L'IGP fait la police parmi les agents
Depuis 2018, l'inspection générale de la police a gagné en indépendance dans ses recherches sur les éventuels dysfonctionnements de la police grand-ducale. En 2020, elle a mené pas loin de 62 enquêtes judiciaires dans ce cadre.
Chaque citoyen a la possibilité de nous alerter s'il estime avoir été victime ou témoin de faits indélicats de la part de policiers, rappelle Monique Stirn. © PHOTO: Anouk Antony
Des fêtards agités, des policiers veillant au respect des règles covid et voilà la soirée du 22 juin dernier qui tourne à la bataille rangée à l'arrière du palais grand-ducal. «Et pour la première fois, l'inspection générale de la police a lancé directement elle-même un appel à la presse dans le but de recueillir plus d'informations afin de déterminer si les forces de l'ordre avaient agi de façon adaptée.» Le seul moyen pour les enquêteurs de l'IGP de se faire une idée claire de ce qu'il s'était réellement passé. «D manière générale, ce genre d'investigations prend des mois et suppose des analyses scrupuleuses de chaque élément à disposition. Et si faute il y a eu...»
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La suite n'appartient pas à l'inspectrice générale de la police. Car comme aime à le rappeler Monique Stirn, ancienne juge d'instruction : «Nous ne sommes pas là pour sanctionner mais contrôler». Pour cela, l'administration dispose de quarante personnels. Il y a cinq ans encore, ils n'étaient qu'une quinzaine. «La volonté d'adapter les effectifs à la hauteur de la mission est donc bien visible.» Tout comme la loi de 2018 avait donné des ailes (et bien plus d'indépendance) à cet ancien service né avec la fusion de la gendarmerie et de la police grand-ducale, à la fin des années 90.
Des effectifs aussi en rapport avec la montée en nombre des agents en place dans le pays. «Cela ne veut pas dire que plus il y a de policiers, plus il y a de problèmes, tempère toutefois Monique Stirn. Mais cela signifie que les investigations peuvent être plus fréquentes». Et les dossiers plus diversifiés. Ainsi, pour ne rappeler que des faits récents, l'inspection a-t-elle aussi bien été saisie d'une enquête sur de drôles de pratiques dans la formation à l'unité spéciale que des soupçons de fraude informatique par le directeur de la région Nord ou encore le port d'un symbole non autorisé sur l'uniforme d'un agent.
Les faits graves ne sont qu'une infime partie de l'action quotidienne des agents.
Et puis il y aussi ces signalements reçus de la part de particuliers pour dénoncer un comportement inapproprié d'un policier en service. Aussi bien en commissariat que lors d'une intervention sur le terrain. Cela peut-être un geste ou une parole déplacée, un suivi d'affaire insatisfaisant, un mauvais accueil, un acte violent. En fonction du caractère pénal ou non du fait rapporté, l'enquête se fera soit administrative, sot judiciaire auquel cas elle sera transmise au Parquet.
«Mais la hiérarchie peut aussi nous saisir pour une instruction disciplinaire. C'est l'assurance d'une vérification à charge et à décharge en toute neutralité. Sachant que la police a l'obligation de nous transmettre toutes les pièces nécessaires à notre travail», insiste Monique Stirn. Condamnations ou suites disciplinaires viendront -si nécessaire- de la justice, du directeur général de la police, voire du ministère de la Sécurité intérieure.
Conseils et formation
Mais le résultat des enquêtes administratives de l'IGP pourra aussi se traduire par des adaptations de procédure, des rappels ou des actions de sensibilisation des mis en cause. «En définitive il faut bien avoir conscience que les faits graves ne sont qu'une infime partie de l'action quotidienne des agents.»
L'IGP a aussi une fonction d'analyse et de conseil à l'égard de la police luxembourgeoise. Dernièrement, elle a ainsi livré une analyse du système de vidéosurveillance en fonction dans le pays. Par le passé, l'inspection avait réalisé un audit sur le fonctionnement du 113 ou encore l'emploi des fameux ''fichiers de la police", rapport à haute sensibilité politique. «Là nous avons été chargé d'un audit sur la formation des stagiaires en matière d'usage de la force», indique Vincent Fally, inspecteur général adjoint. A charge pour les autorités de suivre les recommandations, totalement ou en partie, pour améliorer les pratiques en cours.
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Enfin, les missions de l'inspection générale incluent aussi des formations. Cours dispensés aussi bien aux recrues de l'école de police qu'aux fonctionnaires en place dans le cadre de la formation continue. «On évoque la prévention de la corruption, les Droits de l'Homme, le nouveau code de déontologie de 2019, la constitution ou le statut disciplinaire. Autant de choses qui viennent rappeler à ceux qui exercent le pouvoir de la sécurité publique dans quel cadre ils doivent agir.» De quoi éviter la multiplication des moutons noirs au sein de la police grand-ducale qui recrute en masse actuellement.