c'est un métier comme un autre», souligne-t-elle. Pour elle, les cartes ne sont qu'un support, qui lui permet de travailler.
A l'image d'un médecin, elle écoute ses clients et tente de répondre à leurs interrogations. «J'applique aussi le secret professionnel. Je ne dévoile jamais à quiconque ce qui a été dit pendant une séance», explique-t-elle.
De toute manière, elle s'impose une distance à la fin de chaque séance. Pas question pour elle de mêler son don de voyance avec sa vie quotidienne. Lorsqu'un client s'en va, Blanche se force à oublier sa séance, pour se déconnecter totalement. «Je ne veux pas y penser, sinon je vais tout prendre sur moi et ce n'est pas bon. Donc je fais le vide. C'est important d'avoir cette distance, ne serait-ce que vis-à-vis de sa vie privée», souligne-t-elle.
Au sein de sa famille, Blanche est la seule à avoir hérité de ce don. Sa mère n'est pas voyante et ses frères et sœurs non plus. Mais tous, y compris son mari et son fils, acceptent très bien cette situation.