L'ambassadrice française passe en revue sa première année
Télétravail, mobilité des frontaliers ou encore lien entre la France et le Luxembourg, Claire Lignières-Counathe revient sur ces sujets et sur sa première année en tant qu'ambassadrice au Luxembourg.
Claire Lignières-Counathe estime qu'il est important de préserver les liens entre la France et le Luxembourg, y compris par des événements culturels. © PHOTO: Anouk Antony
À l'occasion du 14-Juillet, fête nationale en France, Claire Lignières-Counathe a passé en revue sa première année à l'ambassade de France au Luxembourg. Elle occupe ce poste depuis septembre 2021.
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Avant d'arriver au Luxembourg, vous étiez ambassadrice en Lituanie. Quelle est la différence avec le Grand-Duché ? Est-ce que la proximité avec la France change quelque chose ?
Claire Lignières-Counathe - «On n'est d'abord pas dans la même géographie de l'Europe mais dans les deux cas, nous sommes dans un pays membre de l'Union européenne. La différence majeure est que nous sommes dans un pays frontalier à la France, ça ajoute une dimension particulière. Et cela, d'autant plus que cette coopération et ces liens transfrontaliers se sont beaucoup renforcés ces dernières années. Ces questions ont pris une place importante dans notre relation bilatérale avec le Luxembourg.
Vous avez un exemple concernant le renforcement de ces liens?
«Cela passe notamment par l'augmentation du nombre de travailleurs frontaliers qui a augmenté de façon très nette depuis quinze ans. C'est aussi le cas pour le nombre de Français résidant au Luxembourg. Cela renforce ces liens humains de manière automatique entre la France et Luxembourg, et soulève d'autres sujets. Quand on parle des travailleurs frontaliers, on s'intéresse évidemment à la question de leurs moyens de transport pour se rendre au travail tous les jours.
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Concernant la mobilité, les frontaliers rencontrent souvent des difficultés pour se rendre au Luxembourg. Des discussions sont-elles encore en cours à ce sujet entre le Luxembourg et la France?
«Les discussions ne datent pas d'hier. En 2018, nous avons institué ce principe de cofinancement qui s'applique notamment aux questions de mobilité et de transport sur le rail ou sur la route, mais aussi avec des voies de bus. Une enveloppe a été décidée en 2018 et également en octobre 2021, lors de la dernière commission intergouvernementale (CIG) franco-luxembourgeoise. Il est question de projets qui s'étalent sur plusieurs années. Ce sujet sera nécessairement au menu de la prochaine rencontre intergouvernementale. Mais certains projets ont déjà été lancés comme le P+R à Thionville.
Le télétravail illimité a pris fin le 30 juin. La France compte se montrer plus flexible à ce sujet avec le Luxembourg?
«Des discussions sont en cours entre les deux administrations fiscales. Aujourd'hui, nous sommes à un seuil de 29 jours, mais il faut savoir que ce quota s'applique pour la période du deuxième semestre, donc c'est encore assez favorable. Il faut bien sûr voir ensuite au-delà de l'année 2022, mais les négociations sont en cours.
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Vous êtes ambassadrice au Luxembourg depuis septembre 2021, quel bilan tirez-vous de cette première année ?
«L'année a été très dense, nous avions plusieurs échéances à commencer par la CIG en octobre dernier, puis l'organisation des élections françaises qui se sont bien déroulées, et l'accompagnement de la présidence française de l'Union européenne. Cette présidence s'est déroulée essentiellement à Bruxelles et en France, mais aussi localement dans les capitales de l'UE.
Je suis notamment allée à la Chambre des députés pour parler des priorités françaises, et auprès de partenaires économiques également. Nous avions trois priorités importantes qui étaient d'aboutir à des avancées dans les domaines numérique, climatique et social. Parmi ces volets, nous avons réussi à faire voter un texte sur la régulation des plateformes sur Internet, mais aussi sur un salaire minimum adéquat.
Concernant le climat, le ministre de l'Energie luxembourgeois Claude Turmes (déi Gréng) a condamné la décision de la Commission européenne d'attribuer un 'label vert' au gaz et au nucléaire. Vous comprenez cette prise de position?
«Le nucléaire et le gaz sont considérés comme des énergies bas carbone et donc ils sont dans cette classification. Il y a eu un vote favorable sur ce point et le gouvernement luxembourgeois a une autre position. La France ne s'est pas exprimée à ce sujet parce qu'elle assurait la présidence de l'UE, mais elle utilise le nucléaire et réinvestit dans l'énergie nucléaire parce que nous estimons que nous en avons besoin dans cette phase de transition énergétique. Les pays n'ont pas le même historique à l'égard de l'énergie.
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La question du nucléaire n'est-elle pas un point de crispation dans les relations franco-luxembourgeoises, notamment avec la centrale de Cattenom qui suscite plusieurs inquiétudes ?
«C'est un point de divergence entre les deux pays, mais sur Cattenom il y a des échanges réguliers et une commission bilatérale qui se réunit une fois par an. Du côté français, il y a cette volonté d'être le plus transparent possible sur la centrale et les mesures de sûreté qui sont prises, et cela va continuer.
La France est attachée à tout prix à la centrale de Cattenom ou est-elle prête à la fermer?
«C'est un secteur très contrôlé et surveillé. Si, un jour, on doit la fermer, on le fera. Mais si notre analyse ne conduit pas à la fermeture, la centrale restera ouverte. C'est très important d'être transparent et c'est normal. Récemment, il y a eu un exercice de crise auquel la partie luxembourgeoise a été conviée.
Sur la centrale de Cattenom, il y a des échanges réguliers et la volonté d'être le plus transparent possible.
La France et le Luxembourg ont signé ce lundi un accord en cas de poursuite policière au-delà la frontière, c'est une bonne nouvelle ?
«Bien sûr, c'est une avancée sur laquelle on a travaillé ces six derniers mois. C'est très important de le faire parce que nous sommes voisins et il ne fallait pas être entravé par des règles très anciennes. Dans ce cas, ça s'est fait au fil de l'eau, je dirais. Il n'y a pas que les rendez-vous CIG qui comptent, mais aussi des discussions se font tout au long de l'année.
Qu'est-ce qui vous a surpris au Luxembourg depuis votre arrivée?
«La diversité des paysages au Luxembourg est assez frappante, tout comme le côté multinational à Luxembourg-Ville où sont parlées plusieurs langues. J'ai découvert aussi des régions que je ne connaissais pas comme les Ardennes. La région du Mullerthal est très belle, tout comme les rives de la Moselle. J'ai aussi bien aimé les concepts culturels mis en place à Esch-Belval.
Des communes françaises sont impliquées dans le projet culturel Esch2022, quel bilan en tirez-vous?
«Je pense que ça se passe bien, j'espère que ça permettra de développer le secteur culturel dans cette région. Ce serait très souhaitable que cette coopération aille ensuite au-delà du cadre d'Esch2022. Il ne faut pas qu'il n'y ait que des relations liées au travail, les liens culturels sont aussi très importants. On est vraiment dans une région de l'Europe qui vit de ses liens transfrontaliers et s'en enrichit, donc ce sont des rapports à préserver.
A l'occasion du 14-Juillet, quel message souhaitez-vous faire passer aux Français du Luxembourg ?
«Ils doivent savoir que les sujets qui les concernent font partie des éléments importants de ma mission, à savoir accompagner le développement de la communauté française, et leur donner les services dont ils ont besoin. Ce n'est pas facile, parce que le service consulaire est constitué d'une petite équipe. Mais nous avons essayé de faciliter les prises de rendez-vous. Si la communauté française continue de s'accroître, la question de l'effectif se posera évidemment. Je pense que nous avons aussi beaucoup de demandes en ce moment par un effet de rattrapage après deux années de pandémie de covid.
Je tiens à dire aux résidents français qu'on a une relation fructueuse avec le Luxembourg sur le plan politique. Pour les frontaliers qui viennent travailler au Luxembourg, je souhaiterais dire que nous œuvrons sur plusieurs sujets pour faire progresser cette coopération dans le bon sens et dans un bon équilibre entre les deux parties.»