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Pandémie au Luxembourg

L'obligation vaccinale en cinq questions

Les députés luxembourgeois évoqueront l'épineux sujet de l'obligation vaccinale, à l'occasion d'un débat de concertation ce mercredi à 14h. Tour d'horizon sur la mise en œuvre de cette mesure.

Les députés luxembourgeois vont se pencher sur les nombreuses questions qui entourent l'obligation vaccinale, ce mercredi 19 janvier.

Les députés luxembourgeois vont se pencher sur les nombreuses questions qui entourent l'obligation vaccinale, ce mercredi 19 janvier. © PHOTO: AFP

Journaliste

La vaccination anti-covid doit-elle devenir obligatoire au Luxembourg? Tout le monde sera-t-il concerné par cette mesure? Quelles pourraient être les sanctions en cas de refus? Cet après-midi, les députés tenteront de répondre aux nombreuses questions qui entourent la mise en œuvre d'une obligation vaccinale. Ce mercredi, à partir de 14h, le débat de concertation sur «l'analyse de l'opportunité d'introduire une obligation vaccinale sectorielle ou universelle» se tiendra à la Chambre, selon le souhait qu'avait exprimé Xavier Bettel (DP) en décembre.

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Pour préparer ces échanges, les députés se sont vu remettre un rapport d'une trentaine de pages, visant à souligner les problèmes juridiques que peut entraîner la vaccination obligatoire. Un groupe de cinq experts réuni par le gouvernement a également été chargé de rendre un avis scientifique sur la question. Ces deux documents et leurs conclusions ont été rendus publics la semaine dernière. Parmi les questions qu'ils soulèvent et les réponses qu'ils tentent d'aborder au débat, voici cinq pistes de réflexion qui feront partie des discussions de l'après-midi.

A qui pourrait s'appliquer l'obligation vaccinale?

Comme l'indique le nom du débat de concertation, l'obligation vaccinale peut être sectorielle ou universelle. Dans le premier cas, elle pourrait s'appliquer à un groupe d'âge ou aux professionnels d'un secteur d'activité. Dans le second, la mesure concernerait la population dans son ensemble. Tandis que les députés tenteront de statuer sur ce point, les experts, de leur côté, ont déjà tranché.

Pour l'infectiologue Vic Arendt, le virologue Claude P. Muller, le spécialiste des maladies infectieuses Gérard Schockmel, la médecin-chef du Service national des maladies infectieuses, Thérèse Staub, et le professeur Paul Wilmes, l'obligation vaccinale doit concerner les adultes de plus de 50 ans. Selon les données épidémiques récoltées au Luxembourg et analysées par ces experts, le covid-19 est responsable de davantage de complications et de décès sur les patients de plus de 50 ans.

Le groupe désigné par le gouvernement s'est également positionné en faveur d'une obligation vaccinale pour les soignants. Ils estiment qu'au-delà de protéger directement les personnes les plus fragiles, celles de plus de 50 ans, un «cordon sanitaire» doit être créé. C'est ce que l'obligation vaccinale des professionnels de santé vise à réaliser. Au total, le groupe d'experts estime à 70.000 le nombre de non-vaccinés âgés de plus de 50 ans dans le pays.

Si ces deux pistes de réflexion ont été mises à disposition des députés, ils restent en revanche libres d'adopter une autre direction, comme la vaccination obligatoire pour tous ou l'abandon de la mesure, en fonction des débats.

Quelle est la position des partis politiques à ce sujet?

Les différentes sensibilités politiques luxembourgeoises ne sont pas toutes d'accord sur la question de l'obligation vaccinale. Ainsi, Les Verts se sont prononcés en faveur d'une telle mesure, début janvier, par les voix de Djuna Bernard et Meris Sehovic, les présidents du parti. Cette obligation vaccinale ne doit cependant pas s'appliquer de manière sectorielle, pour la famille politique, qui plaide plutôt pour l'universalité de la mesure pour tous les majeurs, à condition qu'elle soit limitée dans le temps.

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Pour le CSV, c'est oui. Dès le mois de décembre, le parti avait fait savoir qu'il était largement favorable à l'introduction d'une obligation vaccinale. «Nous ne pouvons pas continuer à tergiverser», avait alors appuyé le député Claude Wiseler (CSV). Alors que, dans une motion, le groupe avait demandé une décision de principe immédiate permettant la mise en œuvre de la mesure, ce à quoi Xavier Bettel avait répondu vouloir attendre la mi-janvier pour trancher.

De son côté, l'ADR a fait connaître son refus catégorique par rapport à l'obligation vaccinale. Même son de cloche chez le Parti Pirate, qui se positionne contre la mesure, qu'elle soit universelle ou sectorielle. La famille politique pense notamment que la stratégie doit passer par la sensibilisation au vaccin, mais jamais par l'injection imposée.

Quels seraient les objectifs poursuivis par l'obligation vaccinale?

«Il faut que les objectifs poursuivis par l’introduction de la vaccination obligatoire soient clairement déterminés d'un point de vue médical et scientifique», mentionne en introduction le document de synthèse transmis aux députés la semaine dernière. Des objectifs qui peuvent donc être multiples.

Parmi ceux cités par le groupe de cinq experts mandaté par le gouvernement se trouvent la protection des personnes vulnérables, mais également le retour vers une vie beaucoup plus normale. Un argument qui est mis en avant, notamment pour les jeunes générations, particulièrement affectées dans le développement de leur vie sociale et scolaire pendant la crise sanitaire.

L'obligation vaccinale ne vise cependant pas à aboutir à l'éradication totale du virus, ont prévenu les scientifiques, mais plutôt à pouvoir vivre avec, sans craindre de complications majeures. Ce qui permettra notamment d'éviter la surcharge du système de santé et l'épuisement du personnel soignant, déjà bien fatigué suite à ces quatre vagues épidémiques.

Où en sont nos voisins européens?

Difficile pour le Luxembourg de ne pas prendre en compte la situation de ses voisins, surtout lorsque l'on compte des centaines de milliers de travailleurs frontaliers sur son territoire. A ce jour, ni la France, ni la Belgique, ni l'Allemagne ne se sont dirigées vers une obligation universelle.

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La France a cependant été la première à franchir le pas d'une obligation vaccinale sectorielle, concernant les professionnels de santé. La mesure est entrée en vigueur le 16 octobre 2021. Après des discussions, la Belgique lui a emboîté le pas en se mettant d'accord fin novembre sur une obligation vaccinale dans le secteur des soins de santé. Elle s'applique depuis le 1er janvier 2022. En Allemagne, une telle obligation a été votée en décembre, et entrera en application à partir du 15 mars 2022. L'obligation vaccinale universelle, qui pourra s'appliquer au niveau fédéral ou au niveau des Länder doit encore être débattue par les députés.

Ailleurs en Europe, l'injection anti-covid a été rendue obligatoire pour les plus de 50 ans en Italie. Ainsi, les Italiens de cette tranche d'âge sont obligés de présenter une preuve de vaccination pour se rendre au travail ou dans les services publics. En Autriche, ce seront toutes les personnes de plus de 18 ans qui seront concernées par l'obligation vaccinale à partir du mois de février.

Quelle serait la temporalité de l'obligation vaccinale ?

Après la tenue de ce débat de concertation, le gouvernement luxembourgeois devra statuer si la mise en place de l'obligation vaccinale, qu'elle soit universelle ou sectorielle, est pertinente. Si tel est le cas, un projet de loi devra être déposé et voté à la Chambre, afin de pouvoir être appliqué. Comme le gouvernement l'a déjà démontré avec les nombreuses révisions de la loi Covid (trois en l'espace d'un mois), de tels débats peuvent rapidement être organisés.

Si elle est appliquée, l'obligation vaccinale devra également être fixée dans le temps. Concernant l'échéance d'une telle mesure, le groupe de cinq experts désigné par le gouvernement préconisait pour sa part de ne pas lever la mesure avant la fin du mois de juin 2024. Quoi qu'il en soit, cette question, ainsi que celle des sanctions qui pourront être appliquées aux réfractaires, seront également à l'ordre du jour pour les députés.

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