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«L'open space doit être repensé»

En raison des mesures d’hygiène et des distanciations sociales imposées, les vastes bureaux ouverts seront-ils la prochaine victime du covid-19? Rien n’est moins sûr selon Pierre Hurt, le directeur de l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI). Mais, selon lui, remodeler ces espaces s'impose.

Les nouveaux espaces de travail pourraient davantage se présenter sous forme d'alcôves.

Les nouveaux espaces de travail pourraient davantage se présenter sous forme d'alcôves. © PHOTO: Shutterstock

Des bureaux dans un vaste espace ouvert, privé de cloisons, et des salariés nomades qui se posent avec leur ordinateur selon les places laissées vacantes. Les entreprises qui recourent à ce procédé sont nombreuses, mais la pandémie de covid-19 et les restrictions imposées par la distanciation sociale pourraient bien sonner l'heure de la transformation de ces open spaces. Pour Pierre Hurt, «ces espaces de travail doivent être repensés». Le directeur de l'Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) nous apporte son expertise.

Propos recueillis par Didier Hiégel

En quoi la crise sanitaire que nous vivons actuellement va-t-elle changer la perception que nous avons de notre espace de travail et notamment des open spaces?

Pierre Hurt: «D'abord, je voudrais rappeler que Luxembourg se veut actuellement un laboratoire de la construction qu'on appelle de ce joli nom de "résiliente", c'est-à-dire circulaire et socialement responsable. Nous sommes en train de bâtir un certain savoir avec les caractéristiques du pays, une petite superficie mais un grand nombre de personnes qui y travaillent. C'est un excellent terreau de réflexion.

Pierre Hurt: «D'abord, je voudrais rappeler que Luxembourg se veut actuellement un laboratoire de la construction qu'on appelle de ce joli nom de "résiliente", c'est-à-dire circulaire et socialement responsable. Nous sommes en train de bâtir un certain savoir avec les caractéristiques du pays, une petite superficie mais un grand nombre de personnes qui y travaillent. C'est un excellent terreau de réflexion.

Par rapport à cette crise, on peut très bien imaginer que ces grands espaces ouverts vont persister au sein des entreprises, mais, et c'est mon avis, nous allons plutôt aller vers un système de boxes multifonctionnels, qui permettent, d'une certaine manière, d'être quelque peu isolé car il nous faut trouver des solutions au niveau sanitaire. Un compromis intelligent serait d'avoir des alcôves, comme dans une ruche. Ces dernières seraient limitées à une ou deux personnes.

Le tout ou rien, c'est-à-dire espaces complètement ouverts ou petits bureaux cloisonnés, n'existera plus. Et ce d'autant plus lorsqu'on prétend appartenir à une économie circulaire. Ces nouveaux lieux de travail se doivent donc d'être longtemps utilisables et réutilisables, sans de grands travaux, avec une utilisation par le personnel qui peut évoluer ou changer de forme. En définitive, un nomade à travers le bureau, mais qui disposerait d'espaces réservés qui peuvent aussi être partagés.

Se pose alors la question des mesures d'hygiène et de l'éventuelle désinfection des locaux après utilisation?

«N'oublions pas que nous ne sommes qu'au tout début de cette crise. Qu'en sera-t-il dans cinq ou six mois? Ne faisons pas l'erreur de surréagir et laissons-nous le temps de bien examiner tous les paramètres. D'autre part, des évolutions technologiques vont nous permettre de bien passer ce cap. Je pense notamment à tous ces nouveaux systèmes d'aération qui viendront en complément des gestes barrières pour renforcer les mesures sanitaires.

Et pour ce qui est de la distanciation sociale à l'ordre du jour?

«Faisons preuve de créativité car je ne suis pas pour enfermer les gens dans des cases. L'utilisation du verre, ou du plexiglas, clair ou semi-opaque, qui permettrait quand même la communication avec ses collègues, peut être une piste. Voilà justement l'exemple du travail intellectuel et la créativité dont doit faire preuve un architecte d'intérieur. Avec toujours ce que j'estime primordial: la présence de la lumière et l'absence de bruit. La lutte contre le bruit, et tous les médecins le confirment, demeure un impératif de santé.

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La crise sanitaire a aussi révélé l'importance du télétravail. Comment appréhendez-vous cette idée en rapport avec les espaces de travail que vous préconisez?

«De nombreux membres de l'Ordre des architectes étaient déjà préparés au télétravail. Nous maîtrisons donc bien cet élément. Du moins pour ce qui est de l'ordre de la conception. Trouver un mix intelligent apparaît là aussi comme un autre défi intellectuel, selon les besoins de l'entreprise et des employés. Trouver un concept pour allier les deux sera même, de mon point de vue, une nécessité car le risque du télétravail est de couper les personnes de leurs liens sociaux ou bien d'établir une hyperconnexion avec son travail. En définitive, le maître-mot reste la flexibilité, à ce propos, nous sommes d'ailleurs prêts à échanger toutes les idées

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