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Politique

La Chambre va retrouver ses murs... pas ses habitudes

Entre distanciation sociale, visioconférences et réaménagement de la salle des séances plénières: voilà longtemps que les députés n'ont plus siégé rue du Marché-aux-Herbes. Mais la rentrée pourrait bien se profiler pour septembre.

Pour cette crise, le président de la Chambre aura dû offrir aux parlementaires les moyens de faire fonctionner les rouages démocratiques. "On s'en est bien tirés", estime Fernand Etgen.

Pour cette crise, le président de la Chambre aura dû offrir aux parlementaires les moyens de faire fonctionner les rouages démocratiques. "On s'en est bien tirés", estime Fernand Etgen. © PHOTO: Anouk Antony

(pj avec Danielle SCHUMACHER) Depuis fin 2018, Fernand Etgen préside le Parlement. Mais surtout, depuis plus d'un an et demi, le parlementaire DP veille au travail d'une Chambre des députés passée en mode covid. Avant l'ouverture d'une nouvelle session, petit point d'avant-rentrée.

Le Parlement travaille en ''mode covid" depuis près de 18 mois. En tant que président de la Chambre, comment avez-vous vécu cette période ?

Fernand Etgen : «C'était une période très intense et... extraordinaire. Nous devions nous assurer que le Parlement restait en capacité d'agir. Ce fut la priorité absolue et nous y sommes parvenus. Nous avons tenu le rôle que nous confie la Constitution à tout moment. Il était également important que le gouvernement implique toujours le Parlement et l'informe à l'avance des mesures envisagées. Le dialogue entre les deux pouvoirs n'a jamais été aussi intense que pendant cette pandémie.

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Les mois passés ont été très denses pour nous tous. Chacune des commissions mais aussi le bureau de la Chambre ou la conférence des présidents se sont réunis beaucoup plus souvent qu'en temps normal.

A partir du printemps 2020, le Parlement a dû totalement modifier son mode de travail (réunions des commissions en ligne, nouveau lieu de débats au Cercle Cité). Comment se déroule le travail dans ces conditions ?

«Au début, la pandémie était surtout un défi institutionnel et logistique. Tout a dû changer très vite. Il fallait bouger pour rester en capacité d'agir. Nous avons donc dû trouver un autre endroit pour réunir les 60 députés en respectant les nouvelles règles sanitaires. Sans cela, nous n'aurions pas pu faire notre travail. Le bâtiment du Cercle Cité a été la solution idéale.

En plus, ce déménagement avait une signification symbolique importante : il révélait la résilience du premier pouvoir de l'État. Cette action a montré que notre démocratie fonctionnait même dans une situation aussi exceptionnelle.

Quand la Chambre reviendra-t-elle rue du Marché-aux-Herbes?

«Si tout va bien, la prochaine session parlementaire s'ouvrira au siège du Parlement. Progressivement, il est prévu que les commissions, d'abord, se réunissent à nouveau là-bas. Mais si le niveau d'infection rend toujours les sessions plénières impossibles dans le cadre de la Chambre, il est possible que le bâtiment du Cercle reste notre point d'attache.

Ces derniers mois, divers chantiers ont été entrepris dans la salle réservée aux séances plénières. Qu'en est-il exactement ?

«Des travaux étaient nécessaires pour optimiser l'acoustique et l'éclairage. Des lampes supplémentaires et de nouveaux haut-parleurs ont été installés. Les sièges ont également été renouvelés. La mise à niveau technique permettra d'améliorer les conditions de travail des députés mais aussi la qualité de l'image et du son des retransmissions. Le chantier est en cours d'achèvement. Tout sera prêt à la fin du mois de septembre.

Mais un autre chantier attend déjà. Le troisième étage de l'aile Wiltheim sera bientôt reconstruit. La grande salle sera notamment transformée en plusieurs petits bureaux.

La Chambre doit aussi renforcer son personnel. Une équipe de compétence doit notamment être mise en place. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?

«Le Parlement dépend de l'expertise interne et externe, car les législations à mettre en place deviennent de plus en plus complexes et techniques. Jusqu'à présent, nous avons pu engager trois experts pour l'équipe de compétence (un juriste et deux spécialistes des sciences naturelles). Un quatrième poste doit être pourvu par un économiste. Mais l'équipe devra encore être élargie.

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Son rôle consiste à assister les députés dans leurs recherches. Nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables de la Chaire parlementaire et du Fonds national de recherche. Ils nous ont conseillés dans la mise en place de cette équipe d'experts. Au cours des derniers mois, six membres supplémentaires ont également été engagés pour être mis au service des commissions. Sinon, le travail n'aurait pas été gérable.

Nous sommes aussi en train de mettre en place une «cellule légistique» qui travaillera à l'élaboration des textes de loi.

Le site internet de la Chambre est en reconstruction depuis... une éternité. Quelle est l'avancée de cette modernisation?

«Le site actuel est dépassé et ne répond plus aux exigences d'aujourd'hui. Il est lourd et peu convivial, ni même graphiquement attrayant. Il ressemble à une vieille 2CV mais aujourd'hui le citoyen veut rouler à 200 km/h. Et en plus, il connait des problèmes techniques. Cela a encore été le cas cet été quand des centaines de données sur les signataires de la pétition ont été soudainement visibles...

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Promis, le nouveau portail sera plus rapide et plus convivial et surtout plus facile d'accès pour les citoyens, les députés, les journalistes et les institutions impliquées dans le processus législatif. Notre objectif global est que toute personne puisse obtenir les informations sur le travail de la Chambre rapidement et facilement. Le portail sera proposé en quatre langues, avec un accès pour les malvoyants et les malentendants.

À l'origine, nous voulions être prêts pour un lancement fin de 2022, mais nous pourrions déjà être prêts pour la rentrée 2022.

Le Parlement a adopté de nouveaux modes de fonctionnement avec cette crise sanitaire. Les possibilités techniques sont rodées maintenant. Que va-t-il en rester?

Lorsque la crise sera terminée, il faudra faire le point pour savoir ce qui a bien marché (et l'inverse). Après cela, nous déciderons de la marche à suivre. Je suppose que les réunions de nombreuses commissions se poursuivront en visio mais certaines pourraient choisir le présentiel. Nous adapterons le règlement de la Chambre si nécessaire. Il faudra également voir quelles réunions peuvent être rendues publiques.

D'ailleurs, il y a de plus en plus de commissions et donc de plus en plus de réunions. Le Parlement n'atteint-il pas lentement ses limites en termes d'espace disponible?

«Cela devient effectivement un problème majeur : il n'y a plus assez de salles de réunion et... pas assez de temps pour tout suivre pour certains députés engagés ici et là. Il arrive de plus en plus souvent que les sessions se chevauchent. Il faut aussi tenir en compte du fait que le nombre de membres par commission a, lui aussi, augmenté et que sept partis sont désormais représentés au Parlement. Chaque sensibilité doit donc avoir les moyens et le temps de s'exprimer. Résultat : les réunions durent de plus en plus longtemps, et le timing habituel d'1h30 s'avère souvent plus assez suffisant...

Le temps justement s'est raccourci avec la succession de lois Covid. Les parlementaires ont vu les textes se succéder à une vitesse inédite. Un travail parlementaire correct était-il encore possible dans ces conditions?

«Oui, nous avons dû travailler très rapidement mais pas un seul projet de loi Covid n'a quitté la Chambre sans avoir été étudié, discuté et amendé si besoin. Le Parlement a fait un travail correct pendant tous ces mois. De fait, les citoyens ont pu maintenir leur confiance dans les institutions de notre démocratie, stables même en temps de crise. Je crois que du coup, l'acceptation des mesures covid par la population s'en est trouvée renforcée.

«Le Parlement a géré la crise, maintenant il doit s'atteler à trouver à quoi ressemblera la "nouvelle normalité"», dixit Fernand Etgen.

«Le Parlement a géré la crise, maintenant il doit s'atteler à trouver à quoi ressemblera la "nouvelle normalité"», dixit Fernand Etgen. © PHOTO: Anouk Antony

Au Luxembourg, nous avons réussi à mener le débat politique à la Chambre et non dans la rue, contrairement à d'autres pays. L'opposition a tenu son rôle et a accompagné de façon constructive le débat, que ce soit en séance plénière ou par le biais de questions parlementaires, de questions urgentes, etc. Le dialogue avec le Conseil d'État a également parfaitement fonctionné, il y a eu une coopération confiante.

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L'opposition critique le fait que ses motions soient systématiquement rejetées par les partis majoritaires sans discussion et que l'urgence de ses questions ne soit souvent pas reconnue. Comprenez-vous ce mécontentement ?

«Il y a toujours ce type de reproches. J'estime qu'il existe à la Chambre encore une coopération confiante entre les partis de la majorité et ceux d'opposition. Tous les députés avaient un objectif commun : contenir la pandémie le plus efficacement possible et protéger la population du virus et ses conséquences.

Bien sûr, il y a eu des débats où les émotions ont pu s'exprimer de façon un peu vive. Mais je suis bien plus préoccupé par les discussions simplistes, les simplifications excessives et les représentations carrément erronées qui circulent sur les médias sociaux. Quelques hashtags ne rendent pas justice à la complexité des débats.»

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