L'analyse de Fernand Fehlen: "Au travail, c'est le français qui nous unit"
Comment l'anglais s'est-il imposé? Pourquoi le luxembourgeois a-t-il tant de valeur désormais? Le sociologue Fernand Fehlen apporte un précieux éclairage.
Le sociologue Fernand Fehlen lors de la table ronde du 28 mars consacrée à la pratique des langues dans le cadre du travail © PHOTO: Chris Karaba
Alors que des responsables de différents secteurs professionnels du Luxembourg faisaient part de leurs difficultés à jongler avec les langues ce mardi lors d'une table ronde, le sociologue Fernand Fehlen a apporté un précieux éclairage.
Comment l'anglais s'est-il imposé? Pourquoi le luxembourgeois a-t-il tant de valeur désormais? Quelle langue partage-t-on vraiment au travail au Luxembourg?
"A l'école, on n'apprend pas le luxembourgeois"
L'expert commence par rappeler qu'il y a encore quelques années, la valeur de la langue luxembourgeoise était pratiquement zéro. Aujourd'hui, la voilà au coeur d'un programme de revalorisation.
"Le problème du luxembourgeois, c'est qu'il est beaucoup utilisé dans la communication mais qu'il n'a pas de valeur officielle. A l'école, on n'apprend pas le luxembourgeois, mais l'allemand puis le français puis l'anglais et peut-être après, le luxembourgeois."
"Jusqu'au 20e siècle, le marché était national, chaque pays avait sa langue. Mais depuis une trentaine d'années, la globalisation économique a largement favorisé l'usage de l'anglais, tout comme la culture de masse, la génération Erasmus ou l'Union européenne avec ses 24 langues officielles, il faut bien trouver une langue commune."
Pour Fernand Fehlen, il faut soutenir les langues régionales mais ne pas tomber dans le repli identitaire.
"Sur le marché du travail, il a pris de la valeur"
"La pénurie de main-d'oeuvre au Luxembourg fait qu'on a recours aux frontaliers et à l'immigration. Le luxembourgeois est devenu rare sur le marché de l'emploi, c'est pourquoi il a pris de la valeur."
"Le secteur public compte 89% de personnes ayant la nationalité luxembourgeoise. C'est un secteur protégé, réservé aux personnes qui ont les compétences."
En 2011, le recensement de la population comporte pour la première fois des questions sur la langue:
On constate qu'à l'époque, près d'un tiers des résidents sont allophones, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas pour langue première l'une des langues officielles du Luxembourg.
Dans la population scolaire de 2013/2014 (précoce, préscolaire et primaire), 49% des enfants étaient allophones: "soit trois langues à apprendre pour ces élèves", souligne le sociologue.
Quant au travail, les chiffres présentés ici sont des moyennes. "Si on s'intéresse à certaines professions en particulier, c'est encore plus parlant."
"Ce qui saute aux yeux, c'est que le français est parlé partout. C'est la conclusion de cette étude: au travail, c'est le français qui nous unit. On ne peut pas l'ignorer. Le luxembourgeois est une compétence qui n'est pas très répandue."