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Rémunération

La banque intègre de nouvelles valeurs à ses primes

Et si les performances financières n'étaient plus les seuls critères pour évaluer certains des bonus accordés sur la Place financière? Ainsi, des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance peuvent-ils entrer dans le calcul. De quoi compliquer l'arithmétique salariale.

Le secteur bancaire luxembourgeois qui compte près de 26.300 salariés va devoir appliquer ces nouveaux modes de calcul des bonus.

Le secteur bancaire luxembourgeois qui compte près de 26.300 salariés va devoir appliquer ces nouveaux modes de calcul des bonus. © PHOTO: Anouk Antony

(pj avec MeM/Bloomberg) - Sur le papier, c'est clair. Dans la réalité, un peu plus flou. Ainsi, même si les nouvelles lignes directrices de l'autorité bancaire européenne en matière de rémunération indiquent que les entreprises du secteur devront intégrer les valeurs ESG dans la rémunération de leurs employés, il existe une grande marge d'interprétation de cette mesure qui doit pourtant entrer en vigueur à la fin de cette année.

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Déjà, parce que derrière ces trois lettres, ESG, peuvent se cacher bien des choses. Comment mesurer l'action d'un salarié à son poste pour l'amélioration de l'environnement (E), à une société meilleure (S) et à une gouvernance dans le respect de chacun (G). Pourtant, il va falloir s'y mettre, partout en Europe et donc au Luxembourg.

D'ailleurs, les règles de transparence de l'Union européenne, qui entreront en vigueur en mars 2022, exigent même des banques qu'elles publient à l'avenir des informations sur la manière dont elles prennent en compte ces risques ESG dans la rémunération.

A l'association bancaire luxembourgeoise (ABBL), aucune étude précise n'a encore été menée pour mesurer l'impact de ces nouveaux critères sur les salaires pratiqués sur la Place. On indique seulement que, dans la plupart des cas, l'établissement d'un lien entre les primes et la réalisation d'objectifs ESG sera décidé au niveau des sociétés mères et non depuis le Luxembourg pour les filiales de grands groupes étrangers.

Un peu plus d'effectifs

La Banque centrale du Luxembourg a confirmé la santé retrouvée des établissements bancaires de la Place. Ainsi, selon la BCL, au 30 juin dernier, les banques luxembourgeoises comptaient 26.293 salariés (dont 55% d'hommes). En un trimestre, les personnels du secteur auront ainsi grossi de 148 employés. Soit une timide hausse de 0,3% sur un an.

Pourtant déjà au Grand-Duché, certains établissements ont fait un pas dans cette nouvelle direction. A l'image de la BCEE qui, pour ses quelque 1.800 salariés du Luxembourg, a adapté sa politique de rémunération cette année «pour prendre également en compte les critères ESG», indique sa porte-parole, Michèle Fohl.

Même inclinaison à la Banque internationale de Luxembourg. Ainsi, la BIL dit se «préparer à intégrer également les aspects ESG dans ses systèmes de primes et nous avons entamé le processus pour le mettre en œuvre dans un avenir prévisible», selon les termes de son responsable communication, Jörg Moberg.

Ainsi, alors que dans l'ancien monde seules semblaient compter la performance et la rentabilité, voilà maintenant que l'on demande aux banques de s'appuyer sur des vertus de durabilité en guise de politique salariale. Sauf que le «durable», ce n'est pas une unité. Cela ne se mesure pas autant qu'une croissance comptable... «A l'avenir, une partie des salaires des banquiers dépendra d'une variable plus difficile à quantifier que le profit - et donc potentiellement plus sujette à tricherie», alerte ainsi Bloomberg.

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Le scepticisme quant à l'efficacité des mesures ESG à promouvoir la bonne gouvernance, la justice sociale et une planète plus verte devrait donc perdurer. «Lier l'ESG et la rémunération n'est pas facile», souligne encore une étude réalisée par le centre pour la gouvernance d'entreprise de la London Business School et le cabinet de conseil PwC.

Des primes qui pèsent

Dans une étude publiée en juin dernier, le Statec notait que la part moyenne des primes non régulières (primes et bonus de fin d’année, 13e mois, etc.) dans les salaires annuels luxembourgeois représentait de l'ordre de 15% du total des rémunérations versées au pays. La moyenne européenne se fixant à 8%. Et l'organisme statistique de rappeler que quelques branches (activités financières & d’assurance et activités spécialisées, scientifiques et techniques) comptent pour presque la moitié de tous les bonus versés.

Mais malgré le flou existant autour de normes ESG communes, les établissements avancent dans cette voie. Ainsi, 45% de l'ensemble des entreprises de l'indice de la Bourse de Londres (FTSE 100) disposent déjà d'un indicateur environnement, société, gouvernance dans leur prime.

Chez HSBC Holdings, sous peine de voir partir en fumée un quart de l'évaluation permettant de fixer le niveau de leur rémunération variable, les directeurs exécutifs doivent réduire les émissions de carbone de la banque et aider leurs clients à faire de même. UniCredit affirme que 10% de la grille salariale des cadres supérieurs et dirigeants dépend des notes ESG de la banque et de la satisfaction des clients et des employés.

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