L'Abrigado, plus qu'une simple salle de shoot
Tandis que son déménagement est au cœur des débats, le site de la rue de Thionville continue de recevoir des toxicomanes. Chaque année, jusqu'à 200 usagers y viennent pour consommer, mais aussi trouver des solutions à leur dépendance.
Le centre d'accueil à côté de la gare accueille 180 à 200 consommateurs réguliers. © PHOTO: Chris Karaba
(m.d. avec David Thinnes) Un petit pain, un pudding et un sourire. Ces gestes peuvent sembler banals, mais à l'Abrigado ils ont leur importance. Situé rue de Thionville à deux pas de la gare, le centre d'accueil ne se résume pas à ses salles de consommation. «Ici, nous essayons de rétablir la confiance», explique Ingo Könen, responsable des soins de l'Abrigado au Luxemburger Wort. L'objectif: amener les consommateurs à prendre conscience de leur addiction. Voire en sortir.
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Au-delà du matériel stérile mis à leur disposition, les toxicomanes ont accès à des soins, allant du changement du pansement au scanner veineux. La lumière à infrarouge permet de mieux trouver les veines, évitant ainsi de se blesser. En outre, l'appareil a également une approche pédagogique : il permet aux consommateurs de constater que l'injection détruit leurs vaisseaux sanguins. Une approche qui peut être un premier pas vers la désintoxication.
Avec son équipe, Ingo Könen recherche des solutions adaptées à chaque profil notamment en ce qui concerne l'abstinence. Dans leur cheminement, les consommateurs se soumettent «eux-mêmes» à beaucoup de pression, en pensant que «seule une personne abstinente est un membre à part entière de la société», analyse le responsable de soins. Pour le personnel de l'Abrigado, il est important de supprimer cette pression pour que le programme de substitution «réussisse du premier coup». A chaque étape, chaque tentative, le personnel accompagne le consommateur. Se plaçant en soutien, l'équipe de l'Abrigado vise à «aider pas à pas les consommateurs» dans leur lutte contre leur dépendance.
Sécurité renforcée
En délivrant minutieusement du matériel stérile, l'Abrigado permet aux toxicomanes de consommer sans risque de contamination via des seringues déjà utilisées. La collecte de 350.000 seringues par an dans une poubelle spéciale, évite également de mettre en danger les résidents du quartier. Les aiguilles sont ainsi détruites, et ne se retrouvent pas jetées au-dehors.
Pour soulager cette pression, le centre d'accueil a d'ailleurs mis en place une salle d'acupuncture au rez-de-chaussée. «Huit membres du personnel ont suivi une formation spécifique», se félicite Raoul Schaaf, directeur du comité national de défense sociale (CNDS), qui gère le site. Quatre fauteuils confortables, beaucoup de lumière naturelle, quelques plantes... la pièce se veut apaisante, mais ne correspond pas à tous les profils. «Chaque personne a une histoire, il ne faut pas mettre tous les toxicomanes dans le même sac», nuance Ingo Könen.
Le centre d'accueil a également initié des réunions exclusivement réservées aux femmes. Représentant 20% des usagers de l'Abrigado, elles sont généralement «en situation de dépendance affective». Avec elles, le personnel du centre travaille notamment à «inverser le rapport de force». Ces réunions visent à les faire se sentir «à nouveau femmes». Certaines comprennent des ateliers maquillage qui leur permettent de pouvoir «porter un masque». «C'est très important, surtout pour les prostituées. C'est comme une protection», souligne Raoul Schaaf.
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Le directeur du CNDS se dit d'ailleurs favorable à la création d'une unité exclusivement réservée aux femmes toxicomanes. Une piste évoquée dans les derniers échanges entre le CNDS, le ministère de la Santé et la Ville de Luxembourg, qui réfléchissent actuellement à changer l'Abrigado de place. Un déménagement qui est encore «en cours de discussion» mais qui pourrait se traduire par l'ouverture de plusieurs sites.
Fin mars, Raoul Schaaf misait sur la création de «trois centres fréquentés chacun par 60 personnes» en lieu et place de l'actuel site, où défilent 180 à 200 personnes.