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Josée Lorsché: «Le peuple français est un peuple éclairé»

Josée Lorsché entretient un lien sentimental avec la francophonie. Grande amatrice de littérature et de culture françaises, la députée déi gréng écoute France Culture et relit encore aujourd'hui les écrits de Françoise Héritier et de Simone de Beauvoir. Rencontre avec une femme qui a forgé sa pensée politique auprès des féministes.

Josée Lorsché est membre du parti déi gréng depuis 1984 et membre du groupe politique depuis 2011.

Josée Lorsché est membre du parti déi gréng depuis 1984 et membre du groupe politique depuis 2011. © PHOTO: Pierre Matgé

Virginie Orlandi

Le français: langue pivot dans le travail au Luxembourg mais aussi langue en perte de vitesse parmi les Luxembourgeois. Avant les élections législatives d'octobre prochain, nous avons décidé d'interroger les députés sur leur rapport à la langue de Molière, à travers une série d'interviews que nous publierons régulièrement jusqu'à l'été.

Fille d'un père originaire d'Amnéville et d'une mère luxembourgeoise, Josée Lorsché entretient un lien sentimental avec la francophonie. Grande amatrice de littérature et de culture françaises, la députée déi Gréng écoute France Culture et parle sans ambages de son goût pour les écrits de Françoise Héritier et de Simone de Beauvoir. "Ils ont ouvert mon esprit lors de ma jeunesse et m'ont amenée à développer une pensée politique. Le récent décès de l'anthropologue m'a d'ailleurs replongée dans ses écrits qui traitent des violences faites aux femmes dans le monde et m'inspirent encore aujourd'hui."

Côté musique, la Présidente de la Commission du Développement durable, se reconnaît dans la chanson française lorsqu'elle a une connotation sociétale et Barbara, Juliette Greco et Jacques Brel sont ses préférés. Et lorsqu'elle décide de se faire une toile, c'est le cinéma français qu'elle privilégie car elle se dit encore "sous le charme des films de François Truffaut et de la Nouvelle Vague".

  • Vous aimez la France et la francophonie, avez-vous transmis ces passions à vos enfants?

J'ai deux filles et la plus jeune fait ses études à Paris à la Sorbonne où j'essaie d'aller le plus souvent possible car Paris est ma ville préférée. J'ai vraiment éduqué mes enfants dans cet esprit français et lorsqu'elles étaient enfants, nous aimions passer nos vacances en France. C'est surtout l'ouest qui nous séduit le plus et nous sommes allés très souvent en Bretagne car c'est encore très sauvage. L'été dernier, mon mari et moi, étions à La Rochelle, c'était magnifique.

  • Quel est votre rapport à la langue française?

Je l'aime beaucoup et j'essaie de la pratiquer le plus possible. En tant que Présidente de la Commission du développement durable, je rédige beaucoup de documents en français. Mon époux est luxembourgeois et à la maison nous parlons le luxembourgeois. Enfant, nous allions en vacances en Belgique, sur la côte. Pour moi, le français est aussi la langue des vacances.

© PHOTO: Pierre Matgé

  • Quelle image avez-vous des Français?

J'aime beaucoup les Français car ils ont un savoir-vivre qui me plaît mais lors des dernières élections, j'ai été surprise de la forte représentation du Front National et cela m'interroge. En Moselle, surtout, où le FN est très fort alors que beaucoup de Mosellans sont frontaliers.

  • Posez-vous un autre regard sur la France depuis les dernières élections?

J'aime toujours l'âme française car elle n'est pas d'extrême droite. Le peuple français est un peuple éclairé, d'après moi mais je ne sais que penser de cette présence du Front National. Va-t-elle prendre de l'ampleur jusqu'à mettre en question l'idée de l'Europe ?

Je me sens très proche de l'Europe et du Benelux qui est très souvent précurseur pour certains projets. Ici, il est possible de mettre des choses en place, car ce sont de petits Etats. En ce moment, la Commission pour le développement durable est en train de mener un projet à propos de l'économie circulaire et nous visitons des projets concrets basés dans les trois pays. Le Benelux peut être un endroit où l'on teste des choses et devenir ainsi un modèle. Il est toujours dommage pour moi de remettre en question l'idée de l'Europe.

  • Est-ce que le résultat du référendum sur le vote des étrangers a changé la perception des étrangers au Luxembourg ?

Non, je ne pense pas. Ce qui est vrai, cependant, c'est la peur des Luxembourgeois d'être envahis par les étrangers qui vivent dans notre pays et de perdre leur identité si jamais ceux-ci avaient un jour le droit de vote.

  • Pensez-vous que si un prochain gouvernement reposait la même question aux Luxembourgeois, la réponse serait identique?

Je pense que la jeune génération luxembourgeoise n'a pas la même vision des choses. Premièrement, ce sont des gens qui voyagent beaucoup et qui ont l'esprit plus ouvert à la mentalité européenne et sont donc plus favorables au droit de vote pour les étrangers dans ce pays.

A mon avis, les résidents étrangers sont la richesse du Luxembourg car de nombreux employeurs sont issus de l'immigration et il faut toujours prendre en compte la plus-value que les gens peuvent apporter au lieu de les stigmatiser ou de les critiquer.
  • Justement, quand le Luxembourg comptera près d'un million d’habitants vers 2060, il comptera aussi environ 350.000 travailleurs frontaliers, selon les projections du Statec et de la Fondation Idea. Est-ce pour vous plutôt une richesse ou un défi pour le pays ?

C'est une nécessité de travailler avec les forces vives de la région et je pense qu'il faut travailler avec les compétences de chacun. Mais la vraie urgence dans ce pays, c'est de renforcer les compétences scolaires de sorte à ce que le profil de nos diplômés corresponde plus aux besoins de l'économie. Il faut développer les compétences de nos citoyens. Cependant, si nous n'avons pas dans le pays tel ou tel profil, je ne vois pas où est le problème d'aller le chercher ailleurs! Il faut composer avec tout le monde si on veut avoir une société qui tourne.

  • Lors de la prochaine législature, le nombre de résidents étrangers devrait dépasser le nombre de résidents luxembourgeois. Comment penser la cohésion sociale dans ce nouveau cadre ?

Je trouve que le Luxembourg a déjà une bonne cohésion sociale par rapport à d'autres pays et en tant qu'échevine en charge des questions scolaires à Bettembourg, je me rends compte d'une chose: dans notre commune 49 nationalités différentes cohabitent à l'école fondamentale et cela se passe très bien. Je pense que le Luxembourg est bien placé pour montrer au reste de l'Europe que le "Vivre ensemble" est possible.

En apprenant une langue, on apprend à respecter la culture qui se cache derrière. Cependant, je pense que l'introduction du français dans les crèches doit être nuancée car il faut toujours garder à l'esprit que chaque enfant est différent et demande une attention particulière. Il me semble compliqué de mettre en place un programme unique d'apprentissage du français pour des enfants aussi jeunes.

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