Justice et police affinent l'accès à leurs fichiers
Au bout de plus de deux ans de débats, enflammés puis plus assagis, la question de la gestion des informations pénales semble s'approcher d'une issue. En 2022, les deux textes définitifs pourraient être votés pour ce qui concerne le stockage et l'usage des données par policiers et magistrats.
Sam Tanson -Justice- et Henri Kox -Sécurité intérieure- proposeront leurs nouvelles lois sur les fichiers en même temps. © PHOTO: Gerry Huberty
(Pj avec Danielle SCHUMACHER) En 2019, la question de l'accès aux données stockées dans une multitude de fichiers gérés par la police et la justice avait enflammé les débats politiques. Le temps a passé, les débats ont perdu de leur vigueur. Ministres concernés comme députés ont, depuis, passé des mois et des mois à s'interroger sur les nécessaires limites à fixer pour déterminer qui et dans quelles circonstances pouvait s'introduire dans le système, agents comme magistrats. «Maintenant, j'ai bon espoir que d'ici six mois, le Conseil d'Etat aura rendu ses avis et que le projet de loi définitif sur ces fichiers puisse être voté», indique Charles Margue (Déi Gréng).
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Le parlementaire a été choisi comme rapporteur des 12 articles qui concernent le fichier Ju-cha, celui destiné à la justice. Un fichier dont la ministre de tutelle, Sam Tanson, a rappelé mercredi la nouvelle teneur. «Notre objectif reste de protéger les données personnelles autant que possible sans gêner le pouvoir judiciaire dans son travail», déclare celle qui a pris la suite du ministre Félix Braz sur ce dossier de longue haleine.
Quelles données personnelles pourront être stockées? Pour quel usage? Qui peut accéder aux informations? Quelle sera la durée de stockage? Voilà autant de questions auxquelles le texte de loi répond. Y compris la façon dont les magistrats peuvent exploiter ces traces du passé judiciaire des uns et des autres. «Et puis, unanimement, les députés de la commission Justice ont interdit l'accès au fichier Ju-cha au Service de renseignement de l'Etat (SREL)», ajoute Charles Margue.
Deux textes, un vote commun
Dans le futur fonctionnement des fichiers, la liste des amendes pourrait remonter sur cinq ans; dix ans pour les peines de prison de moins de six mois; 15 ans de stockage pour les peines de prison allant jusqu'à deux ans et 20 ans de ''mémoire'' pour les peines de prison de plus de deux ans. Et si Sam Tanson avait invité son collègue Henri Kox (Déi Greng), c'est que la police supervisée par le ministre de la Sécurité intérieure devra aussi faire le ménage dans les données individuelles enregistrées dans ses propres fichiers. Cela selon le même rythme que celui évoqué ci-dessus.
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D'ailleurs, en parallèle, un texte de loi sur les fichiers de la police est lui aussi en cours. Plus avancé dans la procédure d'ailleurs. Mais les deux seront soumis au vote en même temps car partageant la même logique.
Afin que les deux autorités soient parfaitement coordonnées dans leur gestion quotidienne de leurs propres fichiers, une entreprise externe a été retenue. Elle travaille déjà pour mettre en place une interface commune. Une société qui, bien entendu, planche sur ce logiciel sans avoir accès aux données réelles, mais élaborant son programme avec des «données de test», assure la ministre Tanson.
A l'avenir seuls les juges et le personnel autorisé pourront accéder aux données des casiers judiciaires. Des notes qui seront conservées sur une période allant de deux à dix ans, en fonction de la gravité des infractions. Après cinq ans de stockage, l'accès sera encore plus limité à certaines fonctions. Ensuite, il a été choisi qu'après un acquittement, les données restent tout de même accessibles pendant six mois, ceci afin de «régler des questions administratives» si nécessaire.
Pour tout ce qui concernera la situation des mineurs, seuls les juges des tribunaux pour enfants et le personnel spécialisé y auront accès. En général, l'accès aux données précédentes deviendra impossible trois ans après l'âge de la majorité.
Prévenir l'employeur ou pas
Entre le secret de l'instruction ou la discrétion sur les éléments collectés à l'occasion d'une enquête se posait parfois un problème, notamment pour les affaires de pédophilie. Etait-il opportun (et surtout légal) d'informer un employeur des soupçons pouvant peser sur un de ses salariés? Les textes travaillés ces derniers mois devraient pouvoir le permettre, dans le seul but de «prévenir d'autres agressions». A charge alors pour le ministère public de décider, au cas par cas, de diffuser cette information sur un suspect. «Il ne s'agira donc que de cas exceptionnels», a insisté la procureure générale Martine Solovieff.