Jeremy Rifkin présente son étude stratégique: le Luxembourg pionnier de la 3e révolution industrielle
«Transformer le Luxembourg en premier Etat-nation de l'ère de la Troisième révolution industrielle intelligente et verte». C'est l'objectif de l'ambitieuse étude stratégique présentée ce lundi par Jeremy Rifkin, le théoricien américain de l'économie, à Luxexpo.
Etienne Schneider, ministre de l'Economie (à gauche), et Jeremy Rifkin, théoricien de l'économie et activiste de l'économie durable, sont arrivés ensemble, mardi matin, à Luxexpo à Luxembourg-Kirchberg. © PHOTO: Gerry Huberty
Il est d'avis qu'«il faut agir vite». Etienne Schneider, ministre de l'Economie, a présenté les premières mesures concrètes du gouvernement pour mettre en musique cet avenir numérique.
Jeremy Rifkin: «Ma génération pensait que le pouvoir était une pyramide. Pour les jeunes aujourd'hui, c'est horizontal. On partage. On partage ses talents». © PHOTO: Gerry Huberty
Pile 300 acteurs de la société civile, du monde de l'entreprise, des universitaires et du gouvernement Bettel ont participé durant dix mois à l'élaboration de cette étude stratégique (leurs noms étaient affichés sur une banderole géante à l'entrée de Luxexpo) qui s'inspire des thèses de Jeremy Rifkin et de son équipe d'experts pour tendre dans un proche avenir vers une économie encore bien plus connectée et surtout plus durable.
Devant 800 personnes venues participer au «Luxembourg Sustainability Forum 2016», le gourou Rifkin explique que «d'ici vingt, trente ans, nous aurons une interconnectivité numérique partout. Ce sera une extension du cerveau humain» et que «nous allons pouvoir envisager une technologie mobile pour tout le monde.» Il explique comment «certains coûts marginaux vont devenir tellement faibles que naîtra l'économie du partage encore à son balbutiement» actuellement.
«Vous intégrer beaucoup plus vite»
«Si tout était repartagé, on aurait une économie circulaire: c'est un élément crucial pour le projet du Luxembourg. Rien ne se crée, rien ne se perd, c'est ça la Troisième révolution», lance Jeremy Rifkin, en soulignant qu'au final, «le gagnant est la planète». Il estime clairement que les énergies solaires et éoliennes, qui ne coûtent rien, seront beaucoup plus utilisées à l'avenir. Dans le nouveau système, les foyers seront davantage impliqués dans la production énergétique. L'énergie ne sera plus produite en un site centralisé mais de façon localisée. Les cellules photovoltaïques devront être bien plus présentes sur les toits de nos maisons.
800 personnes ont assisté ce lundi à la présentation de l'étude stratégique. © PHOTO: Gerry Huberty
La révolution du partage du savoir, des objets et des ressources qu'il dessine est déjà en marche, explique Rifkin. «Ma génération pensait qu'il fallait être indépendant pour être libre. Pour les jeunes générations, c'est la mort d'être un agent indépendant... enlevez-leur le téléphone et ils meurent. Nous pensions que le pouvoir était une pyramide. Pour eux, c'est horizontal. On partage. On partage ses talents». Rifkin note que les jeunes sont à la fois plus sensibles à la biosphère, à la rareté des matières, et se demandent «pourquoi on a deux voitures? Pourquoi on ne les partage pas?»
Sa révolution, Rifkin, la bâtit sur trois piliers: des nouvelles technologies de communication plus efficaces -il mise beaucoup sur la connectivité des objets- des nouvelles sources d'énergie pour alimenter cette économie et enfin, de nouveaux modes de mobilité. Comme le partage de la voiture: «On est en train de passer de la propriété au réseau», sait-il.
«Une société qui sait bouger quand il le faut»
«Vous avez la possibilité de vous intégrer beaucoup plus vite au Luxembourg», estime Jeremy Rifkin. En soulignant que Luxembourg dispose du terreau et de la capacité à mettre en musique cette société numérique plus partageuse. L'histoire des deux premières révolutions industrielles le montre, «le Luxembourg, c'est une société qui sait bouger quand il le faut». Et le pays a pris de l'avance. Le Luxembourg sera le premier pays à recevoir des fonds de la Banque européenne d'investissement pour ses efforts en matière de développement durable, souligne-t-il.
Etienne Schneider: Au Luxembourg, «nous serons un exemple pour montrer comment préparer l'avenir». © PHOTO: Gerry Huberty
«Le monde entier va avoir les yeux braqués sur le Luxembourg. Montrez que vous arrivez à étendre ce réseau! Mettez-le en musique! Et n'oubliez pas la valeur des citoyens», a lancé aux 800 convives le gourou de la Troisième révolution industrielle. Jeremy Rifkin sait bien qu'«il y aura des problèmes. Mais au moins vous avez le courage de l'entreprenariat social pour le faire.»
«Il faut une croissance plus responsable avec une augmentation de la qualité de vie. Il ne s'agit pas d'avoir peur d'un pays d'1,1 million d'habitants à l'horizon 2060 mais de s'engager dans cette aventure tous ensemble», reprend Etienne Schneider.
Le ministre de l'Economie a annoncé qu'à la suite de cette présentation magistrale aura lieu une large consultation d'institutions luxembourgeoises (Conseil économique et social, Conseil supérieur pour un développement durable) et de certaines organisations et plateformes représentant la jeunesse. L'étude de Rifkin donnera également lieu à un débat de consultation organisé à la Chambre des députés.
Projet et travaux qui vont être lancés
«Nous serons un exemple pour montrer comment préparer l'avenir. Nous allons peut-être devenir un exemple pour l'Europe et peut-être pour le monde entier», a lancé à la tribune Etienne Schneider pour qui «les infrastructures sont déjà bien développées grâce à la politique de diversification du Luxembourg des douze dernières années.»
Pour que l'appel de Rifkin ne reste pas lettre morte, Etienne Schneider a d'ores et déjà annoncé le lancement de travaux et de projets discutés vendredi en Conseil de gouvernement. Le Luxembourg «va avoir un Internet national de l'énergie à court terme. Plus de consommateurs vont produire eux-mêmes tout ou partie de leur énergie».
L'électromobilité sera promu et un programme pour des véhicules personnels sans émissions doit voir le jour. Progressivement sera mise en place la mobilité comme service («Mobility as a service») avec une approche plus multimodale.
Etienne Schneider a aussi parlé d'un projet phare à Luxembourg-Ville avec la création d'un quartier qui repose sur les progrès de l'économie circulaire. Doit également être mise en place, une feuille de route pour une production alimentaire durable basée sur la transparence et la confiance.
«La numérisation dépend aussi de la recherche et développement», rappelle Etienne Schneider avant d'annoncer la création de plateformes technologiques co-implantées pour l'industrie et la recherche publique». Une infrastructure permettant le calcul haute performance (HPC - High Performance Computing) doit également voir le jour au Luxembourg.
Le ministre de l'Economie a aussi annoncé la création d'une plateforme luxembourgeoise pour financer cette révolution et le développement durable: ce sera la «Luxembourg Sustainable Development Finance Platform».
Rifkin promet de son côté que dans cette Troisième révolution industrielle, «il n'y aura pas de laissés-pour-compte».