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Luxembourg-ville a aussi ses catacombes

La crypte archéologique révèle ses secrets

N'avez-vous jamais rêvé d'entrer dans les entrailles de la capitale et de découvrir ainsi les secrets de la Gibraltar du Nord? Située sous la cité judiciaire et préservée des regards depuis de nombreuses années, la crypte archéologique aux squelettes séculaires et aux vestiges d'un autre âge a ouvert ses portes à wort.lu/fr.

Elle devait voir le jour en même temps que la cité judiciaire en 2008 mais l'avant-projet sommaire est resté dans les cartons du ministère de la Culture, faute de budget. Du haut de ses 1,8 million d'euros et de ses 1.000 m² d'histoire et de reliquats, la crypte archéologique n'a pas pesé lourd face aux bâtiments en ruine ayant entraîné les colossaux travaux d'un montant de 4 millions d'euros sur le plateau du Rahm...

Pourtant, les deux sites se situent dans ce qu'on nomme à l'UNESCO, la zone tampon, un degré supplémentaire de protection à un bien du patrimoine mondial; et la crypte archéologique recèle de témoignages historiques bien plus précieux et anciens que le Rahm mais il y avait là «une grosse urgence», comme l'explique Patrick Sanavia, directeur des Sites et Monuments nationaux: «Au Rahm, on a réparé, consolidé, sauvé des bâtiments afin de les intégrer dans un projet d'urbanisme et choisi de laisser dormir la crypte car le patrimoine ne court aucun danger.»

Pas de cité judiciaire sans crypte archéologique?

Les fouilles de la «Belle endormie» sont en effet bien conservées sous une épaisse couche de sable et les différents témoignages historiques protégés depuis de nombreuses années.

En 1994, lorsque les vieux quartiers et les fortifications de la capitale ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, les experts mandatés ont donné leur accord à la construction de la cité judiciaire à condition que les vestiges du site soient aménagés en musée. La vieille ville de Luxembourg est inscrite sur cette liste sous le critère numéro IV qui demande au bien d'«offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou de paysage illustrant une ou des périodes significatives de l'histoire humaine».

Et le plateau du Saint Esprit est largement représentatif de ce critère même si ce n'est qu'en 2001 que les fouilles ont réellement débuté et que les archéologues ont mis en évidence la richesse du lieu: 5.000 m² de terre retournée et 5 siècles à observer à la loupe se sont alors trouvés à portée de main... de quoi fournir toutes les raisons de mettre en évidence le patrimoine du plateau et de ses acteurs des soeurs Clarisses aux soldats prussiens en passant par ceux de Louis XIV...

«Le 18 mars 1690, le couvent et ses habitantes déménagent au Pfaffenthal pour laisser la place aux soldats français», poursuit Patrick Sanavia, «En 1770, le bâtiment est rasé et au XIXe siècle, les prussiens transforment le plateau en un camp militaire avec sa Réit Hall, ses cuisines, son puits et ses casernes. Une fonction qui lui collera à la peau puisqu'il sera le fief de l'armée luxembourgeoise jusqu'en 1966».

Un avant-projet sommaire qui date de 2011

Lors de la construction de la cité judiciaire en 2008, Rob Krier l'architecte des lieux, a pensé l'espace dévolu au musée en construisant des colonnes soutenant la dalle sur laquelle une partie des bâtiments de la cité repose comme l'avaient demandé en 1994 les experts de l'UNESCO. Depuis, la crypte attend les aménagements intérieurs et la mise en place de la scénographie d'exposition, un coût qui s'élève selon les dernières estimations à 1,8 million d'euros.

«Avec les coupes budgétaires de ces dernières années, le ministère de la Culture a dû faire des choix dans la réalisation de ses différents projets», poursuit le directeur des Sites et Monuments nationaux, «étant donné que le patrimoine de la crypte est protégé et ne risque rien, il n'a pas été à l'ordre du jour de finaliser le musée. Mais les vestiges sont là et nous espérons pouvoir un jour les montrer au public».

Présenter le patrimoine au public, oui mais sous quelle forme?

On l'aura compris et on l'aperçoit sur les photos, le musée est à l'état brut et si le projet prévoit de mettre en évidence cinq siècles d'histoire, ses tenants et aboutissants ne sont pas encore clairement définis au ministère.

«Beaucoup de questions restent encore ouvertes à ce sujet», poursuit Patrick Sanavia «le musée sera-t-il payant? Fera-t-il partie du circuit Wenzel et sera-t-il ouvert à tous? Ou alors deviendra-t-il une visite guidée du LCTO? Pour l'instant, on n'en sait rien...»

L'avant-projet sommaire prévoit néanmoins que l'aménagement intérieur suive l'architecture de la crypte du couvent et que des passerelles suspendues au-dessus des vestiges permettent aux visiteurs de découvrir le patrimoine mis à nu par les archéologues. A travers les différentes strates, on pourra observer époque par époque les différents témoignages du passage des différentes communautés du plateau Saint Esprit et du noir jusqu'au rouge comprendre davantage l'histoire religieuse et militaire du pays.

De nombreuses tombes ont été retrouvées aussi bien dans l'église que dans le cloître: des femmes, des hommes mais aussi des enfants. Ce sont plus de 300 sépultures qui ont été répertoriées et fouillées. Le travail des archéologues a consisté lors des fouilles à découvrir l'identité de ces reliques en croisant leur travail avec différentes sources historiques. Les nonnes, par exemple, sont facilement reconnaissables à leurs genoux abîmés par des années de prière...

Des fortifications de Vauban aux puits et aux cuisines de l'époque prussienne, le musée de la crypte archéologique promet une fois le feu vert donné par le ministère de la Culture de proposer un intéressant voyage dans le temps dans un lieu atypique et quelque peu mystérieux.

Le Gibraltar du Nord n'a pas fini d'étonner par la quantité de ses vestiges et la richesse de son histoire.

Virginie Orlandi

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